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Énergies renouvelables : ces "légers" problèmes que révèle la journée de dimanche dernier quand l'Allemagne a produit tellement d'électricité qu'elle a dû payer les consommateurs pour l'utiliser
©Reuters

Trop vert pour être mûr

Le dimanche 8 mai, les conditions climatiques ont permis aux énergies renouvelables de fournir 87% de l'électricité consommée en Allemagne. Mais derrière cette information en apparence réjouissante, se cache une vérité incomplète.

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme est professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard, ainsi qu'à l'Institut d'Etudes Politique de Paris. 

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Atlantico : Le dimanche 8 mai, du fait de conditions climatiques optimales, les énergies renouvelables ont fourni 87% de l'électricité consommée en Allemagne. Cette apparente bonne nouvelle doit-elle néanmoins être relativisée ?

Rémy Prud'homme : Dire que les renouvelables ont fourni le 8 mai 2016 87% de l’électricité consommée est une vérité incomplète qui ressemble à un mensonge publicitaire, mais qui est néanmoins une information intéressante. 

L’information est tronquée pour au moins trois raisons. Tout d’abord, il y a ambiguïté sur la notion de renouvelable. Ceux qui l’emploient veulent que l’on entende éolien et solaire, mais le chiffre donné se rapporte aussi à l’hydraulique et à la bioénergie. Ces différents types de renouvelables ont des caractéristiques bien différentes, et les ajouter est une façon peu recommandable d’embrouiller les problèmes et de cacher les réalités.

Ensuite, la formulation oublie, et sans doute pas involontairement, de préciser que ce pourcentage a été atteint de 13 à 14 heures seulement. A d’autres heures de la journée, il a certainement été bien inférieur. De 20 heures à six heures, lorsque le soleil était couché, on peut être sûr que la production d’électricité solaire a certainement été égale à zéro.

Troisièmement, choisir une journée (sur 365) et a fortiori une heure (sur 8760) est sans signification, et de ce fait trompeur. Prendre l’heure de l’année, par une nuit sans vent, durant laquelle la part de l’éolien et du solaire dans la production d’électricité en Allemagne est de 0%, serait également sans signification et trompeur. En 2014, l’éolien et le solaire ont assuré environ 14% de la production d’électricité en Allemagne. Un peu plus sans doute en 2015 ou 2016. On est loin de 87%. En réalité, 14% est une moyenne entre des heures à 87% et des heures à 0%.

Comment faire face aux difficultés techniques posées par l'exploitation des énergies renouvelables ? Ne faudrait-il pas attendre que ces problèmes soient réglés, notamment la question du stockage d'électricité, avant d'inclure les énergies solaires, éoliennes et autres dans le mix électrique ? 

Ce qui est significatif, est bien connu, est le nombre d’heures annuelles durant lequel une éolienne produit de l’électricité (environ 2600 heures, soit 30% du temps) et durant lequel un panneau solaire produit de l’électricité (environ 1200 heures, soit 15% du temps). On peut, au niveau d’un pays ou d’une ensemble de pays, augmenter ces pourcentages en répartissant éoliennes et panneaux photovoltaïques sur tout le territoire, dans l’espoir que si le vent ne souffle pas en A, il soufflera en B, et en construisant des lignes de transmission de A à B. Mais l’augmentation à attendre de cette dispersion est limitée, et de plus incertaine. En tous cas, multiplier le nombre des éoliennes en A n’augmentera en rien la disponibilité, seulement la production lors des périodes de production. C’est pourquoi les affirmations très courantes dans la presse selon lesquelles telle ferme photovoltaïque ou tel parc éolien va produire la consommation d’électricité d’une ville comme Bordeaux ou comme Paris sont ridicules. Si ces villes n’avaient que ces sources d’électricité, elles seraient sans lumière, sans ordinateur et sans télévision pendant les deux-tiers du temps. Pendant l’autre tiers, il est vrai, elles pourraient vendre leur surplus d’électricité, et d’acheter des bougies.

Le chiffre de 87% a l’intérêt de souligner la variabilité de la production de l’électricité éolienne et solaire. Il implique des heures à 0%. Le plus grave est les 14% produits le sont à heures que l’on ne connaît pas à l’avance et que l’on ne contrôle pas. Si l’on savait stocker de l’électricité en grandes quantités à des prix raisonnables (comme on sait stocker du sucre ou des chaussures) cela ne serait pas trop gênant. On cherche, à grands coups de milliards. On trouvera peut-être, et cette découverte changera profondément la situation des renouvelables. Mais actuellement, on n’a pas encore trouvé. Le seul procédé utilisable est le pompage-turbinage, qui consiste à utiliser de l’électricité excédentaire pour remonter de l’eau dans des lacs de barrage, et à utiliser cette eau pour produire de l’électricité lorsqu’on en a besoin. Encore faut-il avoir des lacs de barrages disponibles à cet effet, ce qui n’est guère le cas de l’Allemagne.

Il faut donc doubler l’éolien et le solaire avec des centrales au gaz ou au charbon pour faire face aux heures sans vent et sans soleil. C’est bien ce qui se passe en Allemagne. Il en résulte que les rejets de CO2 du système électrique allemand ne diminuent pas du tout avec l’augmentation de la part des renouvelables, mais tendent au contraire à augmenter (légèrement, il est vrai).

De quelles façons les énergies renouvelables perturbent-elles le marché de l'énergie, notamment du fait des subventions qui leur sont accordées pour favoriser leur développement au détriment des énergies classiques ?

Le pire est l’impact sur les coûts et les prix. On entre là dans le monde de l’absurde. L’électricité éolienne a une priorité d’accès au réseau. Les gestionnaires sont obligés d’acheter, à des prix très élevés, tout ce qui est produit, au moment où c’est produit, qu’ils en aient besoin ou non. Mais dans le même temps on a un marché de gros de l’électricité qui est inondé par l’offre d’électricité, en particulier d’électricité "renouvelable", et dont les prix baissent constamment. La différence entre le prix d’achat élevé et le prix du marché bas est compensée par une taxe, mise à la charge des consommateurs d’électricité. Elle s’élève actuellement à près de 30 milliards d’euros par an, ce qui mesure l’aide considérable dont bénéficient les renouvelables. De ce fait, le prix payé par les consommateurs allemands est presque le double du prix payé par les consommateurs français.

La politique énergétique allemande est donc désastreuse sur tous les plans. Elle n’est pas écologique, puisqu’elle produit de plus en plus de CO2. Elle n’est pas sociale puisqu’elle débouche sur des coûts de plus en plus élevés pour les ménages. Elle n’est pas économique puisqu’elle a conduit dans le rouge tous les grands électriciens allemands. Elle n’est pas européenne, parce que le marché de gros de l’électricité que cette politique perturbe gravement est un marché européen, qui s’impose notamment à la France, et qui nous pénalise sérieusement.

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