Emmanuel Macron : candidat attrape-tout, président techno d'adaptation de la France à la mondialisation<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron prononce un discours pour célébrer sa victoire à l'élection présidentielle française au Champ de Mars à Paris, le 24 avril 2022
Emmanuel Macron prononce un discours pour célébrer sa victoire à l'élection présidentielle française au Champ de Mars à Paris, le 24 avril 2022
©LUDOVIC MARIN / AFP

Attrape-tout

Réélu avec un score de 56,8%, Emmanuel Macron se caractérise par des discours très marketés, à géométrie variable selon les segments électoraux auxquels il s’adresse : deux réalités pour un président attrape-tout

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico : Comment analysez-vous les résultats de cette élection ?

Arnaud Benedetti : D’abord, ce qu’il reste du Front Républicain a continué à opérer. Et le score d’Emmanuel Macron lui permet d’exciper une victoire confortable. Deuxièmement, l’abstention est aujourd’hui une donnée structurelle de la vie politique française. Troisièmement, cette élection ouvre la porte à de nombreuses interrogations : quelle majorité législative ? Quelle recomposition ? Quel avenir pour le RN et Reconquête! ? Cette élection ne répond pas tant aux questions qu’elle en pose des nouvelles. 

Ce paradoxe d’un score plutôt confortable – on a beaucoup entendu qu’il était le premier président de la Ve réélu sans cohabitation - et d’une abstention forte, ainsi que d’une détestation du président, comment l’expliquer ?

C’est la première fois qu’un candidat est réélu à deux reprises au suffrage universel direct, même s’il faut rappeler que De Gaulle avait lui aussi été réélu (même si la première élection s’était opérée avec un corps de grands électeurs ). Ce paradoxe que vous évoquez, c’est toute l’expression du malaise français car Emmanuel Macron, aussi surprenant que cela puisse paraître, est un président clivant. Le président de la République n’est pas réélu par adhésion mais par défaut. Il y a un malentendu à la racine de cette reconduction La marque Macron au second tour notamment a été utilisée par un certain nombre de forces politiques pour neutraliser cette élection et faire des législatives à venir, au regard d’un champ politique traversé par des tectoniques qui ne cessent de bouger, l’élection matricielle des cinq ans à venir. C’est le pari de Jean-Luc Mélenchon notamment. Il est difficile de distinguer ce qui va se passer lors du scrutin législatif, même si un président élu dispose toujours d’un élan  qui lui permet de bénéficier ensuite d’une majorité à l’Assemblée. Ce qui fait la singularité de la situation à venir, c’est la recomposition en cours du paysage politique : une gauche de gouvernement réduite à la portion congrue, une gauche qui se radicalise et qui retourne son vote en vote utile en faveur de Jean-Luc Mélenchon ; une droite de gouvernement qui après le score très faible de Valérie Pécresse voit s’accroître la tentation pour certains de ses cadres de rejoindre l’axe macroniste quand d’autres défendront le maintien d’une ligne d’opposition.

Après cinq ans de mandat et une campagne présidentielle, sait-on définir ce que Macron est ? 

Macron, ce sont deux réalités. Sur le plan de la stratégie électorale, Macron est une marque attrape-tout. Il tient des discours très marketés, très segmentés, à géométrie variable selon les segments électoraux auxquels il va s’adresser. C’est à la fois celui qui fait voter la loi contre le séparatisme mais n’hésite pas, ces derniers, jours à draguer un électorat parfois traversé par des revendications communautaires. C’est une spécificité du macronisme, cette grande plasticité, l’adaptation aux différents segments de marchés électoraux afin de pouvoir élargir sa base. C’est aussi une pratique du pouvoir très managériale. 

Sur le fond, Macron a un logiciel politique techno-libéral, pour le dire grossièrement. Libéral sur le plan économique mais pas politique. C’est un programme d’adaptation de la France aux standards et aux prérequis de la mondialisation. Ce fond idéologique a été parasité par un mandat qui l’a contraint à recourir aux recettes de l’Etat providence lors des gilets jaunes ou de la crise Covid. Mais le fond discursif, programmatique, d’Emmanuel Macron, c’est toujours d’essayer de mener les réformes qui permettront à la France de s’adapter à un certain nombre de prérequis, ceux de l’UE ou de la mondialisation. 

Les micro-partis qui forment où sont amenés à composer sa majorité partagent-ils tous cette vision ?

Sur la question de la souveraineté, qui est la question essentielle du politique puisque c’est elle qui donne la vision de l’utilisation des outils permettant de diriger la société, il y a une cohérence politique entre les groupes de cette coalition. Et cela va même jusqu’à une partie de ce qui reste du PS et de LR. Donc il existe une vraie affinité entre ces différents morceaux de l’archipel partisan macroniste . Sur des questions sociétales, ou régaliennes des divergences politiques peuvent apparaître mais sur le fond, ce cartel politique de la pensée dominante a sa cohérence idéologique. 

Quelle est la base politique sur laquelle Emmanuel Macron peut compter ?

Il dispose surtout d’une base sociale : la France des grandes métropoles, des seniors. Il représente plus une sociologie électorale qu’une base politique. Il a réussi à fédérer le centre droit et le centre gauche et principalement ceux qui vont le plus voter dans un contexte où l’abstention se renforce. La montée en puissance de l’abstention n’est pas de la seule responsabilité d’Emmanuel Macron, elle remonte aux années 1980. Emmanuel Macron réélu est l’expression, le syndrome de cette tendance plus que la cause et certainement pas la cause première. Ce qui est sûr, c’est que nonobstant sa réélection, il n’a pas réconcilié les Français avec la chose publique. Ce qui caractérise Emmanuel Macron, c’est d’être surtout le plus petit dénominateur commun de ceux qui vont le plus voter et qui refusent toute forme d’alternance à l’idéologie dominante européo-technocratique. 

Est-ce qu’on peut croire à la rupture et au nouveau souffle promis par Emmanuel Macron ?

Un second mandat accentue traditionnellement les tendances lourdes d’un premier mandat. On l’a vu pour Mitterrand, pour Chirac. Les évolutions discursives de l’entre-deux-tours relèvent bien plus de la stratégie électorale que d’un changement politique. Mais son discours jusqu’aux législatives va sans doute maintenir sa plasticité pour rassembler largement dans le but de s’offrir une majorité de gouvernement, même si la spécificité de cette consultation législative à venir c’est de laisser le dépôt antimacroniste, majoritaire dans le pays, profondément insatisfait. 

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