Egypte : quelle réelle alternative à Morsi ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les gens qui sont dans la rue ne représentent qu’une petite partie de la population.
Les gens qui sont dans la rue ne représentent qu’une petite partie de la population.
©Reuters

Tout le monde veut prendre sa place

L'opposition égyptienne a lancé un nouvel appel à manifester ce vendredi contre le président Mohamed Morsi. Alors que les rumeurs d'une nouvelle révolution vont croissante, le pays se retrouve aujourd'hui le dos au mur sur le plan politique...

Olivier Roy

Olivier Roy

Olivier Roy est un politologue français, spécialiste de l'islam.

Il dirige le Programme méditerranéen à l'Institut universitaire européen de Florence en Italie. Il est l'auteur notamment de Généalogie de l'IslamismeSon dernier livre, Le djihad et la mort, est paru en octobre aux éditions du Seuil. 

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Atlantico : La stabilité du gouvernement Morsi est à nouveau ébranlée à la suite des émeutes démarrées en début de semaine à Port-Saïd, d'aucuns évoquant un risque de nouvelle révolution. S'agit-il d'un scénario concrètement envisageable ?

Olivier Roy : On va plus vers l’anarchie que vers une nouvelle révolution. Les manifestants ne sont pas porteurs d’un vrai projet politique. L’Egypte s’est installée non pas dans une culture de la démocratie mais dans une culture de la protestation : on descend dans la rue dès qu’on n’est pas d’accord. Mais les leaders politiques de l’opposition ne dirigent en rien le mouvement de protestation ; comme la direction des Frères Musulmans (FM), ils s’installent dans la disqualification de leurs adversaires, à qui ils refusent toute légitimité. Si le régime Morsi tombe, ce ne sera pas au profit de la démocratie, en tout cas sur le court terme.

Quelle alternative pourrait se dessiner en cas de vacance du pouvoir ? L'opposition de gauche est-elle suffisamment organisée pour reprendre éventuellement le flambeau ?

Aucune opposition politique n’est prête à gouverner. En fait personne n’est prêt à gouverner réellement le pays. D’où le sentiment d’anarchie et de flottement. On peut espérer un accord entre les principales forces politiques et le gouvernement Morsi pour calmer le jeu et préparer de futures élections, mais comme les Frères Musulmans risquent de perdre leur pré-éminence acquise et comme les autres pensent qu’ils peuvent prendre le pouvoir sans passer par l’épreuve des élections, le risque est grand d’une escalade. Sauf si l’armée décide de siffler la fin de la partie.

Quel rôle peut jouer l'armée dans ces évènement et quelle est sa position ?

L’armée a obtenu de Morsi ce qu’elle voulait : son autonomie. Elle contrôle son fonctionnement interne, son budget et aussi conserve le contrôle de tout un pan de l’économie. Elle est en position d’arbitre car elle est la seule force institutionnelle en place capable de rétablir l’ordre. Elle va certainement se présenter comme arbitre et tirer les ficelles dans les coulisses. Mais il est peu probable qu’elle fasse un coup d’état car, alors, il lui faudrait gérer le pays, en particulier l’économie, et ce, dans les pires conditions. Mais si la situation se délite encore, elle prendra le pouvoir, d’autant qu’elle sera encouragée par des puissances extérieures. Elle devra alors se trouver un relais politique.

De manière plus générale peut-on dire que le gouvernement Morsi est si impopulaire que le laissent penser l'actuelle agitation ?

Les gens qui sont dans la rue ne représentent qu’une petite partie de la population. On peut supposer qu’il y a une majorité silencieuse qui en assez des troubles et voudrait que l’économie reparte. On peut aussi supposer qu’une grande partie des électeurs des Frères Musulmans sont déçus : ils n’ont pas voté pour la charia mais justement pour ce qu’ils croient être un parti de gouvernement, conservateur, non corrompu et efficace. Ce n’est pas le cas. Que vont faire ces électeurs déçus ? De toute façon les FM conserveront un noyau électoral stable, correspondant à leur base politique et idéologique, mais plus près des 20% que de leur dernier score. Bref ils ne sont pas exclus du jeu politique quoi qu’il arrive.
Propos recueillis par Théophile Sourdille

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