Édouard Philippe, superstar ou illusion des sondages pour 2027 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le maire du Havre et ancien Premier ministre Édouard Philippe arrive en tête dans les sondages d'opinion.
Le maire du Havre et ancien Premier ministre Édouard Philippe arrive en tête dans les sondages d'opinion.
©LOU BENOIST / AFP

Succession politique

Selon un sondage OpinionWay pour Le Parisien, Édouard Philippe domine le match. Plus de quatre Français sur dix (42 %) voient l’ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron en rassembleur des électorats de la droite et du centre.

Luc Rouban

Luc Rouban

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au Cevipof depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.

Il est l'auteur de La fonction publique en débat (Documentation française, 2014), Quel avenir pour la fonction publique ? (Documentation française, 2017), La démocratie représentative est-elle en crise ? (Documentation française, 2018) et Le paradoxe du macronisme (Les Presses de Sciences po, 2018) et La matière noire de la démocratie (Les Presses de Sciences Po, 2019), "Quel avenir pour les maires ?" à la Documentation française (2020). Il a publié en 2022 Les raisons de la défiance aux Presses de Sciences Po. Il a également publié en 2022 La vraie victoire du RN aux Presses de Sciences Po. En 2024, il a publié Les racines sociales de la violence politique aux éditions de l'Aube.

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Atlantico : Selon un sondage OpinionWay pour Le Parisien, Édouard Philippe domine le match. Plus de quatre Français sur dix (42 %) voient l’ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron en rassembleur des électorats de la droite et du centre. Il devance Bruno Le Maire (27 %), Gérald Darmanin et Xavier Bertrand (22 %). Et surtout, Edouard Philippe distance Laurent Wauquiez (17 %), le candidat potentiel des Républicains pour 2027. Quels sont les principaux enseignements de ce sondage pour 2027 ? Assiste-t-on à des surprises ? Des candidats ont-ils réellement progressé ou chuté ? Qu'est-ce que cela traduit sur les aspirations des électeurs de la droite et du centre ?

Luc Rouban : Déjà, le premier enseignement tient à ce que nous sommes à quatre ans de la prochaine élection présidentielle et que des interrogations se font déjà jour pour savoir qui sera en mesure de remplacer Emmanuel Macron, qui ne peut se représenter. On sent chez les commentateurs politiques et dans l’opinion une certaine impatience pour que sa succession politique soit déjà ouverte, ce qui en dit long sur la grande fatigue qu’a engendrée le macronisme. Les enquêtes montrent une droitisation de l’opinion que ne se satisfait plus du « et de droite et de gauche » alors que sur bien des points des solutions claires doivent être mises en place, qu’il s’agisse d’immigration, d’école, de la position de la France dans le monde, d’énergie, de transition écologique.

Le second enseignement est que l’offensive récente de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et très désireux de prendre le relais d’Emmanuel Macron, n’a pas, du moins pour l’instant, porté ses fruits. On n’assiste pas à une percée qui aurait relégué les candidats LR ou Édouard Philippe au second plan. Bruno Le Maire, ministre des finances également en poste à l’heure actuelle, ne fait pas non plus florès. Xavier Bertrand et Laurent Wauquiez, tous deux pris par la présidence de leur région respective, semblent s’être « localisés », et d’ailleurs de manière volontariste, et ne se sont pas imposés sur la scène nationale où ils sont très discrets. Ils appartiennent désormais davantage aux notables locaux qu’aux prétendants élyséens, leur prise de distance ne les transformant pas en outsiders. On peut interpréter ces résultats, évidemment très précoces et donc à prendre avec prudence, comme indiquant que la succession du macronisme ne se fera pas avec des macroniens. En revanche, Édouard Philippe crée la surprise en se positionnant largement en tête dans la perspective d’une union de la droite et du centre qui pourrait faire obstacle à Marine Le Pen en attirant une bonne partie des électeurs socialistes ayant voté pour Emmanuel Macron en 2022 et ne pouvant envisager de voter pour Jean-Luc Mélenchon. On peut comprendre l’intérêt pour la candidature d’Édouard Philippe, ancien premier ministre ayant fait ses preuves lors de la crise sanitaire, qui, aux yeux des enquêtés, représente un homme d’État indépendant plus qu’un politicien habile ou un homme d’appareil qui recherche l’adoubement de l’Élysée.

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En quoi Édouard Philippe peut-il être vu comme une bulle un peu comparable à Alain Juppé, avec un plus petit dénominateur commun sans vrai contenu politique qui risque d'être battu par des gens qui eux seront plus clivants ?

