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Émeute à Alençon, rixes entre bandes à Paris et cie... : l’été meurtrier pour l’ordre public en France ?
©CHRISTOPHE SIMON / AFP

Police secours

De nombreux incidents ont éclaté ces derniers jours place de la Chapelle, à Alençon et à Orly. Assiste-t-on à une montée de la violence en France ? Quel bilan pouvons-nous dresser, dans la France de 2018, de l'insécurité et des violences du quotidien ?

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Guillaume Jeanson

Guillaume Jeanson

Maître Guillaume Jeanson est avocat au Barreau de Paris. 

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Atlantico : Mardi 31 juillet au soir, à proximité de la place de la Chapelle, de nombreux blessés ont été recensés à Paris après qu'une bagarre ait éclaté. Les habitants s'alarment. Le lendemain à Alençon, une rixe sanglante a provoqué la mort d'un homme et huit blessés. Les forces de l'ordre y craignent des représailles. Enfin, à Orly, une bagarre impliquant les deux rappeurs Booba et Kaaris accompagnés de leur bande respective a provoqué un tollé général, paralysant en partie l'aéroport. Quel regard portez-vous sur cette montée de la violence en France ? Quel bilan pouvons-nous dresser, dans la France de 2018, de l'insécurité et des violences du quotidien ? 

Guillaume Jeanson : Pour évoquer la question d’un bilan actuel de l’insécurité et de la violence en France, vous choisissez d’évoquer deux exemples sensiblement différents. D’une part, la situation de certains quartiers qui est extrêmement préoccupante et donne d’ailleurs lieu à d’âpres contentieux entre riverains et autorités publiques. D’autre part, la rixe d’Orly qui apparaît, certes scandaleuse, mais surtout affligeante. Aujourd’hui risible, cet antagonisme violent pourrait toutefois lui aussi inquiéter, s’il devait encore dégénérer à l’avenir jusqu’à plagier dramatiquement d’autres affrontements -autrement plus sanglants- qui ont pu endeuiller le rap américain il y a deux décennies. Quoiqu’il en soit, ces deux exemples - aussi différents soient-ils - témoignent bien d’un « ensauvagement » de notre société. Une dérive violente perceptible en des lieux variés et qui s’affiche clairement sur des outils statistiques tels que l’Interstats de janvier 2018 intitulé « insécurité et délinquance en 2017, premier bilan statistique » disponible sur le site internet du ministère de l’intérieur. Quel bilan en tirer ? Le nombre de violences physiques et sexuelles constatées par les forces de sécurité augmente. Ce document montre en tout cas qu’il a augmenté en 2017. On y lit par exemple que « le nombre de victimes de coups et blessures volontaires criminels ou correctionnels sur personne de quinze ans ou plus enregistré par les forces de sécurité a connu une quatrième année de hausse en 2017 (+4 %), plus sensible que l’année précédente. Leur niveau approche désormais les 223 000 victimes, un point haut sur 10 ans. » A ceux qui pourraient être tentés de minimiser la portée de ces chiffres, on lit encore : « Ainsi, les forces de sécurité ont-elles recensé près de 4 victimes pour 1 000 personnes en France métropolitaine en 2017. Pourtant, ce chiffre sous-estime le phénomène des violences dans notre société puisque les enquêtes de victimation nous apprennent que, malgré la gravité des agressions subies, la majorité des victimes ne déclarent pas les faits à la police ou à la gendarmerie : en moyenne entre 2014 et 2016, seulement un quart des victimes de violences physiques exercées par un auteur qui n’appartient pas ou plus à leur ménage ont formellement déposé plainte dans un commissariat de police ou à la gendarmerie, et 10 % pour les victimes dont l’auteur vit au sein du ménage. C’est donc autour d’un million de personnes (hors enfants) qui seraient victimes de violences physiques en France métropolitaine sur un an. »
La violence ne gangrène cependant pas l’ensemble du territoire de façon uniforme : ont par exemple été recensées plus d’infractions violentes dans les outre-mer qu’en métropole et plus d’homicides par habitant en Corse et en région PACA qu’ailleurs.
Xavier Raufer :Le désastreux duo Hollande-Taubira négligea naguère la sécurité de la France, rayon crime comme terrorisme. Pire encore, le fictif M. Cazeneuve, ministre de l'Intérieur genre roquet, bon pour aboyer - mais filant sous l'armoire, dès que ça craint. Or depuis, le nouveau tandem de sécurité du président Macron, M. Collomb à l'Intérieur et Mme Belloubet à la justice, est tout aussi incapables que ses devanciers de faire proprement son boulot - restaurer durablement la sécurité en France. Seule nuance : Cazeneuve-Taubira survolaient l'anarchie ambiante en mode fringant et Collomb-Belloubet, font plutôt dans l'absent-égaré-pathétique - le résultat final restant l'anarchie dans les rues. 
Là, règnent des bandes d'autant plus insolentes que le gouvernement délaisse sa police et ses gendarmes, pourtant première ligne de l'ordre et de la sécurité en France, et semble même contourner la police légitime en confiant d'extravagantes missions de sécurité à des zozos type Benalla. Honte pour la France, quand le bizarre Benalla est rattrapé par la justice, qui vole (médiatiquement) à son secours ? L'un des affairistes les plus glauques de la Ve République et une entremetteuse du monde de la nuit, star de la com' dérangeante - brutale dégringolade, de la République impeccable au cloaque des bas-fonds. Concluons sur ce point : au quotidien désormais, la sécurité est défaillante, du centre des grandes villes à la campagne profonde en passant par la France périurbaine.

