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Economie américaine 1 - dérèglement climatique 0 : Donald Trump fait voler en éclat la politique environnementale d’Obama
©JIM LO SCALZO / POOL / AFP

Le torchon brûle

Donald Trump va supprimer les lois passées par l'administration Obama en matière de protection de l'environnement. C'est le sens du décret qu'il a signé hier. Selon la Maison Blanche, l'objectif est de permettre aux Etats-Unis d'assurer leur indépendance énergétique avec l'exploitation du pétrole et du gaz de schiste. Cela va à l'encontre des objectifs de réduction des émissions de gaz carbonique signés lors de la Cop 21.

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni est présidente d'Economie d'Energie et de la Fondation E5T. Elle a remporté le Women's Award de La Tribune dans la catégorie "Green Business". Elle a accompli toute sa carrière dans le secteur de l'énergie. Après huit années à la tête de Primagaz France, elle a crée Ede, la société Economie d'énergie. 

Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages majeurs: Intelligence émotionnelle (2008, Maxima), Mutations énergétiques (Gallimard, 2008) ou Comprendre le nouveau monde de l'énergie (Maxima, 2013), Understanding the new energy World 2.0 (Dow éditions). 

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Atlantico : Donald Trump a signé mardi 28 mars un décret qui pour revenir sur les dispositions contre le réchauffement climatique prises par son prédécesseur. Au-delà de l'aspect symbolique qu'il y a à abroger ces dispositions, quelles seront les conséquences de cette décision pour la planète ? Sur quels points précisément souhaite-t-il revenir ?

Myriam MaestroniRappelons que dès sa prise de fonction le Président Trump avait souhaité montrer que ses prises de position de campagne se transformeraient en réalités politiques, en signant un décret revenant sur la réforme de la santé (Obamacare), et en affichant sur le site de la Maison Blanche son intention de faire table rase des mesures en faveur du climat édictées dans la Loi Climat d’Obama.

Hier, apparemment dépité par son échec sur le retrait de son projet de réforme de la santé, qui a de facto, laissé clairement apparaître les dissensions au sein de son propre parti, il s’est attaqué, dans la foulée, à la question du climat, en signant un décret revenant sur le Clean Power Plan qui imposait notamment aux centrales thermiques des réductions de leurs émissions de CO2 -de 32% d'ici 2030 par rapport à 2005-, en se vantant de «mettre un terme à la guerre contre le charbon » et de « prendre une mesure historique pour lever les restrictions sur l’énergie américaine, pour en finir avec l’intrusion du gouvernement et abroger les réglementations destructrices d’emplois ». N’en étant apparemment pas à une aberration près, Trump, chef de file d’un mouvement climatosceptique (se caractérisant désormais par le fait de nier le rôle des activités humaines dans le réchauffement climatique attribué à l’évolution naturelle de la planète), a sommé l’Agence Américaine pour la Protection de l’Environnement (EPA) qui avait sans doute pris trop de poids, à son goût avec des pouvoirs étendus, « de veiller à la qualité de l’air et de l’eau »… qui, bien sûr, semble, pour Trump n’avoir rien à voir avec les émissions de CO2, et autres substances et microparticules issus de la combustion des énergies fossiles, pourtant désormais bien en cause, et, reconnus comme un sujet de santé publique… Ce raisonnement s’inscrit à contre courant de la logique mondiale et notamment du consensus obtenu à dure peine après la COP 21 qui avait permis de voir les accords de Paris sur le climat ratifiés par plus de 190 pays, avec des exemples, tel celui de la Chine, qui démontre que quelle qu’en soit la raison, la plupart des pays ont un intérêt direct ou indirect, même si dans une seule logique pascalienne pour certains, à lutter contre le réchauffement climatique.
Trump, non content d’une position qui prend à contrepied ces accords, dans un contexte d’aggravation et de multiplication des événements climatiques dont les Etats Unis font pourtant régulièrement les frais (sécheresses intenses, incendies dévastateurs, inondations importantes, etc), n’hésite d’ailleurs pas à déplacer le débat du climat sur la question de l’emploi, accusant les réglementations environnementales de détruire des postes et promettant aux mineurs du charbon de leur redonner du travail, en leur assurant qu’ils sont des « gens fantastiques »… ce dont personne ne doute… tout en ne justifiant pas pour autant de prendre en otage le reste de la planète sur la question de la lutte contre le changement climatique.
Il est vrai que le Clean Power Act, en promouvant la transition énergétique, menaçait de fermeture les centrales thermiques les plus vieilles et polluantes, dans un pays où l’électricité est encore produite pour environ un tiers du total par plusieurs dizaines de centrales à charbon, quasiment ex æquo avec le gaz naturel, et dans une proportion bien supérieure au nucléaire ou aux renouvelables pourtant en fort développement, car correspondant à une volonté du gouvernement antérieur de moderniser la production électrique.
Décidément bien remonté, Trump est également revenu sur l’interdiction d’Obama de construire l’oléoduc Keystone XL -long de 1.900 km, dont 1.400 sur le territoire américain et devant acheminer le pétrole extrait des sables bitumineux de l’Alberta vers les raffineries du Golfe du Mexique- et accordé le permis au titre de l’ « intérêt national », car, toujours selon lui, porteur d’emploi et d’indépendance énergétique. Une position consistant à opposer environnement et économie que les Acoords de Paris ont pourtant commencé à ringardiser. Rappelons que ce projet, qui commence à dater, fait l’objet d’une mobilisation importante de la part des défenseurs de l’environnement, qui, à n’en pas douter, vont reprendre du service… et, ce sans compter, sur la propre position de Justin Trudeau, premier ministre canadien, qui annonçait, pas plus tard qu’en janvier dernier, souhaiter « mettre un terme progressivement à l’exploitation des sables bitumineux et rendre le Canada indépendant des hydrocarbures ». 

