Elections allemandes : voilà pourquoi le pronostic est devenu impossible<!-- --> | Atlantico.fr
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Angela Merkel et le candidat conservateur de la CDU, Armin Laschet, à Schalksmuehle, le 5 septembre 2021, lors d'une tournée dans la région touchée par les inondations.
Angela Merkel et le candidat conservateur de la CDU, Armin Laschet, à Schalksmuehle, le 5 septembre 2021, lors d'une tournée dans la région touchée par les inondations.
©THILO SCHMUELGEN / PISCINE / AFP

Scrutin décisif

L’implosion de la classe politique allemande rend difficile le pronostic électoral pour le 26 septembre.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Beaucoup plus difficile à prévoir qu’en 2017

En 2017, le pronostic électoral pour les élections au Bundestag était encore relativement simple à proposer. La Chancelière Merkel était profondément affaiblie parles conséquences de l’ouverture massive des frontières aux migrants. Il était donc possible de projeter à la fois une baisse de Madame Merkel et une montée de l’AfD, le parti national-conservateur. La Chancelière - et sa Grande Coalition CDU/SPD - ne furent finalement reconduites que de justesse, après pratiquement six mois de négociations laborieuses. 
Quatre ans plus tard, Madame Merkel n’est pas candidate à sa propre succession - ce qui lui a rendu de la popularité. Mais il est bien difficile de prévoir qui lui succèdera. Rappelons les rebondissements d’une campagne assez confuse. 

La candidate verte: un petit tour et puis s’en va

1. Au printemps, la candidate verte, Annalena Baerbock, est la coqueluche des médias. Madame Lagarde dit se réjouir du rôle qu’elle est appelée à jouer. Et si l’on en croit les experts, le match est plié. Les Verts seront en tête, à 25%, devant la CDU. Le rêve d’Angela Merkel, une alliance entre la CDU conduira même à ce qu’une femme lui succède….Las ! Les Verts ont péché par arrogance et conformisme à la fois. Arrogance: des sondages à 20% conduisaient-ils automatiquement à proposer un candidat à la Chancellerie tout à fait officiellement (tous les partis ne le font pas)? Conformisme: fallait-il proposer une femme parce que l’air du temps y pousse? Je vais aggraver mon cas et me rendre passible d’un procès pour antiféminisme primaire en disant que les deux candidats crédibles des Verts à la Chancellerie étaient des hommes : Robert Habeck, co-président du parti; et, surtout, Winfried Kretschmann, le Ministre-Président de Bade-Wurtemberg, mais qui n’était pas candidat au poste. Madame Baerbock, à peine investie, a entamé une chute, qui met les Verts à 16% environ dans les sondages. En cause: des exagérations sur sa biographie officielle; des revenus non déclarés aux impôts; du plagiat dans un livre récent. Mais surtout: l’incompétence affichée par l’incapacité à lire son discours lors du Congrès du Parti Vert sans buter tous les trois mots. 

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2. La CDU de Madame Merkel avait enfin réussi à se décider sur son candidat au moment où Madame Baerbock amorçait un déclin inattendu (pour ceux qui ne la connaissaient pas).  Ayant le choix entre le psychorigide Markus Söder, ministre-président de Bavière, fou furieux de l’enfermisme covidique et le pragmatique Armin Laschet, ministre-président de Rhénanie-du-Nord/Westphalie, le parti de Madame Merkel fit le choix du jovial Rhénan. Ce fut d’abord un bon choix: la CDU reprit des couleurs dans les sondages, remontant à 27 ou 28%. On était encore loin des 40% d’Helmut Kohl ou des 32-33% de moyenne d’Angela Merkel en quatre élections. Mais c’était un bon début. Las ! Accompagnant le président de la République fédérale sur le site d’inondations dans son propre Land, au mois de juillet, Armin Laschet fut surpris à raconter des blagues à ses voisins en arrière-plan tandis que le président de la République Fédérale prononçait un grave discours sur la catastrophe naturelle qui a fait des morts et d’énormes dégâts. Le candidat chrétien-démocrate connut une chute spectaculaire et immédiate: aujourd’hui il est en moyenne à 21,5% dans les sondages. 

Les casseroles de Monsieur Scholz

3. Est-ce à dire que le troisième larron, Olaf Scholz, représentant le SPD et vice-chancelier/ministre des Finances dans la Coalition de Madame Merkel. Le SPD est à 25,8% de moyenne dans les sondages. Le match semble plié. Sauf que, depuis quelques jours, le candidat social-démocrate est rattrapé lui aussi par une éventuelle implication dans une affaire - et bien plus grave que ce qu’on a pu reprocher à ses deux rivaux. On se souvient de la faillite retentissante, en juin 2020, de Wirecard, société de paiement dématérialisée et coqueluche de la place de Francfort. La société avait trafiqué ses comptes au point d’être incapable de rendre compte, au moment de la faillite, d’1,9 milliards d’actifs. Or il semble bien que non seulement l’Autorité des Marchés Financiers allemande ait fait preuve de beaucoup de négligence mais les mises en cause remontent jusqu’aux politiques: Angela Merkel avait emmené le PDG de Wirecard lors d’un voyage en Chine en 2019, alors que de forts soupçons pesaient déjà sur l’entreprise . L’aurait-elle fait sans des assurances données par son Ministre des Finances? Depuis plusieurs jours, Olaf Scholz est dans le colimateur des médias.  La situation est d’autant plus délicate pour lui qu’une autre affaire est régulièrement invoquée: lorsqu’il était maire de Hambourg, il ne semble pas avoir poursuivi avec beaucoup de zèle l’entreprise CumEx qui avait mis en place, grâce à la Banque Warburg, un dispositif d’optimisation fiscale peu orthodoxe, pour qu’elle reverse à la Ville 90 millions qu’elle lui devait. 

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L’implosion du système politique allemand

A six jours de l’élection, Olaf Scholz décrochera-t-il à son tour dans les sondages? A qui cela profiterait-il? Peut-on imaginer que le brillant mais dilettante président du parti libéral FDP, Christian Lindner, à 11,3% de moyenne dans les sondages, en profite et devienne le faiseur de chancelier? Quelle sera la poussée de l’AfD à l’est du pays, pronostiquée par plusieurs instituts de sondages?  Quelle sera la part de l’abstention? 
Dans tous les cas, on assiste à une véritable implosion du système politique allemand. Non seulement la prochaine coalition gouvernementale sera à trois partis. Mais elle manquera - dans tous les cas - d’une personnalité respectée à sa tête. Le « modèle allemand » appartient bien au passé. 

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