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Epargnants, ce qui vous attend dans les projets du gouvernement de l’alignement de la taxation du capital et celle du travail
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Petit bout de la lorgnette

Le gouvernement a précisé en Conseil des ministres la grande réforme fiscale censée aligner la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail. Un projet court-termiste, qui va désinciter à épargner pour favoriser la consommation et espérer obtenir un surplus de croissance...

Robin Rivaton

Robin Rivaton

Robin Rivaton est chargé de mission d'un groupe dans le domaine des infrastructures. Il a connu plusieurs expériences en conseil financier, juridique et stratégique à Paris et à Londres.

Impliqué dans vie des idées, il écrit régulièrement dans plusieurs journaux et collabore avec des organismes de recherche sur les questions économiques et politiques. Il siège au Conseil scientifique du think-tank Fondapol où il a publié différents travaux sur la compétitivité, l'industrie ou les nouvelles technologies. Il est diplômé de l’ESCP Europe et de Sciences Po.

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En conseil des ministres, le gouvernement a précisé la grande réforme fiscale du projet de loi de Finances pour 2013 censée aligner la fiscalité les revenus du capital sur celle des revenus du travail. Jusqu’à présent, les revenus du travail étaient soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu tandis que les revenus du capital pouvaient y échapper via l’existence de niches fiscales.

La taxation de l’épargne en route vers les sommets

Les différents composants des revenus du capital - intérêts, dividendes - sont taxés soit selon les quatre tranches de l’impôt sur le revenu (5,5%, 14%, 30%, 41%), soit en acquittant des prélèvements forfaitaires (24% pour les intérêts, 21% pour les dividendes). Les plus-values mobilières et immobilières sont, elles, obligatoirement taxées à un prélèvement forfaitaire de 19%. Dans les deux cas, à cela s’ajoute les contributions sociales (CSG, CRDS, prélèvement social) à hauteur de 15,5%.

L’idée est donc de supprimer ces prélèvements forfaitaires, ce qui conduit à augmenter la pression fiscale, le prélèvement maximal atteignant 41% + 15,5% voire 59,5% + 15,5% avec la nouvelle tranche polémique. Notons que la droite avait déjà ouvert la voie en ce domaine de la révolution fiscale puisque elle avait augmenté les prélèvements forfaitaires de 50% et les contributions sociales de 28% entre 2007 et 2012.

Un mirage fiscal : équité et augmentation des recettes

Cette réforme tiendrait du miracle fiscal d’après les socialistes. D’une part, elle devrait corriger la non progressivité de l’impôt sur le revenu du fait que les ménages les plus aisés ont des revenus issus du capital. D’autre part, elle devrait amener 4,5 milliards supplémentaires dans les caisses de l’Etat chaque année, d’après les savants chiffrages de la rue de Solférino. On a du mal à croire que l’impôt sur le revenu, qui a rapporté 51 milliards d’euros en 2011 puisse être augmenté de presque 10% d’un coup de baguette magique et le fait que Bercy reste muet sur les bénéfices attendus de la mesure tend à confirmer cette intuition.

Puisqu’il n’y a pas de petits profits, pour éviter que les épargnants qui n’ont pas pris leurs dispositions avant se dépêchent de réagir, la mesure prendra effet directement après son annonce. Pourtant, à terme, la mesure devrait provoquer une modification du comportement des épargnants et donc conduire rapidement à une diminution des ressources fiscales annoncées. Exit donc les 4,5 milliards…

Riches contre pauvres, vraiment ?

A première vue, il paraît évident que les ménages non imposables ou s’acquittant des tranches basses du barème (5,5% et 14%) auront une imposition moindre au titre de leurs plus-values mobilières et immobilières. Mais encore faudrait-il que la plus-value réalisée lors de la vente du bien immobilier ne les fasse pas passer dans la tranche supérieure d’imposition.

Les Français épargnent beaucoup, 94% des ménages possèdent même un patrimoine financier. Mais augmenter la fiscalité c’est tous les toucher, y compris ceux sans patrimoine, car l’épargne n’est rien d’autre que de l’investissement ou de la consommation futurs et donc de l’emploi et des recettes fiscales à venir. Or les spécialistes ont fait remarquer que la fiscalité atteint déjà des taux prohibitifs. Elle est fondée sur les intérêts nominaux du capital, exemple les 4% annuels promis par votre assureur, alors qu’elle devrait compter les taux d’intérêt « réels ». Ainsi avec une inflation à 2%, le revenu réel du capital est divisé par deux et l’imposition de votre assurance-vie doublée peu importe son échelon initial.

Surtout que la hausse probable de la CSG, cette fameuse CSG sociale, qu’a entérinée à demi-mots le président Hollande sur le plateau de TF1 va encore alourdir les contributions sociales et donc le taux global d’imposition. On voit ici que logiciel socialiste est toujours le même, désinciter à épargner pour favoriser la consommation et obtenir un surplus de croissance. Vision court-termiste et manque de compréhension des bénéfices d’une épargne bien orientée vers les investissements productifs.

Instabilité et complexité, les deux mamelles de la fiscalité française

Cette réforme ne fait que renforcer les deux maladies du système fiscal français, à savoir sa complexité et sa remise en cause chronique, qui le rendent risqué et qui favorise les ménages aisés ayant accès aux conseils des spécialistes fiscaux.

Certaines niches fiscales seront touchées dans le cadre de la réforme. Par exemple, les actionnaires choisissant l’imposition fondée sur le barème de l’impôt sur le revenu bénéficient alors d'un abattement de 40% sur le montant de leurs dividendes et d'un abattement forfaitaire de 1.525 euros. Ce dernier avantage devrait être supprimé et le l’abattement de 40% réduit de moitié. D’autres en revanche resteront épargnées. Il s’agit notamment de la cession de la résidence principale qui sera toujours exemptée d’impôt sur la plus-value, de la cession de résidence secondaire exemptée au bout de 30 ans de possession, des plan d'épargne en actions (PEA), logement (PEL) et entreprise (PEE) resteront exemptés. L'assurance-vie conservera son taux dégressif en fonction de la détention, 35% avant 4 ans de détention, 15% entre 4 et 8 ans et 7,5% après 8 ans. Mais où est la rationalité de décourager les gens d’acquérir des actions alors que nos entreprises manquent de capital ?

Et que dire du décalage temporel qui va apparaître, puisque les prélèvements forfaitaires sont acquittés immédiatement alors que l'impôt sur le revenu intervient l’année d’après. La machinerie administrative mise en place pour éviter une année sans rentrées fiscales pour l’Etat est d’une rare complexité. Les ménages paieront un acompte basé sur le taux des prélèvements forfaitaires en année N et ils seront taxés au barème progressif l'année suivante, déduction faite des sommes déjà payées.

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