Energies renouvelables : la filière du solaire tousse au moment où nous en avons le plus besoin <!-- --> | Atlantico.fr
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Une installation de panneaux solaires.
Une installation de panneaux solaires.
©PASCAL GUYOT / AFP

Futurs énergétiques 2050

Le gestionnaire du réseau électrique, RTE, a publié son rapport sur les « Futurs énergétiques 2050 », commandée par le gouvernement en 2019. Selon les conclusions de l'étude, les panneaux solaires et les éoliennes occupent une place importante pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Peut-on s’affranchir de notre dépendance à la Chine en matière d’approvisionnement ?

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni est présidente du fonds de dotation E5T. Elle est l'ex présidente d'Economie d’Energie et Primagaz. 

Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages majeurs: Intelligence émotionnelle (2008, Maxima), Mutations énergétiques (Gallimard, 2008) ou Comprendre le nouveau monde de l'énergie (Maxima, 2013), Understanding the new energy World 2.0 (Dow éditions). 

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Atlantico : Tout au long de son rapport, RTE nous rappelle à quel point il est important de développer les éoliennes et les panneaux solaires aux côtés du nucléaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050. A quel point le renouvelable va-t-il devenir indispensable ? 

Myriam Maestroni : Le rapport de RTE, entité en charge du transport de l’électricité depuis les centres de production sur les lignes à très haute tension jusqu’aux réseaux de distribution ou aux gros industriels, vient en effet de publier un long rapport de 600 pages, commandé par le gouvernement en 2019, sur les « Futurs énergétiques 2050 », horizon convenu au niveau européen pour l’atteinte de la désormais fameuse neutralité carbone. Le rapport évoque 6 différents scénarios de mix électrique dans lequel la part des énergies renouvelables et du nucléaire varie tout en garantissant un approvisionnement sans « black out, dans un contexte d’électrification croissant de l’économie (la part de l’électricité dans le mix énergétique total devant plus que doubler pour passer de 25% de l’énergie consommée aujourd’hui en France à plus de 50% en 2050 en devenant « bas carbone »). Le premier rendez-vous a été pris pour 2030 avec une ambition définie dans la feuille de route européenne FitX55 avec un objectif de baisse de 40% des émissions de CO2 et un bouquet énergétique intégrant 40% d’énergies renouvelables (contre 32% actuellement)… un chiffre extrêmement contraignant pour la France. En effet, dans notre pays, les énergies renouvelables ne représentent que 13,1% de la consommation d’énergie primaire et 19,1% de la consommation finale selon les chiffres du ministère de la transition énergétique en juillet dernier, ce qui nous place en 17ème position des pays de l’UE pour la consommation finale brute d’énergie produite à partir de sources renouvelables. La marche à franchir reste bien haute… d’autant que les avancées sont lentes en la matière puisqu’entre 2010 et 2020, la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie primaire n’a progressé que de 5 points, passant de 8,3% à 13,3% (à comparer à la part du nucléaire à 39,2% du total - mais plus de 70% du mix électrique -, suivi du pétrole à 27,5% et du gaz naturel à 16,9% en 2020).

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Le constat amène ainsi RTE à mettre en garde contre la fermeture « anticipée » des réacteurs nucléaires - qui affichent un âge moyen de 34 ans- et réduire la part du nucléaire dans le mix électrique de 70 à 50% à l’horizon 2035… une orientation énergétique pourtant portée haut pendant les trois dernières campagnes électorales, sans cesse repoussée, et aujourd’hui à nouveau remise en question. Un enjeu loin d’être anodin puisqu’il pourrait se traduire par de probables nouvelles commandes de réacteurs nucléaires dont les mini-réacteurs (small modular reactors -SMR- de puissance dix fois moindre que les réacteurs classiques et sans doute plus sécurisés) évoqués par le Président Macron lors de la présentation du plan France 2030.

