Et maintenant quoi pour le PS et François Hollande (et pas besoin d’être Mme Irma...) ?<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande
François Hollande
©Reuters

Je vois, je vois...

François Hollande a convoqué ce lundi 26 mai à l'Elysée à partir de 8h30 plusieurs des ministres du gouvernement pour une réunion de crise au sujet des résultats des Européennes. Le PS, avec ses 13,8 % de voix, n'en mène pas large sur son avenir.

Jérôme Sainte-Marie

Jérôme Sainte-Marie

Jérôme Sainte-Marie est président de la société d'enquête et de conseils PollingVox.

 

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Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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• Jean-Marc Ayrault : "Après un tel choc, la priorité absolue : réorienter l'Europe. L'Europe doit changer".

• Manuel Valls : "Ce vote confirme une crise de confiance, une colère qui rejaillit aussi sur l'adhésion au projet européen".

• Ségolène Royal : "C’est un choc à l’échelle mondiale".

Atlantico : Aujourd'hui, dans quel état le PS est-il en termes de cohésion et au plan idéologique ?

Jérôme Sainte-Marie : Le Parti socialiste a vécu une « parenthèse enchantée » lors du mandat de Nicolas Sarkozy. Eloigné du pouvoir national, il a pu accompagner toutes les revendications, sociales ou, comme l’on dit, sociétales. Aucune contradiction ne pouvait l’attendre, tant le pouvoir avait été personnalisé autour d’une figure éminemment contestée, et identifiée comme le « Président des riches ». Au fond, Nicolas Sarkozy fut son meilleur propagandiste. Durant ce temps, le travail idéologique au sein du Parti socialiste fut d’autant plus faible qu’il était inutile, et même nuisible, pour emporter des élections, donc des sièges, et les emplois afférents. Le Parti socialiste en 2012 a tout misé sur le rejet de Nicolas Sarkozy, avec deux ou trois gadgets de gauche en plus.  C’est pourquoi l’épreuve du pouvoir réel le déstabilise aujourd’hui.

Jean-Marc Daniel : Le Ps est pour tout le monde le parti du président de la République si bien qu’il subit les conséquences de son impopularité et de sa politique. Résultats, de plus en plus de membres du Ps veulent exister contre lui. Leur problème est que ceux qui se montrent les plus actifs et qui sont les plus en vue se veulent plus à gauche que l’équipe gouvernementale. Or ce que montre les échecs répétés du Front de gauche malgré une présence médiatique forte, c’est que la population ne souhaite pas un gauchissement de la politique suivie qui se traduirait par une augmentation des dépenses publiques et, au nom de la justice sociale, par plus d’impôts sur les classes moyennes supérieures.

Le partis socialiste et François Hollande sont solidaires  et se retrouvent dans la même  situation que les socialistes espagnols, grecs ou portugais, voire est-européens. Ils connaissent un divorce croissant d’avec l’opinion à cause des politiques d’austérité auxquelles ils ont été associés tandis que leurs propositions tant sur le plan économique que politique paraissent incohérentes et inadaptées.

>>> A lire également : Et maintenant quoi pour l’UMP (et pas besoin d’être Mme Soleil non plus) ?

Qu'est-ce qui dans cet état des lieux ne changera pas ?

Jérôme Sainte-Marie : Les élites socialistes sont à la fois européistes et atlantistes. Parce que cela correspond à l’ADN de la gauche non-communiste tout d’abord. Et aussi parce que cela permet des opportunités de carrière, comme on le voit avec les espérances de M. Moscovici. Les sympathisants socialistes ont bien pu voter en majorité – 57% - contre le TCE en 2005, à l’époque François Hollande faisait la une de Paris Match avec Nicolas Sarkozy en faveur du oui. Les « nonistes » n’ont pas constitué une force politique autonome, le cas de Laurent Fabius est éloquent, et le Parti socialiste est engagé dans une pente électoralement mortifère, sans avoir les moyens idéologiques d’y remédier.

Jean-Marc Daniel :  Il y a une chose qui risque de ne pas changer à moyen terme, c’est que le parti socialiste reste fondamentalement le porte parole des fonctionnaires et de moins en moins celui du monde du travail privé qui avait été à l’origine de ses tous premiers pas il y a un peu plus d’un siècle. Dans ces conditions, il ne peut que décevoir son électorat et le voir s’effriter lentement au fur et à mesure que des économies se feront dans la fonction publique.

