EDF condamné à 3 millions de livres d'amende pour défaut de service : et en France, on y pense ?<!-- --> | Atlantico.fr
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EDF a été condamné à 3 millions de livres d'amende
EDF a été condamné à 3 millions de livres d'amende
©REUTERS/Benoit Tessier

Le pouvoir aux clients

La filiale britannique d’EDF, EDF Energy, a été condamnée pour des négligences dans la gestion des récriminations de ses clients.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : La filiale britannique d’EDF, baptisée EDF Energy, doit payer trois millions de livres (3,74 millions d’euros) à des associations de consommateurs pour des négligences dans la gestion des récriminations de ses clients. Une telle condamnation serait-elle possible en France ?

Stephan Silvestre : EDF Energy a été condamnée pour manquement à ses obligations de service auprès d’une partie de sa clientèle, suite à des problèmes de temps d’attente téléphonique exagérément longs et des réclamations qui n’aboutissaient pas. Ces incidents s’étaient produits en 2011, à la suite d’un changement de système informatique délégué à des prestataires externes. Jusqu’au 19 mars dernier, la législation française ne permettait pratiquement pas les recours collectifs (ou actions de groupe). Mais, depuis cette date, la nouvelle loi sur la consommation, qui découle de la directive européenne du commissaire croate Neven Mimica, prévoit ce type de recours. Ce cas rentrerait typiquement dans le cadre de cette loi : il concerne une entreprise de services aux particuliers dans un domaine qui est prévu dans le champ de la loi (télécoms, énergie, banques…) et il y a bien eu préjudice pour les consommateurs. Autre point commun, la plainte britannique était portée par des associations de consommateurs, ce que prévoit aussi la nouvelle loi française. Donc, en principe, oui, une telle condamnation pourrait être prononcée en France, mais par la justice et non par l’organisme de régulation (en France, la CRE). Reste à voir la jurisprudence dans les années à venir, la loi française se voulant surtout dissuasive, d’après le ministre en charge. 

Y-a-t-il eu des précédents du même type en France, où les consommateurs se seraient plaint des services d’un fournisseur d’énergie ?

La règlementation précédente permettait déjà, depuis 1992, des recours collectifs par les associations de consommateurs agréées. Cependant, celles-ci ne disposaient pas de droit de publicité, c’est-à-dire de la possibilité d’appeler les clients lésés à leur donner mandat. Cette limite a fortement entravé les possibilités de recours et, de fait, très peu de procédures ont été traitées (moins d’une dizaine). De plus, des médiateurs mis en place dans divers secteurs ont permis de réduire le nombre de procédures. Par exemple, le médiateur de GDF Suez a fait état de 80% de dossiers individuels clos par ses soins pour l’année 2012. 

Cette sanction fait suite à une enquête menée par l'Ofgem, le régulateur de l'énergie dans le pays, suite à une hausse inhabituelle du nombre de plaintes enregistrées par EDF Energy lors de la migration de ses systèmes informatiques vers une nouvelle solution en 2011. En France, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a-t-elle les mêmes missions que l’Ofgem ? Peut-elle se prononcer sur une problématique affectant exclusivement les clients finaux ? 

Non, contrairement à l’office britannique, la CRE ne dispose pas d’une telle compétence. Sa mission est de s’assurer que les marchés fonctionnent bien au bénéfice des consommateurs, de s’assurer que la règlementation est bien appliquée et de rendre des arbitrages dans les contentieux entre les opérateurs du marché. Elle vient d’ailleurs justement de se plaindre de manquer de moyen pour accomplir cette seule mission. En revanche, il existe un Médiateur National de l’Énergie, qui peut traiter les dossiers des particuliers. Mais il n’agit que sur des litiges individuels et non collectifs. 

EDF Energy a rencontré à l'époque des problèmes techniques avec l'introduction d'un nouveau système informatique. Des clients ont alors subi des délais d'attente au téléphone "inacceptables" et leurs plaintes n'étaient pas toujours enregistrées avec tous les détails nécessaires. En France, comment est jugé le service client d’EDF ?

Le service téléphonique français d’EDF est d’assez bonne qualité et bénéficie d’un bon taux de satisfaction (90% d’après l’IFOP). Mais il faut relativiser ce taux, qui ne concerne qu’un quart de la clientèle qui a eu affaire à ce service. 

Le management d'EDF Energy a réagi promptement, concède l'Ofgem, et l'entreprise s'est publiquement excusée auprès de ses clients. L’amende était-elle finalement justifiée ?

Oui, l’amende était justifiée pour la période incriminée, c’est-à-dire de mai 2011 à janvier 2012. Durant cette période, les plaintes ont été en hausse de 30% par rapport à l’année précédente et nombre d’entre elles n’ont jamais été enregistrées. Beaucoup de clients raccrochaient leurs téléphones après des attentes interminables. Depuis, des actions correctives ont été apportées. Cette amende reste d’ailleurs très supportable pour l’énergéticien : dans le cadre d’une enquête plus globale sur le marché britannique, l’Ofgem a estimé que les six principaux énergéticiens avaient accumulé plus d’un milliards de livres de bénéficies sur une période de 18 mois. 

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