Le sujet est extrêmement sensible car l’UE travaille depuis 2018 à la classification des différents secteurs pour pourvoir flécher de façon plus transparente les financements vers les secteurs « verts »… (taxonomie européenne). Or, se pose, l’épineuse question d’inclure ou pas le nucléaire dans la taxonomie verte. La problématique s’est retrouvée au cœur d’une immense bataille technocratique entre les Allemands (soutenus par d’autres pays ralliés à leur cause) qui sont définitivement sortis du nucléaire et souhaitent donc l’exclure, tout en souhaitant inclure le gaz naturel qui pourrait évoluer vers du biogaz, et les Français qui ont une position diamétralement opposée. Au final, la décision sera déterminante pour disposer des ressources financières nécessaires et qui privilégieront les investissements verts…

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Ainsi le rapport de RTE considère que « construire de nouveaux réacteurs nucléaires est pertinent du point de vue économique » en affirmant qu’un mix électrique 100% renouvelable couterait entre 77 et 80 milliards d’euros par an contre 59 milliards pour le mix plus nucléarisé constitué à 50% d’EPR. Une étude et des estimations de RTE qui ne manqueront pas d’être questionnées comme l’ont été les rapports de l’ADEME prônant un mix 100% renouvelable à l’horizon 2050 et qui affirmaient que « la place très prépondérante des ENR dans le système électrique français était sans appel (…) et que le nucléaire de nouvelle génération (type EPR) n’apparaissait pas compétitif ».

Malgré ses positions tranchées en matière de nucléaire, RTE affirme néanmoins qu’il est «impossible d’atteindre la neutralité carbone sans un développement significatif des énergies renouvelables", et qu’il faudra donc multiplier par sept la capacité solaire et plus que doubler la part de l'éolien (X2,5), énergies par nature décentralisées et intermittentes et qu’il faut donc stocker soit avec des batteries (large storage) ou… grâce à l’hydrogène vert….

Ce dernier, figure également au cœur du plan France 2030 avec une ambition clairement affichée de faire de notre pays le leader de l’hydrogène vert… or pour produire de l’hydrogène vert, il faut des ENR…

Enfin, les Français aspirent à pouvoir maîtriser une part de leur destin énergétique et souhaitent pouvoir aller vers des solutions d’autoproduction et d’autoconsommation individuelle et collective avec les solutions photovoltaïques notamment en toiture, pour lesquelles notre pays est aussi très en retard par rapport à nos voisins européens, avec une offre croissante en la matière et un savoir-faire en plein développement.

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Le prix des panneaux solaires connait une augmentation sans précédent depuis 3 mois. Comment expliquer une telle augmentation ? Dans quelles proportions cela pourrait-il nuire au développement du solaire en France ?

On constate une envolée des prix sur de nombreux produits avec des tensions inflationnistes qui se ressentent partout, à commencer, rappelons-le si besoin était, par les produits pétroliers qui ont servi de déclencheurs pour justifier la mise en place d’une indemnité-inflation.

Les panneaux solaires constituent un exemple de plus des difficultés d’approvisionnement que l’on connait depuis quelques mois dans tous les secteurs (énergies, agriculture, industries…) et qui illustrent nos dépendances internationales avec des supply chain mondialisées qui sont sous pression partout suite à la reprise post-covid qui, dans la plupart des pays du monde ont relancé la croissance à des niveaux record… De fait, selon l’Insee, au printemps 2021, la part des entreprises industrielles affectées par ces tensions a atteint un niveau jamais enregistré, de 27 % (9 % en moyenne depuis 1991). L’industrie automobile, avec 78 % des entreprises (19 % en moyenne depuis 1991) et la fabrication d’équipement électronique avec 43 % (contre 11 %), sont les plus touchées. Le bâtiment est aussi fortement touché avec 22 % des entreprises (contre 4 %).

En ce qui concerne plus spécifiquement les panneaux solaire, rappelons, tout d’abord, que le prix des modules solaires a été divisé par plus de dix depuis les 20 dernières années. Du coup la hausse constatée depuis les derniers mois et qui atteint plus de 20% depuis janvier, doublée de problèmes de délais de livraison significatifs a de quoi interpeller… La question est d’autant plus sensible à un moment d’accroissement structurel de la demande avec une multiplication des projets partout dans le monde suite à la révision des ambitions climatiques (qui pourrait se traduire par une demande de panneaux solaires multipliée par 4 d’ici à 2050). Il faut dire que les composants de matières premières tels que le cuivre ou l’aluminium ou l’inox ont également fortement augmenté (avec des productions concentrées sur quelques pays: 60 % à 80 % de la production de métaux comme le fer, le cuivre ou l’étain, est assurée par 5 pays tels que le Chili ou le Pérou (respectivement 28 % et 12 % de la production mondiale de cuivre et qui ont souffert de la pandémie).