10% des enseignants du supérieur avaient demandé le départ de Mme G Fioraso. Que lui reprochaient-ils ? De vouloir généraliser les cours sur Internet –les Mooc- qui traduisent les mutations à venir du métier d’enseignants. C'est-à-dire que le progrès technologique actuel va remettre en cause les métiers des électeurs du Ps. Ceux-ci se crispent et se détournent du Ps par pur conservatisme tout en l’accusant de trahison

Dès lors, le redressement électoral du Ps va être difficile, sauf à ce qu’il adopte des changements radicaux. Il est identifié à la protection des rentes publiques alors que celles-ci sont plus que menacées et paraissent de plus en plus insupportables. Il lui faudrait pour regagner les classes populaires et les cadres du privé alléger les impôts de ceux qui créent de la richesse et faire davantage confiance à la société civile par exemple en privatisant et réformant tous les métiers protégés.

La pratique du pouvoir de François Hollande, que ses proches qualifient de dure et solitaire, évoluera-t-elle ?

Jérôme Sainte-Marie : Cette pratique n’est autre que celle de la Vème République, et, en plus, le cas de François Mitterrand l’a glorifié à gauche… Le rejet historique dont fait l’objet François Hollande – 18% de soutien après deux ans, selon l’ifop, sont à comparer aux 32% de Nicolas Sarkozy après la même durée, et c’était le niveau le plus bas historiquement – montre que son propre électorat est divisé. Que survienne la moindre crise sociale, et la faiblesse de la base réelle du pouvoir sera révélée. Alors, seule la dissolution de l’assemblée nationale pourra être un recours. Avec l’arrivée d’une majorité UMP-UDI, pour faire quoi ? La même politique, essentiellement.

Jean-Marc Daniel : François Hollande est un personnage assez mystérieux qui manifestement croit qu’il a de la chance. Son discours sur le retournement économique repose sur cette idée que les circonstances vont s’améliorer et lui devenir favorables. Il ne changera pas. Il lui reste par ailleurs une carte qui est la dissolution de l’Assemblée. Cela provoquerait une cohabitation et dans le passé, les cohabitations ont été favorables au président sortant.

Quels sont les principaux enjeux auxquels, dans ce contexte, le PS devra faire face à 6, 12 et 18 mois ? Quelles marges de manoeuvre les sondages, les projections économiques, le mode de gouvernance de François Hollande, l'équilibre des forces au sein de la majorité laissent-ils au PS pour faire face à ces enjeux ?

Enjeux au plan politique

Jérôme Sainte-Marie : Comme le dit François Hollande, le premier sujet, c’est le chômage. Si l’aggravation se poursuit, et c’est probable, le reste compte peu. Les projections lui laissent peu d’espoir de ce côté là. Par ailleurs, un changement si l’on ose dire culturel pourrait produire des effets – mais l’on ne voit pas commen un pouvoir se targuant parmi ses réussites du « mariage pour tous » pourrait y recourir. Ce serait se couper de ces catégories si sensibles aux réformes sociétales, tellement influentes médiatiquement et, comme le scrutin du jour le montre, tellement insignifiantes réellement. Ironiquement, le seul recours réaliste pour François Hollande et la foultitude d’élus locaux socialistes, c’est que se trouve enfin une justification à une dissolution, et aux plaisirs de la cohabitation ensuite.

Enjeux au plan économique

à 6 mois :

Jean-Marc Daniel : Normalement, la situation conjoncturelle devrait s’améliorer : c’est la thèse du retournement. C’est déjà sur cet aspect que F Hollande comptait pour pouvoir affirmer que la courbe du chômage allait s’inverser. La situation des entreprises françaises est mauvaise et le pacte de stabilité est plus là pour sauver les entreprises existantes que pour favoriser l’apparition de nouvelles entreprises. Comme l’ambiance générale n’est guère favorable à l’entreprise, on voit bien que la reprise conjoncturelle qui repose normalement sur l’investissement et donc sur des aspects objectifs mais aussi sur des aspects subjectifs aura du mal à se concrétiser. 

La pire des choses est le discours du déni sur les responsabilités françaises dans la situation française. Par exemple, on passe son temps à accuser la BCE et l’euro, le dernier crime qui leur est imputé étant qu’il n’y a pas assez d’inflation. Or, on a rarement vu des populations défiler dans les rues pour que les prix augmentent !!

à 12 mois :

Jean-Marc Daniel :  Ou bien « l’effet Valls » donne sa chance à la reprise conjoncturelle et cela va mieux. Le FMI anticipe 1,7% de croissance en 2015. Cela permettrait de voir une réelle amélioration. Ou bien le sentiment combiné d’amateurisme de l’équipe en place et de peu de respect des entreprises et des créateurs de richesse perdure et la France décrochera du reste de l’Europe.

à 18 mois :

Jean-Marc Daniel :  Si dans 18 mois la croissance n’est pas repartie, c’est que nous aurons manqué la phase de croissance de ce cycle. La France deviendra ce qu’était le Royaume-Uni dans les années 70 : l’homme malade de l’Europe. Et le Ps connaîtra le sort du parti travailliste de l’époque : près de 20 ans d’opposition avant qu’une ligne réaliste et respectueuse de l’économie de marché s’impose.

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