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Elections américaines : Donald Trump et les Républicains, pour le meilleur et pour le pire !
©Reuters

Trans-amérique Express

Tandis que les électeurs républicains plébiscitent Donald Trump, certains cadres du parti et les conservateurs le rejettent et espèrent en secret une « convention ouverte ». Option qui serait suicidaire pour le parti et son futur candidat. Le sort des Républicains est désormais lié à celui de Donald Trump, pour le meilleur et pour le pire.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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On sait désormais qui seront les candidats des deux grands partis pour l'élection présidentielle du 8 novembre/ Il s'agira d’Hillary Clinton pour les Démocrates et de Donald Trump pour les Républicains. Hillary était attendue. Trump ne l'était pas.

Mathématiquement ni l'un ni l'autre n'ont encore tous les délégués nécessaires pour garantir leur nomination, mais leur avance et la dynamique de leurs campagnes sont telles que sauf accident, tremblement de terre médiatique ou coup du sort, il devient difficile d'envisager qu'ils n’y parviennent pas.

Après son quasi grand chelem du mardi 15 mars – 5 Etats, 5 victoires, mais le Missouri fait l'objet d'un recomptage – Hillary dispose de 1599 délégués. Deux fois plus que Sanders. Il lui en manque moins de huit cents pour parvenir au seuil libératoire de  2382. Un seuil qu'elle pourrait atteindre d'ici la fin avril.

Donald Trump devra sans doute attendre plus longtemps. Avec quatre victoires – en Floride, dans l'Illinois, en Caroline du Nord, dans le Missouri – et une défaite – dans l'Ohio ce 15 mars, il a porté son total de délégués à 646 délégués. Il lui en faut six cents de plus pour l'emporter. Or il reste encore 956 délégués à attribuer. Vingt Etats n'ont pas encore voté, dont New York (95 délégués)  et la Californie (172). La répartition se faisant désormais selon la règle du « winner take all » qui attribue tous les délégués d’un Etat au candidat arrivé en tête, Trump devrait parvenir à ce total d'ici le dernier scrutin, le 7 juin.

Une personne, au moins, souhaite qu'il n’y arrive pas : John Kasich ! Gouverneur de l'Ohio, et candidat à la nomination républicaine, il vient de remporter l'Etat qu'il dirige, et de sauver sa candidature. Grâce à cette victoire il peut justifier de se maintenir en lice. Avec l'espoir, non pas de rattraper Trump, mais de l'empêcher d'obtenir une majorité des délégués, avant la convention de telle sorte que celle-ci soit déclarée « ouverte » (« Brokered convention »).

En clair, à l'ouverture de la convention, on procède à un vote parmi les délégués présents. Si aucun des candidats ne récolte la majorité des voix (1237 précisément), la convention est déclarée « ouverte ». Les délégués sont « libérés » de leur attachement à tel ou tel candidat et un nouveau processus de sélection commence. On procède à un nouveau vote, puis si nécessaire à un autre, jusqu'à ce qu'un candidat obtienne la dite majorité. En 1924, il avait fallu cent trois tours de scrutins aux démocrates pour désigner leur candidat. Un record. Ce candidat peut-être l'un des participants à la campagne des primaires, ou quelqu'un d'autre. Toutes les options sont sur la table… Une telle situation ne s'est pas présentée aux Républicains depuis 1948…

Kasich, qui depuis le début de la campagne a endossé le rôle du rassembleur, cherchant à apaiser les conflits, à éviter les prises de becs, en s’interdisant toute invective, espère être alors récompensé de cette position modérée et conciliante, pour faire l'unanimité du parti sur son nom.

Toutefois, du point de vue de Donald Trump, la victoire de Kasich dans l'Ohio est un mal pour un bien. Parce qu'en restant en lice, Kasich va continuer de diviser le vote anti-Trump. Il va continuer de prendre des voix à Ted Cruz, le sénateur texan, toujours second de la course avec 397 délégués et qui continue d'espérer une bévue de l’homme de tête, pour se poser en recours… Kasich fait ainsi le jeu de Trump, qui fera moins bien que le score cumulé de ses deux adversaires, mais mieux que leur score individuel, et accumulera d’autant plus facilement les délégués…

Les cadres du parti républicain ne se sont pas encore ranger derrière Trump. Pour ne pas fausser le débat et laisser le processus aller à son terme. Mais beaucoup reconnaissent à demi-mot qu’une victoire claire de Donald Trump serait à ce stade moins dommageable au parti qu’une convention ouverte.