Qui sont les plus concernés et quel est le profil de ceux qui la provoque ? 

Guillaume Jeanson : L’intérêt d’une étude telle que cet Interstats est d’être particulièrement détaillée suivant le type d’infraction. Si l’on prend par exemple le cas des homicides, les classes d’âges des victimes les plus touchées sont les 15-29 ans. On apprend aussi que la grande majorité des personnes mises en cause pour homicide en 2017 est de nationalité française (86 %). « Néanmoins, les personnes étrangères sont surreprésentées parmi les mis en cause (14 %), compte tenu de leur part dans la population (environ 6 %) ». La région PACA, les Hauts-de-France et l’Île-de-France sont les trois régions les plus sévèrement touchées. 
Pour les faits de violences, on peut dire schématiquement que les auteurs sont « à 84 % des hommes, qu’ils se répartissent dans toutes les tranches d’âge de 13 à 59 ans, avec une nette surreprésentation des 18-44 ans. 85 % de ces auteurs présumés sont de nationalité française, et la majorité des étrangers mis en cause sont africains : les nationalités africaines (Maghreb compris) regroupent 9 % des mis en cause, alors qu’elles représentent 3 % de la population vivant en France ».
Xavier Raufer : L'auteur l'a dit cent fois, la France a un seul problème criminel - énorme : ces quartiers hors contrôle qui s'embrasent quand on touche à un voyou, demain à un hybride-terroriste ; quartiers ou déferle la cocaïne qui inonde la France ; quartiers d'où sont issus l'évadé au long cours Redouane Faïd et Redouane Lakdim, l'assassin du col. Beltrame. Quartiers où, depuis un-demi siècle, une irénique et corrompue Politique de la ville enracine le crime, la terreur et les trafics.
Insistons : les lynchages de policiers, ou les attentats les visant, adviennent sur les territoires de la "politique de la ville" dont tous les gouvernements successifs de la Ve République, l'actuel y compris, refusent hystériquement d'admettre la dimension criminelle-terroriste. 
Or dans la période 2015-2018, tous les attentats commis en France sont le fait d'individus issus de l'immigration - et de ces quartiers : d'où les récents sondages montrant l'hostilité résolue des Français face aux vagues de migrants hors-contrôle, libres de s'affronter sur notre sol, d'agresser qui bon leur semble ou de vendre en masse des stupéfiants. 
Qui s'entretue porte de la Chapelle et vend du crack dans le métro parisien ? 
Quelles bandes assassinent à Alençon ? 
D'où proviennent les rappeurs ravageant Orly ? 
Le plus souvent ces malfaiteurs sont issus de l'immigration, ou sont des clandestins, retranchés dans ces quartiers coupe-gorge où les forces de l'ordre sont impuissantes. Des clandestins issus d'un trafic de migrants vers l'Europe, business criminel rapportant chaque mois des millions d'euros à des caïds aidés de pseudo-humanitaires à leur solde. 

