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Emmanuel Macron : une réforme des retraites très politique
©LUDOVIC MARIN / AFP

Souvent Macron varie, bien fol qui s’y fie ?

Si la conception de la réforme des retraites d'Edouard Philippe est très claire, la position d'Emmanuel Macron a pu évoluer notamment par rapport à sa campagne.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico.fr : Si la conception de la réforme des retraites d'Edouard Philippe est très claire, celle d'Emmanuel Macron l'est nettement moins. A-t-on une idée précise de ce que veut Macron ?

Que disait Emmanuel Macron de la réforme des retraites et de la façon de la concevoir durant sa campagne ? 

Maxime Tandonnet : Son programme disait précisément : « Après plus de vingt ans de réformes successives, le problème des retraites n’est plus un problème financier […] pour la première fois depuis des décennies, les perspectives financières permettent d'envisager l'avenir avec « une sérénité raisonnable ». L’enjeu aujourd'hui n’est donc pas de repousser l’âge ou d'augmenter la durée de cotisation […] L'opacité des règles conduit à ce que notre système de retraite par répartition, qui est l'expression de la solidarité entre générations, ne fournisse pas à chacun la sécurité qu’il est en droit d’attendre. » 

On voit donc bien que le projet actuel, dont l’essentiel consiste à fondre 42 statuts en un seul, le régime à points, est directement issu du programme présidentiel. L’inspiration principale de ce texte est politique, idéologique, et non financière ou économique. Il vise à l’uniformisation égalitariste et au nivellement dans une logique jacobine et socialiste, qui nie les particularités entre les professions et l’autonomie de chacune pour organiser ses retraites en fonction de ses réalités démographiques.  La question ultra-passionnelle des cheminots est l’arbre qui cache la forêt. Sont tout autant concernés les agriculteurs, les notaires, les médecins, les avocats, les mineurs, etc.

Cet été Emmanuel Macron avait annoncé qu'il était opposé à la définition d'un âge pivot.  Ces évolutions sont-elles dues à la réalité du pouvoir ?

Oui, il est probable que ces évolutions sont dues à la prise en compte de nouvelles études qui ont révélé qu’à terme, l’équilibre du système des retraites n’était pas assuré. Quitte à réaliser une réforme extrêmement lourde, le gouvernement devait aussi prendre en compte cette dimension du sujet. Et puis on voit bien l’évolution politique du quinquennat actuel. Au moins dans le discours, il a rompu les amarres avec sa source de gauche. Son principal soutien aujourd’hui, et de plus en plus, est constitué de la bourgeoisie libérale de droite, nous dirions la droite « orléaniste ». Vis-à-vis de cet électorat potentiel, il n’était pas possible de négliger la question de l’équilibre financier du futur régime des retraites. 

D’où l’infléchissement qui s’est produit avec l’introduction de l’âge pivot à 64 ans, qui n’était pas prévu dans la campagne électorale. Peut-être que l’influence des hommes de droite libérale de l’équipe au pouvoir, en particulier le Premier ministre et le ministre de l’Economie et des finances, a été déterminante sur ce point. Toutefois, il semble que la négociation reste ouverte sur cette question qui ne serait pas centrale, tout au moins aux yeux du chef de l’Etat, ne figurant pas parmi ses promesses.

Aujourd'hui son gouvernement défend l'âge pivot. Pourquoi ce nouveau changement ? Que pense réellement Macron de la réforme des retraites ? A coup d'hésitations multiples connaît-on vraiment son projet ? 

L’approche présidentielle de la réforme des retraites me semble être avant tout politique et tournée vers l’objectif de 2022. En effet, nous avons en ce moment en face des yeux la quintessence de l’absurdité d’un régime politique. J’entends bien d’un régime, d’un système, au-delà des hommes qui le servent ou qui s’en servent. Cette réforme, dont les fondements sont politiques et idéologiques, met en œuvre une promesse de campagne présidentielle. Elle a été conçue, en 2017, comme toute promesse de campagne, dans une logique électoraliste : gagner l’élection présidentielle à n’importe quel prix. La priorité absolue est désormais de la mettre en œuvre, d’une manière ou d’une autre. Pour le bien de la France ? Non. Pour espérer être réélu en 2022. La clé de la réélection présidentielle consiste à pouvoir dire : j’ai tenu ma promesse. Que cette réforme soit bonne ou nuisible pour l’intérêt général et pour le pays n’est pas la question. 

Aux origines de la Ve république, le président de la République est un arbitre et un protecteur au-dessus de la mêlée politicienne en charge notamment de fixer un cap, de la diplomatie et de la défense. Les réformes économiques et sociales devaient procéder d’une majorité parlementaire et d’un Premier ministre, seul chargé de « gouverner ». L’évolution des institutions, le quinquennat, a fait du chef de l’Etat, presque par nature, un super-démagogue irresponsable – c’est-à-dire à l’abri de toute sanction politique – prêt à toutes les promesses pour être élu et à tous les coups pour être réélu, quitte à jeter le pays dans le chaos. Le caractère, la responsabilité personnelle des hommes au pouvoir sont évidemment eux aussi en cause. Mais au-delà des personnalités individuelles, d’élection en élection, le régime politique, tel qu’il est devenu, est à la source d’une dramatique dérive narcissique que personne ne veut voir mais qui explique une bonne part de la tragédie française.  

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