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Dis-moi qui écrit ton livre... : le projet mort-né du livre de Nicolas Sarkozy
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Bonnes feuilles

Michaël Moreau publie "Les plumes du pouvoir" aux éditions Plon. On les appelle "les plumes". Elles vivent recluses au cœur du pouvoir. Elles écrivent les discours des présidents et des grandes figures politiques. Elles trouvent les mots qui pourraient marquer l'Histoire, et les formules qui feront date. Qui sont-elles ? Extrait 2/2.

Michaël Moreau

Michaël Moreau

En 2000, Michaël Moreau commence sa carrière de journaliste au quotidien France Soir, puis devient rédacteur en chef adjoint de l’émission On ne peut pas plaire à tout le monde. De 2006 à 2008, il est rédacteur en chef de l’émission T’empêches tout le monde de dormir, puis de 2008 à 2009 de Médias le magazine.  Depuis 2011, il est rédacteur en chef chez iTélé et BlackDynamite Production. Il co-écrit avec Aurore Gorius Les Gourous de la com’, 30 ans de manipulations économiques et politiques en 2011.

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Le livre n’est jamais sorti, la parution a été stoppée à temps. Lorsque l’ancienne directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, Emmanuelle Mignon, quitte, en janvier 2012, la société de production cinématographique de Luc Besson, EuropaCorp, sur des désaccords avec le directeur général, un coup de fil ne se fait pas attendre… Le président Sarkozy, qu’elle avait accompagné à l’Élysée jusqu’en janvier 2010, prépare secrètement l’annonce de sa candidature à sa réélection. Il a une mission à confier à son ancienne proche collaboratrice : écrire son livre de campagne. « Je veux sortir un livre le 15 février, je l’ai commencé, il faut le terminer. » Les relations entre le Président et son ex-dircab n’ont pas toujours été au beau fixe. Emmanuelle Mignon avait demandé à quitter l’Élysée dès septembre 2007, soit au début du quinquennat. À l’époque, le chef de l’État la retient. Libérale, elle juge que Nicolas Sarkozy a déjà enterré son programme, alors même que la crise financière n’a pas encore eu lieu. Elle souhaite à nouveau s’échapper à l’été 2008, mais la vraie rupture se produit en mars 2009, lors d’une réunion au salon Vert, au cours de laquelle le conseiller social Raymond Soubie plaide pour l’avancement de contrats aidés afin de lisser les mauvais chiffres du chômage. Elle retourne au Conseil d’État, puis rejoint la société EuropaCorp en 2010, dont elle devient la secrétaire générale. 

Pour la nouvelle bataille présidentielle qui se profile, le Président a besoin d’elle et de sa plume. « Il me donne vingt pages, qu’il avait écrites pendant l’été. Elles étaient formidables ! » se souvient-elle. Elle en dévoile le contenu : « Il y racontait la crise de 2008 et la manière dont il avait convaincu George W. Bush de faire le G20. Il y avait des tas d’informations, connues de lui seul, racontées de manière dynamique. Je me suis enfermée loin de Paris, mais évidemment, tout ce que je pouvais écrire était forcément moins bien, car je n’étais pas l’acteur direct. » Le livre grossit ensuite au fur et à mesure que les autres conseillers s’en mêlent. Chacun y va de ses multiples propositions sur son propre secteur. « À la fin, le résultat était moyen, reconnaît-elle. On ne savait plus si c’était un livre de souvenirs ou de programme. Tout le monde y avait mis sa patte, et les quelques passages un peu enlevés avaient été élagués. » Finalement, l’opération littéraire, en passe de virer au fiasco, est stoppée brutalement, à quelques semaines du scrutin présidentiel et avant même qu’un titre de l’ouvrage ne soit trouvé. « Nous avons décidé collectivement qu’il était trop tard. Mais sur les deux cents pages, vingt étaient franchement excellentes, celles du Président. »

Ce n’était pas la première fois qu’Emmanuelle Mignon participait à l’écriture d’un ouvrage signé par Nicolas Sarkozy. La tête chercheuse avait contribué à La République, les religions, l’espérance, paru en octobre 2004, et Témoignage, en juillet 2006. Les politiques sont friands de publier des livres, un outil de promotion indiscutable. Un objet souvent jugé indispensable aussi en période de campagne électorale. Quand Nicolas Sarkozy publie Ensemble en avril 2007, à peine un mois avant son élection, l’UMP en achète à ses frais plusieurs milliers d’exemplaires. Mais la loi du silence sur qui les écrit vraiment reste forte. Joseph Macé-Scaron, alors journaliste au Figaro, est, à la fin des années 1990, missionné par l’éditeur Bernard Fixot pour rédiger ce qui deviendra le livre le plus important de la carrière de Nicolas Sarkozy, Libre. C’est cet ouvrage qui relancera sa carrière en 2001 après sa traversée du désert. L’éditeur invite le journaliste au Buddha-Bar, à quelques pas de l’Élysée, et lui lance : « Cet homme-là sera président de la République ! » À l’époque, plus personne ne mise sur l’ancien ministre du Budget d’Édouard Balladur. Nicolas Sarkozy et Joseph Macé-Scaron entament plusieurs entretiens. « Le nègre est un parasite, relève le second. Nicolas Sarkozy, il retravaille en personne. » Le maire de Neuilly déclare d’abord à son éditeur ne pas être intéressé pour sortir un livre. Puis qu’il ne souhaite plus une plume pour le rédiger. « Il a fini par me dire qu’il voulait le faire tout seul », dit Bernard Fixot. « Il a mis deux ans pour l’écrire, affirme de son côté Franck Louvrier, l’ancien fidèle conseiller en  communication de Nicolas Sarkozy, qui a relu le manuscrit. Il y avait au départ un projet avec Joseph Macé-Scaron. Ils se sont d’ailleurs vus, et puis ils ont arrêté. Nicolas voulait effectuer seul un voyage dans l’intime. Il écrivait à la main, me filait les feuilles, et l’assistante les tapait. »

Extrait du livre de Michaël Moreau, "Les plumes du pouvoir", publié aux éditions Plon

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