Quels sont les moyens dont disposent les forces de l'ordre et la justice pour réagir ? Les réactions des pouvoirs publics, sont-elles à la hauteur ? 

Guillaume Jeanson : Devant cette réalité, il est urgent de doter les forces de l’ordre de moyens matériels et juridiques efficaces pour lutter contre la croissance inquiétante de ce phénomène. Techniquement, une partie des réponses figurera dans la loi de finances, une autre figurera dans la loi de programmation pour la justice dont l’examen devrait débuter à l’automne et qui ne pourra faire l’économie d’un volet dédié à la simplification et à l’allègement de la procédure pénale ainsi qu’à une meilleure exécution des peines. La nouvelle police de sécurité du quotidien apportera aussi nous l’espérons quelques réponses, à condition toutefois qu’elle respecte scrupuleusement des orientations criminologiques bien connus outre-atlantique et aussi essentielles que le « community policing » et la « vitre brisée ». Sans prétendre ici à l’exhaustivité, certains textes fraichement votés semblent hélas répondre davantage à un souci de communication que d’efficacité. Si la loi « asile et immigration » comporte quelques outils qui ne manqueront pas d’être salués par certains praticiens luttant contre le phénomène de délinquance associé largement aux « mineurs étrangers isolés », des responsables policiers ne se sont en revanche pas privés de dénoncer le caractère inapplicable de cette autre loi sensée lutter contre « le harcèlement de rue » en punissant les « outrages sexistes ». 
Xavier Raufer : Les forces de l'ordre et la justice disposent de tout le nécessaire pour réagir. Sans un euro ni une loi de plus, à effectif constant, la République peut rétablir l'ordre en métropole. Tout est affaire de décision politique. Si ce gouvernement ou tout autre décide le retour à l'ordre - dans le strict respect de l'Etat de droit, la France étant à l'origine même de cet exigeant concept - il dispose d'un superbe appareil renseignement-prévention-répression, préférant mille fois libérer les Français du crime, du fanatisme et de la terreur, que de subir injures et coups en silence, sans riposter et en serrant les dents - ce qui est à présent son lot quotidien.

L'Etat est-il en train de perdre la bataille ? À Orly, les forces de l'ordre ont déclaré avoir été obligées de battre en retraite faute d'effectif. S'agit-il d'un problème pratique ou d'un problème de volonté politique ?