Par ailleurs, au prix des matières premières s’ajoutent la hausse du prix des transports qui ont explosés (avec un niveau de 4 à 5 fois plus élevés qu’en 2019).

A périmètre égal, le phénomène pourrait se stabiliser car les fabricants n’ont pas intérêt à maintenir des prix trop hauts et risquer de limiter la demande… néanmoins la hausse de la demande des panneaux solaires s’ajoutera à l’essor des véhicules électriques qui pourrait contribuer à accroitre spectaculairement la demande de nickel et de cuivre, (certaines prévisions prévoient qu’elle pourrait respectivement être multipliée par 14 et 17).

Néanmoins même avec des prix à la hausse, les installations photovoltaïques devraient rester rentables avec un risque d’augmentation du prix du Kwh...

Alors que les cinq plus grands fabricants de panneaux solaires chinois représentent environ la moitié de l'approvisionnement mondial, la chaîne d’approvisionnement en panneaux solaires montre actuellement des signes de faiblesse. Comment s’assurer que l’offre soit suffisante dans un contexte d’accroissement de la demande ? Peut-on s’affranchir de notre dépendance à la Chine en matière d’approvisionnement ?

Rappelons que les importations de panneaux solaires chinois en Europe étaient régulées de 2013 à 2018 par une surtaxe pouvant aller jusqu’à 65%. En 2018, l’Union européenne a libéralisé les importations et supprimé les taxes à l’importation sur les panneaux solaires chinois… considérant que cette mesure pourrait permettre de mieux atteindre les objectifs de développement des énergies renouvelables de l’UE.

Cette décision a tué dans l’œuf la production des fabricants européens incapables de faire face au déferlement de panneaux solaires « low cost » made in China.  

Depuis mi 2020 et résultante de la crise liée au Covid, différentes filières sous l’impulsion des gouvernements envisagent la relocalisation ou la réindustrialisation. C’est notamment le cas de la filière photovoltaïque européenne qui avait perdue, on l’a vu, l'essentiel de son outil de production face à la concurrence chinoise. Une question devenue stratégique d’autant plus que la hausse des coûts de transport (qui pourrait représenter jusqu’à 10% du coût d’un module) doublée de la remontée du prix du carbone pourrait permettre de produire des panneaux photovoltaïques compétitifs, à condition de savoir promouvoir des passages à l’échelle (scale up avec des gigafactories) et de privilégier l’innovation et la robotisation notamment pour atténuer l’impact du coût de la main d’œuvre. La filière plaide pour que cette réindustrialisation fasse partie intégrante du pacte vert (plan de relance européen ou Green deal) dans le cadre du déploiement des stratégies bas carbone (comme les batteries ou l'hydrogène).

Bref, des pistes prometteuses de solutions européennes s’amorcent.

Face à ces enjeux, économiques et diplomatiques notamment, des mesures pourraient-elles être mises en place pour s’assurer de pouvoir compter sur l’énergie solaire dans les mois et années à venir ?

Il faut noter que les premiers pas commencent à se faire : ainsi, la construction d’une usine de fabrication (et pas seulement d’assemblage) de modules PV en Moselle devant produire 2 GW de panneaux/an à partir de 2022 (et 4GW à partir de 2025) soit 9 millions de panneaux solaires avaient été décidés en mai 2020 par REC Solar, filiale du groupe norvégien REC Group. Le projet de plus de 680 millions d’euros prévoit de produire des cellules photovoltaïques avec une technologie d’hétérojonction développé par le CEA. Passé depuis sous le pavillon indien  de « Reliance New Energy solar Ltd » le projet devrait continuer offrant une plateforme technologique pour la fabrication de silicium polycristallin, apparemment élément clé de la nouvelle vision énergétique de Reliance pour devenir un acteur mondial dans la fabrication photovoltaïque avec la technologie de cellule en « hétérojonction ». Il y a d’autres projets possibles. Néanmoins le marché ira de pair avec la volonté et les décisions politiques déterminantes en la matière.

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