Économie : mais pourquoi cette querelle bien française entre « les tout-va-bien » et « les-tout-va-mal » ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un homme exhibe un drapeau français et un gilet jaune sur la Place Charles De Gaulle (Place de l'Etoile) à Paris, le 12 février 2022, alors que des convois de manifestants appelés "Convoi de la Liberté" arrivent dans la capitale française.
Un homme exhibe un drapeau français et un gilet jaune sur la Place Charles De Gaulle (Place de l'Etoile) à Paris, le 12 février 2022, alors que des convois de manifestants appelés "Convoi de la Liberté" arrivent dans la capitale française.
©SAMEER AL-DOUMY / AFP

Atlantico Business

La campagne présidentielle a mis en lumière le clivage entre ceux pour qui « tout va bien » et ceux qui pensent au contraire que « tout va mal ». Alors que les uns et les autres ont peut-être raison.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Compliqué d’apprécier la situation de l’économie française à l’approche de l’élection présidentielle. Compliqué parce que, plus on va s’approcher de l’échéance, plus les responsables politiques vont débattre de l’état du pays. Et des vrais problèmes des Français. Les uns pour soutenir le président sortant, les autres pour démontrer qu’Emmanuel Macron n’a rien fait de sérieux et qu’il a finalement laissé le pays foncer dans le mur des réalités sociales. 

Ces débats sont compliqués et toxiques parce que, normalement, les chiffres et les faits sont têtus. Ils ne sont ni de droite ni de gauche. Les hommes politiques ont un talent inimitable pour leur faire dire exactement ce qu’ils veulent démontrer. 

Le premier résultat aura donc été de couper la France en deux. 

D’un côté, il y a tous ceux qui considèrent que la situation économique s’est formidablement redressée après le Covid et c’est d’autant plus spectaculaire que peu d’économistes avaient parié sur un tel rebond. 

En mars 2020, le politiquement correct était de décrire une France qui va s’enfoncer dans la catastrophe avec à terme, un cortège de faillites, de vagues de chômeurs, un déclassement et une misère insupportable. Ça aurait dû être pire que la crise de 1929. 

La réalité telle qu’elle est aujourd’hui est radicalement différente. La plupart des grands indicateurs macro-économiques sont au vert. 

Le chômage n’a jamais été aussi faible (4% en moyenne), la croissance n’a jamais été aussi forte (7% en 2021 et presque autant de prévu en 2022.) La consommation a bondi, les investissements industriels ont poussé comme des champignons, la bourse est montée jusqu'au ciel des traders et seuls les risques de guerre en Ukraine ont un peu perturbé les logiciels financiers... Bref, jamais dans l’histoire de ces 25 dernières années, les experts de Bercy n’ont présenté un tableau de bord aussi porteur. 

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Du côté des entreprises, les choses se sont déroulées beaucoup mieux que ce que croyait la majorité des experts.Les résultats sont globalement bons et même flamboyants pour les entreprises du Cac 40. 

Dans le luxe, la banque et les industries pétrolières, on a engrangé des dizaines de milliards de profits sur 2021. 

Dans le digital, on a fait moins de profits mais plus d’investissements. Les licornes (entreprises valorisées plus d’1 milliard de dollars) sont désormais 26 et la plupart (Deezer, Doctolib, Blablacar, Veepee) sont entrées dans le club depuis 5 ans. Dans le même temps, les levées de fonds se sont succédées tout au long de l’année pour totaliser près de 3 milliards d’euros, dont les 2/3 en capital risque. 

Quant au tissu des petites et moyennes entreprises, il a beaucoup souffert mais il a réussi à s’adapter aux grandes mutations qui se sont accélérées et notamment la digitalisation. 

Bref, tout va plutôt bien et il faut reconnaître qu’une grande partie de l’amélioration est imputable à la politique économique et sociale menée par le gouvernement. La crise a imposé un nouvel éco-système, les aides et les soutiens du gouvernement ont accompagné la résilience.

« Le quoi qu’il en coute » a permis de préserver les emplois (chômage partiel), les entreprises (PGE gérés par la BPI) et la relance de l’économie en accélérant les mutations digitales et environnementales. Globalement, le bilan économique de la France est plutôt bon et les amis d’Emmanuel Macron ont raison de le souligner. Les plus pointilleux ajoutent que toutes les composantes du « quoi qu’il en coute » s’inscrivent plutôt dans une culture de gauche en priorisant le rôle de l’Etat et le social. Mais en fait, dans l’urgence, tous les pays européens ont manié avec plus ou moins de bonheur les mêmes outils. Il n’empêche que ça a marché. Tout va bien. 

Le paradoxe d’une campagne présidentielle où on est obligé de se démarquer pour se faire remarquer, c’est que les partisans du « tout va bien » se retrouvent confrontés à ceux du « tout va mal ». 

Parce que tous les challengers d’Emmanuel Macron nagent dans le courant de l‘anti-macronisme, et considèrent que la France va dans le mur. Le comble, c’est qu’a priori, ils n’ont pas tort. La Cour des comptes ne dit pas autre chose.

La croissance est forte, mais elle est fragile. Elle a été alimentée par les aides et les aides vont être débranchées. 

Le chômage s’est réduit mais a laissé sur le carreau 2 millions de jeunes qui n’ont ni job, ni formation, ni très souvent de familles... 

Le commerce extérieur est très déséquilibré, au point que nous consommons des produits manufacturés principalement dans les pays émergents. Nous sommes dépendants de l’extérieur dans de multiples secteurs, preuve que notre industrialisation est structurellement trop faible, que notre compétitivité est insuffisante. Et si notre compétitivité est insuffisante, c’est parce que le fardeau fiscal est décidément trop lourd. Et  si les impôts et les taxes pèsent autant, c’est parce qu’il faut financer les dépenses de l’Etat qui sont trop lourdes, plus de 55 % du PIB.

Le déficit est tel que la dette publique nécessaire au financement va devenir ingérable. Et ça n’est pas la dette du Covid qui est en cause, c’est la dette structurelle, celle qui financent les dépenses courantes

C’est donc bien le train de vie de l’Etat qu’il faudrait réduire. 

Donc pour tous les anti-Macron, tout va mal ou plus justement tout risque d’aller plus mal encore. 

Cette analyse n’est pas fausse. Mais elle devrait commander aussi une série de réformes qu’il aurait fallu démarrer et qu’il faudra bien présenter : réduire le périmètre de l’Etat, modifier le modèle social trop généreux et trop couteux, revoir le fonctionnement des administrations, parce qu’elles ne marchent pas. Nous avons un des systèmes éducatifs les plus chers du monde, un des systèmes de santé le plus couteux. Si ces systèmes administratifs étaient efficaces et performants, le contribuable n‘aurait rien à dire.

Or, la précampagne de la présidentielle s’est résumée en une série de querelles d’ego et d’a priori, querelles de territoires corporatistes ou politiques où les positions les plus radicales et les plus populistes ont dominé la réflexion plus profonde sur l’état de l’hexagone avec comme cible, la politique, dans la forme et le fond, menée par Emmanuel Macron. 

Son arrivée officielle dans la campagne présidentielle changera peut-être la donne. 

Oui si Emmanuel Macron met sur la table un projet de modernisation du pays qu’il n’a pas pu mener lors du premier quinquennat. 

Modernisation du rôle de l’Etat, du modèle social et de la transition environnementale. A ce moment-là, ses challengers pourront peut-être lui opposer de vraies alternatives. Mais ça n’est pas gagné. 

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