Empoisonnement d'Alexeï Navalny : l'heure est-elle venue pour Angela Merkel de renvoyer le projet Nordstream 2 dans les dents de Vladimir Poutine ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Vladimir Poutine Angela Merkel Allemagne Russie projet nordstream 2 gazoduc
Vladimir Poutine Angela Merkel Allemagne Russie projet nordstream 2 gazoduc
©John MACDOUGALL / AFP

Bras de fer

L'affaire de l'empoisonnement d'Alexeï Navalny pourrait entraîner des conséquences pour le projet de gazoduc Nordstream 2, un chantier en cours de finalisation sur les côtes allemandes de la mer Baltique. Quelles pourraient être les conséquences géopolitiques et financières ?

Lionel Taccoen

Lionel Taccoen

Directeur de la Lettre "Géopolitique de l'Electricité" et ancien Président du Comité Consultatif de l'Energie européen.

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Atlantico.fr : Est-ce que l’affaire Alexeï Navalny va pousser l’Allemagne à se retirer du projet Nordstream 2 ? 

Lionel Taccoen : L'Allemagne est en conflit aigu et inédit avec les Etats Unis sur le gazoduc Nordstream 2, mis en oeuvre par un consortium dominé par le russe Gazprom. L'administration américaine actuelle, soutenue par les Démocrates, veut couler le projet et a décidé des sanctions rudes pour les entreprises travaillant à sa construction. Elle menace même les entreprises portuaires de la localité allemande qui doit accueillir l'extrémité du gazoduc. Officiellement la position américaine est justifiée pour des raisons morales (violation des droits de l'homme par le pouvoir russe). Mais les Etats Unis veulent surtout des débouchés pour leur gaz de schiste dont une première livraison a eut lieu en Pologne.

Le gouvernement allemand furieux et humilié cherche une sortie honorable car il est clair que l'ouvrage, presque achevé, ne pourra pas être terminé et que la non-réélection de Trump ne résoudra pas le problème.
Une façon honorable de s'en sortir , pour Berlin, est de prendre les devants et d'arrêter les frais. Donc annuler le projet en présentant cette décision comme une sanction à la mauvaise volonté prévisible des Russes  à mener une enquête impartiale sur l'empoisonnement de Navalny. Ainsi le gazoduc serait condamné pour une juste cause et non sur l'ordre des Etats Unis à un Etat souverain, ce qui permet de cacher l'humiliation subie Outre Rhin. L'Allemagne tient beaucoup à de bonnes relations avec les Etats Unis.

Comment ce retrait peut servir les intérêts allemands ? 

Cette annulation ne sert pas les intérêts allemands. Le gaz russe est moins cher que l'américain et le gazoduc est terminé à 90%. Or la transition énergétique allemande patine , les renouvelables se montrent incapables de remplacer dans les délais charbon et nucléaire. Il faudra passer par une période de dix à vingt où le gaz naturel sera important. Le marché allemand du gaz sera juteux et les Américains ont décidé qu'il était préférable qu'ils l'alimentent. Ils estiment que les Russes doivent en laisser une part pour eux et ont agi sans complexe dans de but. Après tout ils n'ont pas interdit le fonctionnement de Nordstream 1 qui fonctionne depuis pas mal d'années et qui amènent déjà du gaz russe en Allemagne. Les Américains estiment avoir à prendre une part du reste du gâteau.

Les Polonais qui ne peuvent pas supporter les Russes appuient les Américains. Les Italiens rigolent, car , en son temps, les Allemands ont combattu avec succès le projet South Sream qui devait amener le gaz russe dans le sud de l'Europe. A l'époque les Allemands estimaient que l'Europe ne devait pas trop dépendre des Russes. L'arroseur arrosé.

Quelles seraient les conséquences géopolitiques et financières de l'annulation d’un tel contrat ? 

Les Américains vont pouvoir vendre, un peu plus cher que les Russes leur gaz. Il faudra dédommager les entreprises qui ont déjà investi dans le projet: Gazprom bien sûr, mais aussi BASF (on reste en famille) et Engie. Pour cette dernière entreprise, comme les Belges veulent arrêter leur nucléaire, il est obligatoire que la Belgique construise un parc de centrales à gaz , présenté comme transitoire. 

Il y aura des négociations à l'amiable, ou des procès, basés sur la rupture de contrats avec ou non la prise en compte du Traité sur la Charte de l'Energie. Cette Charte protège les investissements énergétiques dans les pays qui l'ont ratifiée, dont ceux de l'UE. Toute modification ultérieure de cette Charte ne s'appliquera pas. A mon sens cela pourrait coûter à l'Allemagne dix à vingt milliards de $. L'alliance américaine vaut bien cela. 

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