Dysfonctionnements et maltraitance dans les Ehpad : quelles solutions réalistes pour redresser rapidement la situation ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L’ARS et le conseil départemental établissent la persistance de dysfonctionnements qui "font courir des risques" aux résidents.
L’ARS et le conseil départemental établissent la persistance de dysfonctionnements qui "font courir des risques" aux résidents.
©PASCAL LACHENAUD / AFP

Selon un rapport de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France et du conseil départemental des Hauts-de-Seine, révélé par Le Journal du dimanche et auquel Le Monde a eu accès, des difficultés persistent à l’Ehpad Orpea de Neuilly et "font courir un risque" aux résidents.

Sabrina Deliry

Sabrina Deliry

Sabrina Deliry est Co-fondatrice du CPAE (Cercle des Proches Aidants en EHPAD) et de l'OGRA (Observatoire du Grand Age).

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Atlantico : L’enquête de l’ARS et du conseil départemental des Hauts-de-Seine menée fin janvier dans l’établissement Les Bords de Seine à Neuilly  et le rapport IGF / IGAS dressent un constat sévère. Des dysfonctionnements persistent et « font courir un risque » aux résidents. Qu’en pensez-vous ?

Sabrina Deliry : De ce que j’en sais, rien n’a effectivement changé là-bas. Toutes les associations ont fait pression pour que ce rapport IGF / IGAS soit rendu public. Brigitte Bourguignon était devant la commission d’enquête au Sénat et a déclaré qu’elle y était favorable mais qu’Orpéa ne le souhaitait pas et invoquait le droit des affaires. Lundi, nous avons demandé aux sénateurs par courrier, mail et sur Twitter ce qu’ils comptaient faire pour le problème systémique des Ehpad. C’est-à-dire pas seulement Orpéa mais Korian, Domusvi et les autres aussi. Une sénatrice nous a répondu ce mardi sur Twitter que Korian, Domusvi, Arparvie et Colysée allaient être eux aussi auditionnés. C’est une victoire pour nous car cela signifie que la peur a changé de camp et que les langues se sont déliées. Mais encore aujourd’hui, les Ehpad sont devenus des zones de non-droit, où l’on impose parfois encore le port du masque et l’isolement qu'on ne demande plus en population générale.

La prise de conscience semble donc présente, mais qu’en est-il des solutions proposées ?

Oui la prise de conscience est là, mais ils se trompent sur les solutions. Le livre de Victor Castanet, Les Fossoyeurs, est en deux parties. L’une sur le manque de moyens, l’autre sur les manœuvres financières. Ça c’est nouveau, car les enquêtes de l’ARS se bornent seulement aux EHPAD sans s’intéresser à ce qu’il se passait dans les sièges. Mais ils se trompent d’axe pour la suite. Eux parlent de l’EHPAD de demain alors que nous parlons des dysfonctionnements d’aujourd’hui. Pour eux, il faut favoriser le maintien à domicile. C’est une évidence. Mais la contrepartie, c’est de plus médicaliser les EHPAD. Cela veut dire leur faire perdre encore leur dimension de lieu de vie pour devenir des lieux de soin et, in fine, des mouroirs.

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Selon nous l’urgence est de renforcer le personnel soignant, qu’il y ait plus d’humain. Brigitte Bourguignon nous a répondu que la priorité, c’étaient les contrôles. Et ce qu’elle a annoncé en termes de contrôle est loin d’être suffisant. La plupart des contrôles sont "sur pièces, en remplissant une grille d'auto-evaluation". Avec Victor Castanet, Florence Aubenas et bien d’autres, nous avons créé en décembre l’Observatoire du grand âge (Ogra). On souhaite que cela devienne un organe indépendant de contrôle et d’évaluation des EHPAD. L’ARS est celle qui donne les financements, elle ne peut pas faire un contrôle efficace. On souhaite que cela soit aussi un soutien pour les soignants, les familles et les résidents face aux cas de maltraitance. Mais encore une fois, nous ne sommes pas écoutés. On va faire appel à des gens qui n’y connaissent rien pour régler le problème plutôt que d’écouter les résidents, les familles, les professionnels, qui sont sur le terrain et qui proposent de véritables solutions.

Face à cela, quelles solutions réalistes pour redresser rapidement la situation ?

Nous avons lancé la plateforme Résidents toujours citoyens en EHPAD, avec des demandes des familles pour les résidents d’EHPAD et aussi une proposition de référendum, co-écrite avec médecins, avocats, soignants pour encadrer l’avenir du secteur. Dans ces propositions, certaines ne coûtent rien hormis modifier un décret d’application. Par exemple pour le Conseil de la vie sociale en EHPAD ou toutes les parties sont réunies mais où les voix des proches et des résidents ne sont que consultatives. On pourrait avoir des codécisions sur certains sujets, cela nécessiterait simplement de modifier le décret. Dans un récent rapport, la député UDI Valérie Six a annoncé une évolution du CVS, avec un passage de la consultation à la concertation des familles et résidents. Ce qui est ridicule. Elle m’a assurée qu’elle aimerait pouvoir faire plus mais qu’elle ne pouvait pas aller au-delà.

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Comment régler le problème du personnel et celui de la formation ?

Brigitte Bourguignon a annoncé 10000 postes, cela représente 1,3 poste par EHPAD en plus. Nous proposons, avec Jérôme Marty, de créer une filière d’excellence gériatrique. Si l’on crée cette filière, cela permet d’apprendre à la totalité des professionnels qui travailleraient en Ehpad et auprès des personnes âgées à domicile (aides-soignants, kinés, médecins coordinateurs, infirmières....) à travailler avec les personnes âgées. C’est essentiel car pour l’instant les aides-soignants ne font qu’un tronc commun. Or être aide-soignant auprès des personnes âgées, c’est différent. Cela ne requiert pas les mêmes gestes, ce ne sont pas les mêmes problématiques. Et cela règle un autre problème car en faisant du gériatrique une spécialité, on permet une hausse des salaires. Cela crée une reconnaissance du soin aux personnes âgées donc une valorisation du personnel et de leurs compétences. Il faut montrer que même si c’est dur, ça peut être beau.

Mais dans l’urgence, il faut plus de suivi des équipes au niveau local. Il faut que les directions et les équipes encadrantes soient derrière leurs équipes. Il y a un problème de personnels et trop souvent, les absences sont comblées par des intérimaires qui ne sont pas formés, qui sont là car ils n’ont pas le choix. C’est ainsi que l’on se retrouve avec des personnes qui ont des mauvais gestes voire des mauvais comportements. Il faut dispenser des formations sur le terrain, en urgence, le temps de mettre en place une formation d’excellence.

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Que peut-on faire pour les problématiques liées à la réduction des coûts, notamment pour la nourriture ?

A Paris, les Ehpad font un appel d'offres mutualisé pour réduire les coûts. Mais tout est subordonné à la volonté de faire des économies. A titre d’exemple, dans l’EHPAD de ma mère, le pain a changé, à la suite d’un appel d’offre, et la qualité s’est fortement dégradée. Pour des raisons d’économies. Les heures de ménage aussi ont diminué.

Cela fait 20 ans qu'on fait des économies sur le dos des résidents d’Ehpad, ce qui a abouti à cette situation catastrophique du secteur.
Il est temps de changer son fusil d'épaule, de mettre les moyens et de décider d'une politique d'envergure pour les EHPAD : pour que vieillir ds la dignité soit la norme et plus l'exception.

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