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Emmanuel Macron sera-t-il prêt à payer le prix qui pourrait lui permettre de renouer avec la confiance des Français ?
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Mission quasi impossible

Les critiques du personnel soignant envers le président de la République se sont multipliées lors de ses récentes visites. Deux soignantes ont avoué à Emmanuel Macron qu'elles ne croyaient plus en lui. Comment le président peut-il sortir de cette défiance ?

Chloé Morin

Chloé Morin

Chloé Morin est ex-conseillère Opinion du Premier ministre de 2012 à 2017, et Experte-associée à la Fondation Jean Jaurès.

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Atlantico.fr : Lors d'une visite en hôpital, Emmanuel Macron a été interpellé par les soignants qui  ont déclaré "on ne croit plus en vous". Que cela signifie-t-il ?

Chloé Morin : Les soignants sont plutôt fondés à exprimer une telle défiance : leurs alertes ont été largement ignorées depuis plus d'un an, ils ont dû faire face à la crise dans des conditions très difficiles, et peuvent donc légitimement estimer que le pouvoir a commis une faute à leur endroit. C'est d'ailleurs ce qu'Emmanuel Macron lui-même a avoué lors de ce déplacement.

Mais en politique, les mea-culpa ne suffisent plus, et c'est bien là le principal problème d'Emmanuel Macron. Tant de politiques ont dit "assumer" simplement pour esquiver le débat, avant de repartir de plus belle et de n'en tirer aucune conséquences concrètes, que les Français sont quelque peu échaudés. Désormais, il ne suffira plus de dire "je me suis trompé" ou "j'ai changé", il faudra prouver que l'on sait en tirer les conséquences qui s'imposent.

On dit d'ailleurs souvent que cette mode du mea-culpa, nous l'avons importée du monde anglo-saxon. C'est vrai que la contrition publique et l'autoflagellation est un art pratiqué de longue date par les responsables politiques lorsqu'ils n'ont plus que cette voie là pour espérer la rédemption. Mais la grande différence avec nous, c'est qu'il existe encore ailleurs une culture de la responsabilité, alors qu'ici, bien souvent, les élites - haute administration ou élus - semblent cultiver plutôt l'art de la dé-responsabilisation. Il n'est pas rare, dans d'autres pays, pour un chef de parti de démissionner au lendemain d'une défaite ou d'un scandale. D'un chef d'administration d'assumer les erreurs commises par ses troupes. Ici, la démission est l'exception. Pour un Jospin mettant fin à sa vie politique, ou un patron de l'ARS démissionné - pendant le confinement, pour avoir voulu le maintien des plans de réductions budgétaires à l'hôpital -, combien d'exemples de responsables mais pas coupables, qui restent donc en poste ou sont simplement mutés ailleurs? 

Pour en revenir à Emmanuel Macron, face à la défiance des soignants mais aussi d'une grande partie des Français, qu'elle soit légitime ou non, justifiée ou injuste, on mesure bien qu'il faudra plus que des paroles pour convaincre qu'il sait "se réinventer"...

Comment le président peut-il sortir de cette défiance ?

Chloé Morin : Emmanuel Macron est face à un dilemme : changer est nécessaire, tant sur la forme - moins d'arrogance, plus d'empathie, de proximité - que sur le fond - moins de "libérer" et plus de "protéger", moins d'ouverture et plus de souveraineté. Mais essayer de changer, c'est toujours risquer de rompre sa propre cohérence, et donc sembler opportuniste et insincère. Si, du jour au lendemain, Emmanuel Macron devenait humble, souverainiste, "populaire", beaucoup de Français se diraient sans doute - car les Français voient tout, décryptent tout, c'est le revers d'une société ultra-connectée et hyper-défiante - "il essaie de nous rouler", "il n'en pense pas un mot". 

Donc le problème n'est pas de changer, mais d'être crédible dans le changement. C'est : comment se réinventer, sans paraître se renier? Comment revenir sur des convictions affirmées avec constance, sans paraître opportuniste et insincère ? Comment convaincre, désarmer la crainte de la manipulation? 

Je vois une première réponse : celle de la patience et des petits pas, de preuves concrètes données chaque jour et qui, seules, pourront convaincre et donner de la substance à se "réinventer" que les Français ne croient à ce jour pas ou peu. 

Et une deuxième réponse, dont je crains qu'elle ne soit incontournable même si elle est hautement improbable : le "suicide altruiste". Au stade où en est le Président, et au niveau de défiance que nous connaissons, que crains que seul un responsable politique qui dirait "je n'ai et n'aurai plus d'ambitions électorales, je vais donc me consacrer entièrement, durant le reste de mon mandat, à faire ce que je crois, ce qui est bon pour le pays, avec tous ceux qui veulent unir leurs efforts aux miens, et sans arrière pensée" ne puisse être cru. 

Le désintéressement et l'abnégation sont des valeurs si rares en politique - elles ne le sont pas dans la réalité, car être élu est un chemin de croix, mais elles le sont aux yeux de la plupart de nos concitoyens - qu'elles sont extrêmement recherchées et valorisées. Le jeune Emmanuel Macron, celui de 2016-2017, était en quelques sortes associé à ces valeurs car on pouvait se dire qu'il avait fait carrière ailleurs, et pourrait briller dans mille domaines autres que la politique. Donc son engagement initial était perçu comme ambitieux mais pas pour lui, pour le pays. Depuis 2017, il a perdu cela et est devenu un homme politique comme les autres. La clef de son destin réside peut-être dans sa capacité à retrouver ces qualités. 

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