Guillaume Jeanson : Vous avez raison, derrière un problème pratique se niche souvent aussi une question de volonté politique. Ce point ressort d’ailleurs assez bien d’une analyse livrée récemment par une figure emblématique de la police, Ange Mancini. Connu notamment pour avoir été le premier chef emblématique du RAID, il était interrogé au sujet de son poste de coordinateur national du renseignement du 24 février 2011 au 20 juin 2013 par Alain Bauer et Marie-Christine Dupuis-Danon dans leur livre d’entretiens intitulé : « Les guetteurs, les patrons du renseignement français répondent ». Souhaitant que « l’on redonne un peu de dignité aux policiers », il poursuivait en déplorant notamment : « (…) tous sont confrontés à de provocations quotidiennes qui sont insupportables. Face à des délinquants qui leur lancent des « Hé, vas-y, sors-le ton calibre ! » le représentant de l’ordre n’a d’autre option que de partir. Parce que s’il tente d’interpeller l’individu, il y a tout à parier qu’une photo va être prise et qu’il aura à faire la démonstration que son action était légitime. C’est pourquoi la seule chose à faire, qui nécessite il est vrai une volonté politique forte, est de renverser la charge de la preuve. » Sans craindre d’étonner les magistrats, il poursuivait ainsi son propos : « Il faudrait considérer a priori que le policier agit en état de légalité et, si exaction il y a, la sanction doit naturellement être exemplaire. Je demande simplement pour le policier le statut du magistrat : pourquoi un flic dans la rue, beaucoup plus exposé qu’un magistrat, n’est-il pas protégé comme un magistrat ? C’est cette idée là qu’il faut faire avancer pour redonner aux policiers le courage d’agir. » Ce qui vaut ici pour les policiers vaudrait bien sûr également pour la justice et la pénitentiaire tant elles semblent souffrir, elles-aussi, d’un manque évident de volonté politique.

Quelles sont les actions susceptibles d'être mises en œuvre permettant de faire baisser significativement les chiffres de l'insécurité en France ? 

Guillaume Jeanson : Lorsque l’on parle de recul des chiffres, il faut toujours garder à l’esprit que l’incidence sur ces données ne traduit pas nécessairement un véritable recul de la criminalité. L’étude précitée illustre d’ailleurs parfaitement ce point en évoquant la question des violences sexuelles. L’on y apprend ainsi que les « viols et autres agressions sexuelles » portés à la connaissance et de la police et de la gendarmerie sont en hausse significative sur le quatrième trimestre 2017 (+12 % et +10 % respectivement). Le nombre des agressions sexuelles autres que les viols enregistré au quatrième trimestre de l’année est, quant à lui, très en hausse par rapport au quatrième trimestre de 2016 (+31,5 %), les auteurs de l’étude précisent alors : « et l’on peut y voir un effet de révélation aux forces de sécurité de faits éventuellement plus anciens, dans le contexte du mouvement de prise de parole des femmes suite aux révélations de l’affaire « Weinstein ». »
La baisse de l’insécurité est un combat de longue haleine qu’il faut mener avec courage et humilité. La criminologie nous offre des enseignements précieux et les statistiques permettent d’appréhender avec une certaine précision ce phénomène qui demeurera cependant toujours, de par sa composante humaine, empreint de complexité. Au nombre des leviers sur lesquels il faut agir, figurent en bonne place une meilleure connaissance des personnes jugées, la rapidité d’exécution des sanctions, ainsi qu’une effectivité et une adaptation plus grande de ces dernières. L’effectivité implique la contrainte et la contrainte peut impliquer la force. Une force qui, comme le pensait déjà en son temps Pascal, ne saurait utilement être dissociée de la notion de justice : « la justice sans la force est contredite, parce qu’il y a toujours des méchants ; la force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et, pour cela faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste. »
Xavier Raufer :Reprendre le contrôle des cent cités et quartiers hors-contrôle les plus toxiques de France. Y implanter une bonne fois pour toutes des gendarmeries ou commissariats visant à y interdire le business criminel - au grand bonheur des habitants de ces quartiers et cités, vivant dans la soumission et la peur. Libérer ces cités, c'est d'un seul coup paralyser le trafic de stupéfiants et l'économie souterraine autour des métropoles ; c'est libérer les réseaux de transports des bandes prédatrices qui y rôdent ; c'est restaurer le calme dans les écoles, collèges et lycées de la France urbaine et périurbaine.
Ce diagnostic est fait de longue date : au  gouvernement de le suivre. Même, ce serait dans son intérêt, voici pourquoi : depuis le feuilleton-Benalla, le pouvoir a perdu la confiance de la police, de ses cadres et de son infanterie de terrain. Or dans l'histoire de la République, le divorce pouvoir-police n'est jamais bon - exemple pas si ancien, la chute en 1958 de la IVe République, après une grève de la police. 

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