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Edouard Philippe plaide pour un relèvement de l’âge de départ à la retraite
Edouard Philippe plaide pour un relèvement de l’âge de départ à la retraite
©LOIC VENANCE / AFP

Tribune

L'ancien Premier ministre Edouard Philippe plaide pour repousser l’âge de départ "à 65, 66 ou 67 ans". Une idée qui ne peut d'inspirer le mépris, tant elle consiste à punir les Français pour les abandons et erreurs des gouvernements qui se sont succédés depuis 40 ans.

Jean de Belot

Jean de Belot

Jean de Belot est president d’Aria Partners et délégué général du CECR, centre d’études pour une croissance responsable. Il est également l'ancien Directeur de la rédaction du Figaro.

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La proposition d’Edouard Philippe de repousser l’âge de la retraie à 67 ans fait hésiter entre le rire le dégoût et la colère.

Le rire car voilà un homme politique, dit de gouvernement, qui a été Premier Ministre pendant trois ans, et qui n’a, sur la période, pas réussi sur ce sujet majeur à mettre en place quoi que ce soit sinon un projet compliqué, injuste et incertain. Qu’on se souvienne simplement, qu’après deux ans de contacts et négociations soit disant efficaces, les salariés du privé devaient, dans la fameuse reforme systémique, travailler plus longtemps d’entrée de jeu tandis que les fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux devaient voir leur régime se durcir, en peine, à peine, à compter de... 2035, voire plus loin. Alors que chacun sait que le sujet des retraites est autant sinon plus celui de la fonction publique et des régimes spéciaux que du privé. Et qu’il devrait être, par rapprochement et non nouvel écartement des situations entre privé et public, un moyen de recréer de la cohésion dans le pays. Laissant derrière lui les pires déficits de la période récente tant en matière de dépenses publiques qu’en solde commercial (et cela en 2018 et 2019 avant donc l’arrivé du Covid) voilà notre homme politique responsable qui vient à son tour proposer encore de la punition aux Français.

C’est ici le dégoût. Annoncer aux Français qu’ils vont devoir partir à la retraite à 67 ans n’est que le résultat des politiques désastreuses menées par les gouvernements que M. Philippe a dirigé ou soutenus au cours de sa vie politique. Désindustrialisation drastique du pays, endettement de l’Etat, effondrement de l’Éducation nationale et de la recherche, fuite des actifs industriels et d’une large partie de nos meilleurs cerveaux. En fait, Edouard Philippe reprend l’antienne de François Fillon de 2017 : punir les Français des lâchetés, abandons et erreurs que les gouvernements auxquels ils ont participé, soutenus ou dirigé produit depuis 40 ans. Ce raisonnement que ne manqueront pas de présenter comme sérieux les commentateurs zélés atteins de Duhamélite basique est, on, peut le dire, révulsant.

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Car qu’en est-il sur le fond ? Augmenter l’âge de la retraite pour tenter péniblement de maintenir un niveau de prestations sociales qui, individuellement, recule et notamment pour le plus démunis, est un trou sans fond tant que ce pays ne se décidera pas à reconstruire son industrie. A attirer l’activité, l’investissement et l’emploi de qualité. Ce sont les chiffres de l’Insee qui le montrent ; en 1980, la France avait le même patrimoine industriel que l’Allemagne ; il est aujourd’hui deux fois et demi inférieur. Notre solde commercial est le pire des grands pays européens, nos parts de marché à l’international s’effondrent. Sauf exceptions rares, nos meilleures entreprises, détenus le plus souvent par des capitaux étrangers, investissent surtout hors de France.

Les créateurs, les inventeurs les dirigeants de qualité ne manquent pas, mais les amis et alliés d’Edouard Philippe ont toujours, de facto, multiplié les obstacles au développement, à l’emploi de qualité, à l’industrie à valeur ajoutée. A l’exception de quelques modifications à la marge. Ce qui justifie la colère. Car sans modifier cette stratégie de sous-développement, à suivre donc les méthodes du Docteur Philippe, demain, nos enfants et petits-enfants devront prendre leur retraite à 75, voire 80 ans ? Dans un pays toujours moins puissant économiquement. Que reste-il des années de M. Philippe à Matignon ? Presque aussi peu que celles de MM Ayrault, Raffarin ou Juppé. Des reformes de l’Éducation nationale dans le mauvais sens, des prélèvements supplémentaires, et surtout des mots.

Tout homme a le droit de travailler jusqu’à l’âge qu’il souhaite. Et Édouard Philippe a le droit de proposer ce qu’il veut à tout moment. Mais s‘il y a un âge pivot pour la retraite il devrait y en pour la responsabilité.

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