Emmanuel Macron voudrait réduire la fracture sociale. OK, sauf qu’il faudrait donner aux syndicats une légitimité réelle… <!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron s'exprimera ce lundi soir à la télévision
Emmanuel Macron s'exprimera ce lundi soir à la télévision
©AFP

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Une seule condition : rendre le syndicalisme obligatoire. Le débat sur la réforme des retraites a ouvert un conflit insoluble entre la démocratie sociale et la démocratie politique. Comment en sortir, sinon en définissant clairement le champ d’action de la démocratie sociale et en renforçant sa légitimité ?

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Emmanuel Macron ne va pas manquer, ce soir, d’affirmer la nécessité de considérer le monde syndical comme indispensable au débat. Un peu tard, certes mais nécessaire. Il faut évidemment respecter les acteurs sociaux. Encore faut-il qu’ils soient eux-mêmes respectables et représentatifs. 

Le débat public et violent sur la réforme des retraites a mis en évidence la difficile cohabitation entre la démocratie sociale et la démocratie politique. Cohabitation impossible en l'état actuel de notre système d’organisation qui débouche sur un rapport de force et sert de prétexte à une violence insupportable fomentée par les courants les plus radicaux de la société qui, d’ailleurs, condamnent toute forme de démocratie.

Le président de la République et son gouvernement ont donné l’impression d’imposer une réforme important alors que la majorité des citoyens étaient contre cette réforme, du moins si on tient compte des sondages. Pour construire cette réforme et la faire entériner, l’exécutif n’a rien fait en violation de la Constitution.  Le « chemin démocratique », pour reprendre l’expression, d’Emmanuel Macron a été respecté.

Le seul problème est qu'il ne disposait que d’une majorité relative, il a donc utilisé les articles de la Constitution qui sont à sa disposition dans les textes fondateurs de la Veme République pour éviter un blocage de la gouvernance du pays. Et notamment le fameux article 49.3. Cette disposition aux yeux de beaucoup d’observateur a hypothéqué la légitimité politique de la réforme. 

D’où la colère des opposants et des syndicats qui ont, face à cette légitimité politique qui aurait été bafouée,  brandi la force de la démocratie sociale, c’est-à-dire un pouvoir qui s’exprime dans les manifestations de rue et dans les syndicats.  Les syndicats se sont efforcés de manifester dans le calme mais se sont retrouvés très souvent débordés dans la rue par les violences de cette sacro-sainte démocratie sociale. 

A l’avenir, il faudrait donc réconcilier démocratie politique et démocratie sociale, ce qui ne serait pas impossible si tous les acteurs sociaux et politiques étaient de bonne foi. 

Le renforcement de la légitimité politique est de la responsabilité des partis politiques et des chefs de partis.  La modification des institutions et surtout de leur fonctionnement pourrait sans doute y contribuer, mais la classe politique a surtout besoin d’un corps de doctrine cohérente et d’un programme capable de réunir une majorité absolue. La classe politique a surtout besoin de rendre la politique « désirable » pour ramener les électeurs aux urnes.  Question d’honnêteté , de morale , et de formation. 

Les crises rendent intelligents mais la sortie de crise a aussi besoin d’intelligence collective.

La démocratie sociale soulève beaucoup plus de difficultés quant à sa définition, son périmètre et à son fonctionnement. Les principes de la démocratie sociale ne répondent pas à des textes constitutionnels, ils sont utilisables (presque librement et dans l’incohérence la plus totale) par tous ceux qui veulent aujourd’hui contester les décisions politiques.  

Le concept de démocratie sociale a émergé en France dans le cadre du fonctionnement du modèle social installé à la Libération. Ce modèle est paritaire et géré par les syndicats de salariés et de chefs d’entreprise. Il fonctionne sur la base de contributions sociales et concerne l’assurance maladie , l’assurance chômage et l’assurance vieillesse. Avec au total un budget de fonctionnement équivalent au budget de l’Etat. 