Cet accord pour poursuivre l'exploitation des gaz et pétrole de schiste pourrait faire repartir à la hausse les émissions de gaz carbonique, ce qui serait contraire à l'accord de Paris sur le climat signé en 2015. Les Etats-Unis pourraient-ils se retirer de leur engagement en faveur de la réduction des émissions de gaz a effet de serre ? 

Il est bien évident que face à l’effort de réduction des émissions des gaz à effet de serre, c’est bien chaque pays qui doit s’engager. De fait, les Etats Unis, 2ème plus gros émetteur de CO2 après la Chine, avec plus de 5 milliards de tonnes émises par an 164 tonnes/seconde), ont un rôle essentiel à jouer dans le processus de lutte contre le changement climatique, tant pour réduire leurs propres émissions que pour contribuer à améliorer l’intensité énergétique des pays émergents. Il est clair que la tentation du protectionnisme économique de Trump s’accommode mal de la question planétaire du changement climatique, et ne peut s’inscrire que dans une logique très court-termiste. Il est possible, (la preuve !) de revenir sur les engagements existants sur un plan juridique, néanmoins, et sans vouloir faire preuve d’un excès de confiance, à l’instar de l’ « obamacare », il y a encore loin de la coupe aux lèvres, et en l’occurrence de la ratification de ce décret. En ce sens, il ne faut certainement pas négliger les différentes parties prenantes aujourd’hui engagées dans la question de la réduction des émissions de CO2 : villes, régions, entreprises de premier plan, ONG, et bon nombre de faiseurs peu capable de fédérer, comme vient de le prouver l’échec cuisant de l’ « obamacare ». De plus, on appréhende mieux aujourd’hui les approches des lobbies en faveur des énergies fossiles à la manœuvre, et ces derniers prennent des risques importants en maintenant leur pression. D’ailleurs, Roy Tillerson, secrétaire d’état (en charge des affaires étrangères), et ex patron d’Exxon, a préféré s’exclure des discussions et de la décision sur le sujet très controversé de Keystone, un élément intéressant à prendre en compte sans pour autant présager du futur qui n’en reste pas moins préoccupant.
De plus, il devient difficile d’agiter sans cesse la question de l’emploi existant dans les industries traditionnelles, en négligeant totalement les emplois créés et/ou attendus dans le domaine de la croissance verte. Dieu sait si Trump pourtant bien connaisseur de la nouvelle économie notamment en matière de numérique et de réseaux sociaux dans le domaine de la communication –il soit être un des plus gros utilisateurs de twitter au monde- semble assez peu s’intéresser à une dynamique à la Elon Musk, pour ne prendre qu’un exemple parmi tant d’autres… Il y a fort à parier que ses véhicules électriques, ses batteries à énergie propre et autres innovations 3.0, doivent lui sembler un peu trop hollywoodiennes à son goût. Il est vrai que dans la représentation trumpienne du monde, Hollywood reste le fief d’un de ses principaux contestataires sur la question du climat, à savoir, Arnold Schwarzenegger, pourtant du même parti, qui est passé du Hummer, à Président du R20, et plus engagé que jamais dans la lutte contre le changement climatique.

Est-ce que ce retour en arrière de la part de Donald Trump sur les questions de climat pourrait être perçu comme un mauvais signal pour les autres chefs d'Etat ? 

L’isolationnisme américain a un prix… c’est ce que le président Chinois Xi Jinping, rappelait à Trump lors du dernier sommet de Davos, auquel il participait pour la première fois un discours remarqué. Il faut dire que Xi Jinping, sous la pression des chinois de plus en plus sensibles à l’environnement et au réchauffement climatique, était parvenu à un accord historique avec Barack Obama pour que les deux pays réduisent leurs émissions polluantes, ce qui avait d’ailleurs, significativement pesé dans la balance pour permettre le succès des accords de Paris lors de la COP 21. Ainsi, en Janvier dernier, à Davos, le président Xi mettait en garde Donald Trump, en lui rappelant que : "Tous les signataires doivent se tenir aux engagements pris car il s’agit d’une responsabilité que nous devons aux générations futures." … La réaction de la Chine face à cette provocation américaine est à suivre.
Malheureusement, partout sur la planète, les occasions de constater les dégâts causés par le réchauffement climatiques se multiplient. La diplomatie économico-climatique, inspirée par l’esprit des Accords de Paris, a un avenir lourd de défis à relever…. 

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