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Enrayer le trafic de stupéfiants dans les quartiers marseillais… une tâche difficile alors qu'il y a 42 cités sensibles recensées où la police ne peut se rendre
©Reuters

Bonnes feuilles

Les voyous traqués par la police de la République ? C’est la version officielle. La face cachée, ce sont des décennies de services rendus. La France a toujours eu besoin des gangsters pour effectuer les basses besognes que les services officiels ne pouvaient accomplir. Ce sont ces petits arrangements entre amis que décrypte ce livre, sur une période s’étendant de l’Occupation à aujourd'hui, en passant par la guerre d’Algérie et le Marseille de Gaston Defferre. Extrait de "Les gangsters de la République", de Frédéric Ploquin, aux éditions Fayard 2/2

Frédéric Ploquin

Frédéric Ploquin

Frédéric Ploquin, spécialiste des affaires de police et de justice, est l’auteur aux Editions Fayard de la série Parrains & caïds consacrée au banditisme. Journaliste à Marianne, il est l’auteur de la série diffusée sur France 5 sur les gangsters et la République.

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On pourrait imaginer que cette exécution spectaculaire (assassinat de Farid Berrahma, NDLR) a été un signal fort donné par le milieu traditionnel à la nouvelle génération, une façon de poser des limites aux jeunes pousses, mais Roland Guilpain est convaincu que la disparition de ce voyou autoritaire a au contraire libéré les ambitions. «Les Corses ne souhaitaient pas mettre la main sur tout le trafic de stups, dit-il. Ils se sont juste débarrassés d’un concurrent gênant sans penser aux suites, que personne n’envisageait d’ailleurs à l’époque. Nous aurions pu anticiper un développement défavorable, deviner l’avenir, mais nous ne l’avons pas fait. Nous ne sommes pas les seuls. Jusqu’aux émeutes de 2005 [en région parisienne], le monde politique, qu’il soit de droite ou de gauche, ne s’est pas préoccupé des cités en tant que source de délinquance, de criminalité. Le fait que les quartiers Nord de Marseille soient restés calmes aurait dû nous alerter. On a compris plus tard que les personnes dirigeantes en matière de banditisme dans les cités n’avaient pas du tout intérêt à nous voir nous mêler de leurs affaires, souhaitant continuer à travailler dans une certaine clandestinité. Moins ils voyaient les forces de police intervenir, mieux ça valait pour eux ! Ils ont d’ailleurs obtenu ce qu’ils souhaitaient, puisque, après les émeutes, on nous a demandé d’être particulièrement vigilants durant nos interventions dans les cités, pour éviter les incidents…»

Qu’aurait-il fallu faire, du point de vue policier, pour éviter le développement exponentiel du trafic dans les quartiers?

«Il n’y a pas une cité à Marseille, mais quarante-deux, explique Roland Guilpain. Quarante-deux cités sensibles, c’est énorme. Y a-t-il un trafic de stups dans chaque cité ? Je crains que oui. C’est très compliqué d’éradiquer ce genre de choses, vous vous attaquez à la première cité, vous allez à tel endroit et ça continue dans l’autre, et ainsi de suite. Il est cependant certain que plus les années passent et plus il est difficile d’entrer dans ces quartiers. J’ai fait mon stage à la préfecture de police [de Paris] en 1972, et quand on partait faire des perquisitions à La Courneuve [Seine-SaintDenis], on recevait déjà des frigos tombés du balcon sur le nez…

— La police se retrouve aujourd’hui confrontée à des structures qui rivalisent avec le puissant crime organisé traditionnel. Quelles sont les différences entre les anciens voyous et cette nouvelle génération?

— D’un côté, on a des gens organisés, déterminés. De l’autre, des gens qui vivent momentanément des fruits de leurs trafics, je dis momentanément puisque les victimes des règlements de comptes ont entre 20 et 35 ans. Ils en profitent le temps de leurs méfaits, alors que les caïds, corses ou assimilés ont 50, 60 ans, du moins ceux qui ont la chance de ne pas s’être fait flinguer avant, souvent parce qu’ils ont été écroués pendant de longues années. La durée de vie n’est pas la même pour tous! La délinquance de cité est aussi plus locale, ce que souligne le fait que la police judiciaire, sans diminuer ses mérites, a d’excellents résultats en matière de résolution des règlements de comptes. On parle [à la police] dans les cités, ce que ne font pas les équipes structurées.

— Le banditisme des cités a-t-il pour vocation d’effacer le banditisme traditionnel?

— Le banditisme traditionnel profite de la criminalité des cités pour qu’on ne parle pas de lui. Pour eux, moins on s’intéressera au racket dans les boîtes de nuit, mieux ça vaudra. Apparemment, il n’y a jamais autant eu de racket, mais on n’en parle jamais. Et ce ne sont pas les voyous des cités qui sont derrière. Ceux-là ne s’amuseront pas à le faire. Ils le feront une fois, pas deux…»

Extrait de "Les gangsters de la République", de Frédéric Ploquin, publié aux éditions Fayard, septembre 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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