Les problèmes se sont multipliés quand les partenaires sociaux ont été incapables d’équilibrer le budget social. Ils sont donc tournés vers l’État et l’État intervient dans le régime de santé , le chômage et aujourd’hui dans le financement de la retraite. Le parlement, dont la fonction première est de voter l’impôt, a donc son mot à dire. 

Les représentants de la démocratie sociale ont donc été obligés de négocier avec le représentant de la démocratie politique mais plus grave encore , les personnels ( salariés, assurés sociaux) en bref, le peuple, s’est de plus en plus souvent arrogé le droit de réformer lui-même le fonctionnement des services sociaux plutôt que de laisser les partenaires négocier. 

La période des gilets jaunes a montré qu’il existait une partie de la population n’appartenant à aucune organisation qui était capable de faire pression sur l’exécutif pour l’obliger à intervenir dans une multitude de questions qui ne relevaient pas a priori de sa compétence. Les grandes organisations politiques et les chefs de syndicats se sont retrouvés complètement marginalisés par des courants, souvent minoritaires mais puissants, parce que menaçants de violence. Au nom de la démocratie sociale et de la légitimité de la rue , la gouvernance française s’est retrouvée en risque de devoir céder au pouvoir des minorités. 

La question aujourd‘hui n’est sans pas de nier l’existence d’une démocratie sociale, mais de la renforcer ou de la restaurer. Ça passe par le respect des représentations syndicales ce qu’Emmanuel Macron n’a pas fait … mais ça passe aussi par les acteurs syndicaux eux-mêmes : les syndicats de professionnels et de salariés. 

Leur légitimité dépend de leur représentativité et de leur ambition.  

La représentativité des syndicats français est leur talon d’Achille, leur faiblesse. Le taux de syndicalisation de dépasse pas 11 % des salariés.  Le gros de la troupe est dans la fonction publique. Comment parler de leur légitimité avec un taux aussi minable.  Cette situation dépend de leur ambition et de leur « désirabilité » comme disent les hommes de marketing. La CFDT est devenue le premier syndicat de France, notamment dans le secteur privé. Or la CFDT est celui des syndicats qui a pris le plus de distance avec les courants politiques et qui a développé un programme qui tient compte des changements liés à la modernité sociale et technologique. Laurent Berger est le chef syndical qui a le plus d’influence, c’est peut-être aussi parce que c’est le plus pertinent aux yeux de beaucoup de salariés pour sauver nos modèles paritaires.

Mais l’ambition des responsables syndicaux ne suffira pas à renforcer la légitimité de la démocratie sociale. Il faudra sans doute rendre obligatoire l’inscription à un syndicat. Les projets existent à droite comme à gauche. Très simples.  L’entreprise alloue un chèque syndical et le salarié adhère au syndicat de son choix. Les syndicats se retrouvent en concurrence, ils doivent donc formuler des programmes responsables.   Beaucoup de pays pratiquent le syndicat obligatoire et personne ne s’en plaint…

En France, c’est un peu plus compliqué . 

-Les patrons s’en méfient. Ils réclament toujours plus de liberté pour eux , mais n’ont pas confiance dans le monde syndical. Les plus intelligents savent qu’ils ont besoin de contre-pouvoir.  

-Les chefs syndicaux ne sont pas contre mais en dehors de la CFDT ( encore elle ) cette culture de la concurrence est assez mal partagée. La plupart préfèrent survivre sur leur créneau de syndiqués en faisant croire qu’ils incarnent la démocratie sociale. 

-Enfin, les responsables politiques ceux qui incarnent la démocratie politique qui s’offusquent du poids grandissant de la démocratie sociale n’ont pas bien compris que cette démocratie sociale leur serait plus utile avec des syndicats fort plutôt qu’avec des réseaux sociaux qui partent dans tous les sens. 

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