Ce qui a perdu Alain Juppé lors de la primaire organisée en 2016 au sein de l’UMP c’est son positionnement centriste et des positions jugées ambiguës en interne concernant l’islamisme alors que les militants UMP recherchaient un candidat bien plus marqué à droite, ce qui a permis à François Fillon de l’emporter. On ne peut évidemment pas savoir s’il y aura une primaire ou non au sein de LR pour 2027 ou si cette primaire sera celle de l’ensemble de la droite et du centre ou si la compétition sera totalement ouverte. Mais en ayant lancé Horizons, Édouard Philippe veut se libérer des jeux d’appareil et se présenter en candidat gaulliste hors système et petits arrangements, ce qui peut lui réussir car le niveau de défiance est très élevé à l’égard de la classe politique, surtout lorsqu’elle parle à huis clos de politique avec le président de la République.

La recherche de l’homme providentiel est toujours à l’ordre du jour et il existe parmi les électeurs de droite une nostalgie du gaullisme, le vrai, pas celui qu’en a fait LR en adoptant des positions trop pro-américaines et trop néolibérales dont on a vu l’immense succès avec François Fillon en 2017 et surtout avec Valérie Pécresse en 2022. Ils ne pourront pas non plus se contenter d’un héritier direct du macronisme ne sachant pas où il se situe politiquement et ne se contentant pas d’une posture managériale pragmatique sans savoir dans quelle direction il va mener la France. Édouard Philippe peut, en revanche, incarner le retour de l’État et de l’autorité, un État bien affaibli aujourd’hui alors qu’il reste la clé de voûte du système social en France.

Les favoris des sondages d’aujourd’hui ont-ils une chance d’être là à l’arrivée, de figurer au second tour et d’accéder à l’Élysée en 2027 ?

Il est bien difficile de répondre à cette question car il peut se produire bien des évènements, des scandales, des révélations et des crises d’ici à 2027. On ne doit pas non plus oublier que, même s’il est très probable que l’élection présidentielle se joue à droite, des candidatures de gauche de gouvernement peuvent émerger afin de contourner LFI et de rassembler tous les électeurs à sensibilité socialiste et écologiste déçus par la droitisation du macronisme et par la radicalisation de la NUPES. Avec des taux d’abstention en augmentation et une fluidité forte des votes qui se cristallisent souvent au dernier moment, la sélection opérée au premier tour peut se jouer à un point près. Si une candidature de ce type, solide, d’homme (ou de femme) d’État ne parvient pas à s’affirmer, on peut alors penser que la gauche va jouer les seconds rôles dans une scène qui sera occupée par le duel entre le centre et la droite d’une part, le RN et ses alliés d’autre part. Donc, oui, Édouard Philippe a une chance dans ces conditions de participer au second tour et de se confronter à Marine Le Pen. Mais, comme le montre le sondage, ces deux candidats potentiels sont quasiment à égalité dans les intentions de vote.

Ce sondage est-il inquiétant pour l’avenir de la droite ? La droite doit-elle repenser son logiciel et mieux se préparer pour 2027 afin d’éviter une nouvelle déconvenue politique et une terrible désillusion ?

En fait, la limite de ce sondage tient à son objectif : savoir qui serait aux yeux et des militants de droite et des Français le meilleur représentant d’une alliance entre le centre et la droite. Mais cette alliance n’est pas la seule à être envisagée. On peut aussi considérer que le macronisme, après le départ d’Emmanuel Macron, sera rangé au grenier ou au musée des illusions perdues. Une autre stratégie politique, qui semble être celle d’Éric Ciotti, actuel président de LR, est non pas de rechercher une alliance avec un centre indéfini, qui implique d’émousser les propositions de droite, mais de rechercher une hybridation avec l’électorat d’extrême-droite, qu’il vote au premier tour pour Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen ou Éric Zemmour. C’est dans cette hybridation des électorats, et non pas des appareils, que Giorgia Meloni a réussi en Italie. Le but serait alors de former une vaste alliance de droite en offrant à Marine Le Pen l’expertise et les réseaux dont ne dispose pas pour l’instant le RN dans la perspective d’une alternance de droite pure et dure. Quand on voit la droitisation de l’électorat sur le terrain de l’immigration mais aussi sur le terrain économique où la question du mérite et de la mobilité sociale est posée, cette convergence de droite est probable. Mais il faudrait pour cela laisser l’Élysée à Marine Le Pen, qui attire les catégories populaires et une partie croissante des catégories moyennes en voie de déclassement, et se contenter peut-être, comme le fit naguère Nicolas Dupont-Aignan, d’un poste de Premier ministre, ce qui n’est évidemment pas la même chose. C’est donc dans ce choix que se jouera l’avenir de LR : soit s’allier au centre soit s’allier à l’extrême-droite. D’une manière ou d’une autre, LR devra redéfinir son offre politique.

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