Quoiqu'il arrive Trump aura une pluralité des délégués. Même s'il n’atteint pas la majorité, c'est lui qui en aura le plus. Les électeurs républicains qui lui ont apporté leur voix ne comprendraient pas, et admettraient encore moins, que la nomination ne lui revienne pas. Si elle échouait à un autre après des tractations et marchandages d'arrière salle – comme cela est précisément le cas lors de conventions ouvertes – ils dénonceraient une usurpation et un déni de démocratie, et refuseraient sans doute de voter pour le nouveau candidat républicain en novembre.

De son côté, Donald Trump pourrait également décider de quitter le parti républicain et de se présenter en tant que candidat indépendant. Il a les ressources financières pour le faire. Une telle décision aurait pour conséquence la division effective du parti, qui cesserait d’exister tel que cela a été le cas depuis 1854, et la présence de deux candidats face à Hillary Clinton le 8 novembre. Un avantage certain pour la candidate démocrate, qui serait ainsi quasi assurée d’être élue.

Ainsi en voulant nier à Donald Trump ce qu'il est en train de gagner jour après jour sur le terrain des primaires le parti républicain prendrait le risque de tout perdre : la Maison Blanche, mais aussi son identité, son âme et son existence même…

Tandis qu'à suivre les électeurs et à faire de Donald Trump leur candidat, il peut garder l'espoir de préserver son unité du parti et son existence ainsi que celui de gagner la Maison Blanche en novembre.

C’est la ligne qui semble s'imposer. Reince Priebus, le président du parti républicain,  multiplie les appels à l'unité. Quel que soit le « nominé », il aura l'appui à 100% du parti, dit-il. Il était présent lors du dernier débat télévisé à Miami, pour le rappeler. Fred Malek, en charge du financement de la campagne générale, celle qui commencera à l'issue de la convention, et donc en contact permanent avec les grands bailleurs de fonds républicains, a également indiqué que ceux-ci se rassembleraient le moment venu derrière la personne désignée. Les Frères Koch, milliardaires au service de la cause républicaine, ont renoncé à financer des attaques des conservateurs contre Donald Trump. Ils ont, au contraire, indiqué qu'ils le soutiendrait s'il emportait la nomination. Trump lui-même a ouvert le débat de Miami par un appel à l'unité et au rassemblement. Au soir du 15 mars à Miami toujours, après avoir remporté sa victoire triomphale sur Marco Rubio – battu de vingt points et qui a abandonné la course – Trump a délaissé ses habituelles vantardises pour un ton conciliant en soulignant que des millions de nouveaux électeurs sont venus gonfler les rangs du parti et que celui-ci loin d'être affaibli, n'a jamais été si fort…

Ce n’est évidemment pas l'avis des plus conservateurs de ses membres, qui voient dans la manœuvre, non un renfort mais un détournement. L'intelligentsia conservatrice continue de faire la guerre à Trump par éditoriaux interposés. Une victoire du milliardaire marquerait l'échec de leurs poulains, Ted Cruz et Marco Rubio, mais surtout de leur influence prédominante sur le parti républicain. 

A moins de parvenir à un compromis… C'est-à-dire d'obtenir de Donald Trump qu'il s'engage, s'il était l'élu, à favoriser la cause du conservatisme, à travers notamment ses nominations à la Cour Suprême et son attitude vis-à-vis d’un certain nombre d’agences fédérale, dont le planning familial, dans le collimateur des conservateurs parce qu’il est le lieu où se pratiquent les avortements.

Un tel compromis pourrait commencer par le choix d’un vice-président satisfaisant les conservateurs. Par exemple Ted Cruz, lui-même. Il n’est pas dit que le Texan accepte ou soit même intéressé. Il ne le dira pas avant la fin de la campagne. Mais il est arrivé que le vainqueur des primaires désigne comme numéro deux sur le ticket la personne arrivée en deuxième. C'est ce qu’avait fait Ronald Reagan en 1980 en choisissant George H.W. Bush. Quel symbole plus fort de l’unité retrouvée du parti que de s’inspirer ainsi du « gipper » (surnom de Reagan) et cela quelques semaines mois après le décès de son épouse et ancienne Première Dame Nancy Reagan…

Etat par Etat, les électeurs républicains plébiscitent  Donald Trump. Face à ce choix qu’ils réprouvent, les conservateurs au sein du parti doivent dire s’ils sont prêts à écouter ces électeurs, à les suivre et à les soutenir, ou s’ils préfèrent leur tourner le dos au risque de faire exploser le parti républicain et de ruiner toute chance de victoire de leur champion en novembre...

Au sein de la grande tente républicaine, les conservateurs et Donald Trump sont désormais ensemble pour le meilleur, ou pour le pire.  Aux conservateurs de choisir. 

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