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Du boom économique américain au ralentissement chinois, mais qui est le plus vulnérable ?
©NICOLAS ASFOURI / AFP

Bras de fer économique

Les États-Unis accélèrent, la Chine décélère : qui explose d’abord ? Les États-Unis croissent toujours au-dessus de leur potentiel, 3% pour la Maison Blanche, 1,5% pour le FMI. Ils avancent de 4,2% (annualisés) au deuxième trimestre aux États-Unis et devraient continuer, soit à 3% en moyenne.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Mais la Chine décélère : 6,5% sur un an après 6,7%, alors que les marchés attendaient 6,6%. C’est le chiffre le plus faible depuis 2009. L’économie mondiale est-elle en train de diverger, entre ses deux leaders ? C’est la question dont tout dépendra, avec la course qui se joue sous nos yeux. Une course économique, monétaire, financière, militaire, bref politique, entre les deux premiers PIB du monde : 19 400 milliards $ côté américain, 12 200 côté chinois. Une course risquée, puisque tous leurs moteurs tournent à plein, et que l’on y craint des explosions. 

Les risques sont multiples : boursiers (chute du Nasdaq ou de Shanghai), bancaires (crédits non performants du secteur public chinois ou de banques régionales américaines moins surveillées), monétaires (chute du yuan ou faiblesse du dollar), financiers (montée des taux longs, notamment pour financer le Trésor US), sociaux (remous devant la montée du chômage ou la hausse des prix), économiques (Chine à 4%, ou récession américaine) et évidemment militaires : accrocs, bavures, erreurs… entre les deux armées. C’est donc la politique qui est aux manettes, et dans les deux pays. Car ce sont là deux « économies dirigées », chacun à sa manière : crédit et « obligations d’agir » en Chine, profit et « anticipations pour agir » aux États-Unis. 
D’un côté, la croissance américaine est paradoxale et magique. Paradoxale, puisque les États-Unis veulent toujours plus de croissance pour être leaders, Make American Great Again, alors qu’ils le sont depuis très longtemps par le PIB et le sont redevenus pour la compétitivité ! Le World Economic Forum de Davos vient en effet de leur redonner la première place dans son indice, depuis 2008. Par rapport à 100, ce qui serait la frontière de l’état idéal en matière de capital humain, d’innovation de résilience et d’agilité, ils obtiennent 85,6, suivis de Singapour (83,5), Allemagne (82,8), Suisse (82,6). La France, avec 78, arrive 17éme. Croissance magique surtout, cette croissance américaine alimentée par la consommation, avec un taux de chômage à 3,7%, soit 6 millions de chômeurs face à 7,1 millions d’offres d’emploi, le tout sans hausse de salaires ! Magique enfin, car le déficit budgétaire annuel atteint 780 milliards de dollars, avec des impôts en hausse de 0,4% et des dépenses publiques de 3,2%, ceci en plein emploi et sans fortes tensions sur les taux longs (3,2%), avec une hausse des prix à la consommation (indice de la Fed) à 2,2% seulement !
D’un autre côté, dans le classement de Davos, la Chine obtient la note de 72,6 et se classe à la 28éme place, derrière l’Espagne et les Emirats Arabes Unis, devant la République tchèque, le Qatar et l’Italie. On imagine la réception de ce classement à Pékin. Et la croissance chinoise ralentit « comme prévu » : il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Ce ralentissement atteint exactement le niveau du plan, 6,5% ! Mais qu’est-ce que cela cache ? On ne peut exclure des interventions pour soutenir encore l’investissement (déjà trop stimulé par du crédit au secteur public) et pour atténuer les baisses de la construction et de l’automobile. On ne peut donc exclure que ce résultat (officiel) ne sera soutenu par plus de crédit bancaire et par de nouvelles baisses de taux dans le futur. En même temps, nul ne sait ce qu’il va advenir des exportations chinoises vers les États-Unis, sachant qu’elles seront renchéries par la hausse des droits de douane, que les contrôles sur les droits de propriété américains seront renforcés et que Donald Trump veut un yuan plus fort. Certes, la Chine répond en achetant moins de soja américain, pratiquement plus de pétrole. En même temps, elle investit beaucoup en recherche, s’équipe de robots, crée ses propres multinationales mondiales de l’électronique. 
Ainsi, on ne peut oublier le double talon d’Achille chinois : un excès d’épargne qui correspond en bonne partie à un système de retraite insuffisamment provisionné (celui des bas salaires), et donc qui a besoin fonction de croissance pour l’alimenter, avec un excès d’endettement (crédits + obligations = 2,6 PIB, et… donc qui a besoin de croissance pour l’alimenter ! C’est là le risque d’explosion du moteur chinois.
En face, les États-Unis entendent soutenir leur croissance en facilitant autant que possible l’activité avec moins de règles : Donald Trump assure ainsi les avoir réduites de 33 milliards de dollars contre 245 ajoutées par Barack Obama. En plus, il assouplit le marché de l’emploi, réduit les normes écologiques, incite à des rapatriements industriels, assouplit le crédit. Mais viendra un temps où l’inflation salariale se réveillera. La Fed devra y répondre en haussant les taux courts, au risque de faire hurler Donald Trump, ce que les marchés n’aimeront pas. Mais le miracle peut se poursuivre un peu, le temps pour Donald Trump (ceci étant fonction des élections mid term) de proposer de nouvelles baisses d’impôts et de nouveaux programmes de travaux publics, donc encore plus de croissance et de dette. Alors, si le déficit se creuse encore beaucoup et que les taux longs montent, les conditions d’explosion du moteur américain seront réunies. 
Les deux économies marchent à la dette : dette publique (crédits + obligations = 2,6 PIB) pour répandre en Chine une « moyenne aisance », et aux États-Unis dette publique (1 fois le PIB) pour continuer à investir, se moderniser et se protéger, plus dette privée (2 fois le PIB) pour faire avancer la frontière technologique. 2,6 PIB contre 3 PIB : chacun doit continuer à croître pour rembourser et donc s’endetter, ce qui n’empêche pas chacun d’embêter l’autre. La Chine va organiser son propre système mondial de financement, les États-Unis poursuivre le leur et en fragilisant le sien, pour bien prouver que le leur est le meilleur. La preuve, il n’explosera pas si le chinois saute ! Ralentissement chinois contre hausse des taux longs américains : tout se joue là, entre les deux artificiers Xi et Donald, sachant que Donald a dit qu’il nous protégerait… si on le soutenait.

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