Du sommet de l’Etat au citoyen lambda, les Russes récoltent la tempête de la confusion semée depuis 10 ans<!-- --> | Atlantico.fr
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Vers 10 heures (9 heures à Paris), Vladimir Poutine évoque les «ambitions démesurées» d'Evguéni Prigojine, sans jamais le nommer, et prévient que «les responsables seront traduits devant la justice» et appelle les hommes de Wagner à cesser leur rébellion.
Vers 10 heures (9 heures à Paris), Vladimir Poutine évoque les «ambitions démesurées» d'Evguéni Prigojine, sans jamais le nommer, et prévient que «les responsables seront traduits devant la justice» et appelle les hommes de Wagner à cesser leur rébellion.
©Pavel Bednyakov / SPUTNIK / AFP

Vertigineux

Après une journée pleine de rebondissements, les mercenaires de Wagner qui marchaient sur Moscou ont quitté Rostov-sur-le-Don à la suite d'une médiation menée par le président biélorusse.

Viatcheslav  Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii est spécialiste des relations internationales et de la stratégie des affaires internationales.

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Sergej Sumlenny

Sergej Sumlenny

Sergej Sumlenny est un journaliste, politologue et écrivain d'origine russe.

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Atlantico : Hier, le chef du groupe paramilitaire Wagner, Evguéni Prigojine, a mené une offensive à l'intérieur de la Russie et a menacé d'aller jusqu'à Moscou, dans le but de renverser le commandement militaire, avec lequel il est en conflit depuis plusieurs semaines. Dans la soirée, il a mis fin à la mutinerie après des négociations avec le président biélorusse. Comment réagit l’opinion publique russe ?

Viatcheslav Avioutskii : On a des réactions assez ambiguës : on a une partie de la population qui le soutient. Dans les vidéos qu’il a publiées, il converse avec l’état-major du sud de la Russie, et on y voit plusieurs personnes avec le drapeau de Wagner. À côté de ça, il y a beaucoup de badauds, de gens curieux. Hier, l’attitude envers Prigojine apparaissait neutre voire très légèrement négative. Les civils n'étaient pas une cible pour Wagner, même si beaucoup d’habitants à Rostov ont gagné la gare pour quitter la ville et rester à l’écart du conflit. 

Sergej Sumlenny : Je pense que les Russes ne comprennent pas encore très bien l'ampleur du problème auquel ils étaient confrontés. Les civils ont peur de ne pas comprendre ce qu'il se passe, mais ils récolté la guerre que les Russes ont menée pendant près de 10 ans, ils la récoltent maintenant et il y aura des événements plus dommageables dans le futur. Il y aura d'autres combats en Russie. Les fissures sont là pour longtemps. L'armée russe craint de ne pas pouvoir gagner la guerre en Ukraine. L'armée russe ne veut pas se battre et mourir sans aucune chance, donc certaines parties des élites russes veulent se débarrasser de Vladimir Poutine. Même si me problème a été réglé hier soir avec les mercenaires de Wagner, les plaies resteront béantes. 

L’opinion publique russe soutenait plutôt le pouvoir dans la guerre déclenchée en Ukraine. Cette mutinerie peut-elle faire changer l’opinion publique ?

Viatcheslav Avioutskii : Un premier sondage officiel réalisé récemment montre qu’en matière de popularité, Vladimir Poutine, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le ministre de la Défense Sergueï Choïgou sont dans le top 3. Evgueni Prigojine arrive en cinquième position. C’est un homme assez populaire, à un niveau proche de celui du Premier ministre Mikhaïl Michoustine. En janvier 2023, il était 158e de ce classement et a bondi au printemps à la 21e.

Dans le second sondage, qui demandait aux Russes les personnes dont ils étaient fiers, Vladimir Poutine arrivait en tête, Prigojine et Lavrov arrivaient à égalité à la troisième place. Ce n’est pas un inconnu et il n’est pas isolé. Dans cette mutinerie, il critique l’administration militaire et s’en prend principalement à Sergueï Choïgou, Vladimir Poutine et Valeri Guerassimov, chef d’État-major des forces armées. Selon lui, la guerre en Ukraine n’a pas été déclenchée pour de bonnes raisons mais parce que le ministre de la Défense voulait avoir une décoration militaire et parce que certains dans la haute administration voulaient voler de l’argent grâce au déclenchement de cette guerre. Quant aux chefs militaires, ils seraient incompétents et mentiraient au président russe sur le nombre de morts au combat. Enfin, il dénonce la corruption de la bureaucratie des oligarques.

Sergej Sumlenny :Prigojine a appellé à mettre fin à la corruption, mais pas à la guerre elle-même. Il voulait mettre fin au régime qu'il dit corrompu, celui de Poutine, Medvedev, Choïgou ou encore Lavrov. Il ne s'agissait donc pas de mettre fin à la guerre. Il s'agissait de se montrer comme un leader héroïque et fort, qui sait comment se battre et qui ne peut pas se battre à pleine puissance parce que les corrompus de Moscou le sabotent. Et je pense que cela trouve un écho dans l'opinion publique, parce que l'opinion publique russe croit encore qu'elle peut gagner cette guerre. S'ils combattaient de manière encore plus violentr, avec des attaques plus directes comme je le pense personnellement, ils ne peuvent pas gagner cette guerre. Mais l'opinion publique le pense. En Russie, les gens croient qu'ils peuvent gagner cette guerre et ils rêvent d'un leader fort et juste qui ne soit pas corrompu, qui soit un vrai combattant et qui puisse gagner cette guerre et apporter la paix à la Russie. Qui pourrait gagner cette guerre et ramener la Russie à une certaine forme de gloire ?

Quel rôle joue Prigojine aux yeux des Russes ?

Viatcheslav Avioutskii : Prigojine joue le rôle du populiste et se veut proche du peuple, même s’il est boycotté par les chaînes de télévision fédérale. Il utilise essentiellement Telegram. Il est populaire non pas dans la majeure partie de la population car celle-ci reste indifférente au conflit, mais au sein des « patriotes russes » soit 20% de la population. Attention : Il ne dit pas qu’il faut arrêter la guerre mais qu’il est nécessaire de se débarrasser du leadership militaire, même si le rapport de force ne joue pas en sa faveur.

Selon les dernières nouvelles qui correspondent à la soirée du 24 juin, Prigojine a annoncé qu'il a donné l'ordre à ses combattants à rentrer dans les casernes afin d'éviter un bain de sang après avoir accepté l'offre du président biélorusse qui comprenait "des garanties de sécurité pour les combattants de Wagner". La situation évolue très vite. Il est encore très tôt pour faire une analyse définitive de ce conflit...

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