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En Allemagne, les extrémistes anti-musulmans pourraient être tout aussi menaçants que les militants islamistes
©REUTERS/Hannibal Hanschke

Double-front

Depuis les années 1990 et la réunification du pays, les violences commises par des militants d'extrême droite contre des étrangers et des foyers d'immigrants sont récurrentes en Allemagne. Bien que ces groupuscules aient été mis sous surveillance durant les années 2000, il est difficile de les suivre, de les surveiller et de les infiltrer, à l'instar des salafistes qui sévissent en Europe.

Stephan Martens

Stephan Martens

Stephan Martens est professeur de civilisation allemande à l'université de Cergy-Pontoise. Il enseigne la culture et l’histoire germaniques aux étudiants français depuis près de vingt ans. Il a été recteur de l’académie de la Guadeloupe entre 2011 et 2014 et a fondé l’Académie franco-allemande des relations internationales de Bordeaux, qu'il préside depuis 2010. Il a publié près de 70 publications académiques et écrit ou dirigé un dizaine d’ouvrages au cours de sa carrière. Francophone et francophile, il a publié avec son ami et ancien ambassadeur de France Philippe Gustin, France-Allemagne. Relancer le moteur de l’Europe (Paris, Éditions Lemieux, 2016).

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Atlantico : Alors que la piste d'un attentat islamiste était dans un premier temps évoquée, selon des sources policières allemandes, l'auteur de la fusillade de Munich était en fait un extrémiste de droite anti-Turcs et anti-Arabes. Dans quelle mesure le terrorisme d'extrême droite pourrait-il représenter une menace aussi importante que celle posée par les militants islamistes ?

Stephan Martens : Les phénomènes de violence d'extrême droite reviennent de manière récurrente en Allemagne.

Depuis le début des années 1990, avec la réunification allemande, des groupuscules de droite, que ce soit des hooligans, des skinheads ou des nostalgiques du IIIe Reich (représentant entre 5 000 et 10 000 individus) étaient prêts à s'attaquer aux étrangers, à des foyers d'immigrés et à remettre en cause les valeurs fondamentales de l'Allemagne. Dans les années 1990, dans les anciens Länder de l'Est, régions en proie au chômage du fait de la désindustrialisation suite à la réunification, des jeunes désœuvrés sont tombés dans l'extrémisme et se sont attaqués à tout ce qui était étranger.

Dans les années 2000, cela s'est poursuivi dans les Länder de l'Ouest suite à la crise économique et sociale qui a sévi en Allemagne avant les réformes du chancelier Schröder.

Cette tendance à la violence extrémiste de droite est donc prégnante et régulière (attaques de foyers, attaques contre des Africains et des Arabes installés en Allemagne dans les rues de certaines grandes villes).

Ce qui se passe aujourd'hui n'est pas une surprise. Par ailleurs, Angela Merkel a donné une conférence de presse ce mercredi 27 juillet : elle a parlé d' "épreuve historique" et a dit qu'elle ne dévierait pas de sa ligne d'accueil de réfugiés politiques. Si la politique de fermeté de la chancelière sera soutenue par les partis parlementaires, elle risque de renforcer et d'entrainer une résurgence des mouvements comme Pegida.

Il faut toutefois rester prudent : ce n'est pas parce qu'il y a des attentats que cela donnera forcément lieu à un réveil des groupuscules de droite qui passeraient à l'acte pour se venger de ces attentats commandités par l'État islamique. Il est trop tôt pour tirer de telles conclusions.

Le Parti nationaliste souterrain allemand aurait tué 10 personnes entre 2000 et 2007 (principalement des Turcs). Par ailleurs, d'après le Washington Post, un examen de milliers de cas a révélé que depuis les années 1990, les meurtres et attentats racistes auraient tué 849 personnes de plus que ce qui était initialement pensé. Comment expliquer cette sous-estimation et cet aveuglement vis-à-vis de la violence d'extrême droite en Allemagne ?

En ce qui concerne les membres du Parti nationaliste allemand, des procès sont en cours. Ce sont des procès très lourds et compliqués.

Dans les années 1990, le potentiel de violence qui pouvait émaner de groupuscules d'extrême droite a été sous-évalué. Les autorités ont été surprises et prises de court. Au milieu des années 1990, lorsque le chancelier Kohl était au pouvoir, suite à la réunification et à l'explosion de violence contre des étrangers, les autorités ont pris acte de ce potentiel de violence d'extrême droite à laquelle elles n'étaient pas habituées. 

Depuis ces années-là, le gouvernement fédéral, quel qu'il soit, a toujours mis sous surveillance tous les groupuscules d'extrême droite. Des politiques sociales ont été mises en œuvre et tout un travail d'association des municipalités et des Länder a été mené pour apaiser la société et ramener dans le giron ces jeunes désœuvrés en proie à la violence. Cela a permis de réduire les actes de violence même s'ils n'ont bien sûr pas disparu. Les années 2000, malgré la crise économique et sociale qui a sévi en Allemagne, ont malgré tout été marquées par une phase d'apaisement.

Aujourd'hui, c'est plus compliqué. Les extrémistes de droite posent le même problème que les extrémistes salafistes qui sévissent dans de nombreux pays européens : il est difficile de les suivre, de les surveiller et de les infiltrer. Il y a eu beaucoup de tentatives d'infiltration des services secrets allemands. Cela a donné lieu à des histoires assez rocambolesques. Des procès n'ont pas pu avoir lieu parce que il y avait des vices de procédure. Les Allemands étant très respectueux de l'Etat de droit, s'il y a le moindre vice de procédure, ils sont prêts à faire capoter tout une procédure judiciaire qui serait menée à l'encontre d'un groupuscule d'extrême droite pour des raisons juridiques. Cela complique la tâche mais c'est ainsi : l'Etat de droit prime par-dessus tout.

Comment se caractérisent les groupes d'extrême droite allemands par rapport à leurs équivalents européens ?

Quelques groupuscules sont extrêmement violents, à l'instar de ce que l'on peut observer dans certains pays de l'Est (Hongrie, Russie) : ce sont mouvements qui enrôlent des skinheads et des hooligans.

En revanche, l'essor de l'Afd ressemble à un phénomène que connaissent d'autres pays européens : l'essor du national-populisme dirigé contre le système, les partis établis avec un fort discours soit eurosceptique et anti-euro, soit qui surfe sur la crise migratoire et tout ce que cela implique (terrorisme, danger salafiste). 

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