Encore 53 jours pour 2016 et l’État n’a plus 1 euro de recette pour assurer ses dépenses malgré une pression fiscale infernale<!-- --> | Atlantico.fr
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En France, les dépenses publiques sont passées de 44,9% du PIB en 1978 à 57% en 2015. Cela représente une hausse de 12,1 points. Pour faire face à de telles dépenses, la France est devenue championne de la fiscalité et des déficits.
En France, les dépenses publiques sont passées de 44,9% du PIB en 1978 à 57% en 2015. Cela représente une hausse de 12,1 points. Pour faire face à de telles dépenses, la France est devenue championne de la fiscalité et des déficits.
©OLIVIER LABAN-MATTEI / AFP

Mais comment nous débrouillons-nous ?

Alors que la situation s'améliore dans la plupart des pays européens, la France, qui vivra à crédit à partir du mercredi 9 novembre pour une durée de 53 jours, a l'une des administrations centrales les plus déficitaires d'Europe.

Cécile Philippe

Cécile Philippe

Cécile Philippe est présidente et fondatrice de l’Institut économique Molinari, un organisme de recherche qui vise à entreprendre et à stimuler l’approche économique dans l’analyse des politiques publiques.

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Atlantico : L’administration centrale française aura dépensé l’intégralité de ses ressources le 9 novembre, 53 jours avant la fin de l’année. Alors que dans le reste de l'Union européenne, la situation s'améliore d'une année sur l'autre, l’écart se creuse entre la France et l’UE : il est maintenant de 22 jours contre 16 jours l’année d’avant. Comment expliquer ce décalage entre la France et la plupart des autres pays de l'UE ? Quelles sont les causes de cette moins bonne performance française ? 

Cécile Philippe : En France, l’Etat a pris l’habitude de vivre à crédit quelle que soit la conjoncture. C’est ce qui explique que nos comptes ne reviennent jamais à l’équilibre. Lorsque la situation est mauvaise, l’Etat laisse filer les dépenses afin d’amortir la conjoncture, conformément à l’idée des "stabilisateurs automatiques". Mais on conserve des déficits significatifs même en période de reprise. C’est ce qui nous singularise du reste de l’Union européenne.

Lorsque la situation s’améliore, le discours dominant insiste en France sur la nécessité de conforter la croissance. Bilan : il y a toujours une bonne raison d’accepter des déficits significatifs et de différer à plus tard les ajustements. Ailleurs, on insiste sur la nécessité de rééquilibrer le budget, pour se mettre dans une configuration qui permettra de rembourser les dettes ou de faire face au prochain retournement conjoncturel.

C’est ce qui explique pourquoi les pays de l’UE ont 9 jours en moins de dépenses non financées depuis 2013, tandis que l’administration centrale française épuise ses ressources 2 jours plus tôt. On a observé ce phénomène à maintes reprises et notamment entre 2004 et 2007. Durant ces 4 années, le déficit de l’administration française est resté quasi stable, pendant que les dépenses non financées reculaient de deux semaines dans l’UE.

Quelle est la différence entre les déficits structurels et conjoncturels ? Dans quelle mesure est-il important de distinguer ces deux dimensions ?

Une partie de la littérature économique s’intéresse à la distinction entre les déséquilibres conjoncturels, liés au cycle, et structurels. Au-delà du fait qu’il est extrêmement difficile de faire la différence entre déficits structurels et conjoncturels, comme l’illustre l’avis du Haut conseil des finances publiques relatif aux projets de loi de finances pour 2017, cette distinction n’aide pas à comprendre ce qui se passe en France.

Dans notre pays, les derniers équilibres remontent à 1980 pour l’administration centrale ou 1974 pour les administrations publiques. Nous avons structurellement pris l’habitude d’invoquer une mauvaise conjoncture pour dépenser plus d’argent public que nous ne le devrions. Ajoutons qu’in fine cela ne sert pas la croissance. Sur les quinze dernières années, le PIB par habitant a augmenté de 30%, contre 40% en moyenne dans l’UE et le chômage n’a jamais diminué de façon significative.

Alors que la France a une fiscalité très lourde, elle figure parmi les pays européens qui ont les déficits les plus élevés. Comment expliquer ce paradoxe ? Comment sortir de ce schéma ?

En France, les dépenses publiques sont passées de 44,9% du PIB en 1978 à 57% en 2015. Cela représente une hausse de 12,1 points. Pour faire face à de telles dépenses, la France est devenue championne de la fiscalité et des déficits. Rapportées au PIB, les recettes publiques augmentent significativement en France depuis des décennies. Elles sont passées de 43,2% du PIB en 1978 à 53,5% en 2015. Cela représente une hausse de 10,3 points. Cette augmentation a été concentrée sur 3 périodes, 1978-1985 (+5,8 points), 1992-1996 (+2,9 points) et 2010-2015 (+3,9 points). Cette dernière hausse est à l’origine du sentiment de "ras-le-bol fiscal", largement répandu dans la population française.

Le paradoxe entre hausse de la fiscalité et persistance de déficits n’est qu’apparent. Plus les dépenses publiques augmentent, plus la tentation d’augmenter la fiscalité est importante, plus cela génère des réactions négatives, plus le recours au déficit est tentant. Ajoutons que la France était encore relativement peu endettée il y a une vingtaine d’années. D’où l’habitude prise par nos gouvernements de voter des budgets déséquilibrés. 

Quelles sont les solutions qui vous semblent les plus urgentes à mettre en œuvre ? Quel serait le coût de l'inaction ? 

L’expérience récente de plusieurs pays du sud nous montre combien l’inaction est porteuse de risques. En cas de crise, elle conduit à sabrer dans les dépenses publiques de façon indifférenciée, avec tous les effets pervers que cela génère. C’est une issue à éviter absolument.

Une partie de la solution est de produire des études comme celle que l'Institut Molinari vient de réaliser qui ont pour objectif de sensibiliser le public à ces questions souvent abstraites de dépenses publiques. Sans un consensus fort sur ces questions, il sera impossible de mener des réformes ambitieuses en France. Il faut être prêt à reconsidérer l’importance relative de l’ensemble des programmes publics, afin de décider ce qui doit être maintenu et ce qui ne peut pas l’être. C’est ce qui a été fait avec brio au Canada ou dans des pays du nord de l’Europe, et l’expérience montre qu’il est possible de construire un consensus autour de ces priorités.

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