Dialogue social : quand Thierry Lepaon démontre son sectarisme à l’insu de son plein gré et tire une balle dans le pied de la CGT<!-- --> | Atlantico.fr
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Thierry Lepaon leader de la CGT.
Thierry Lepaon leader de la CGT.
©Reuters

Les gamins

Un document obtenu par Atlantico atteste que le rapport "dialogue social", rédigé dans le cadre du Conseil économique et social (CESE) par Jean-Luc Placet, ex-négociateur Medef de Laurence Parisot, a été rejeté le 10 juin dernier par la CGT de Thierry Lepaon au simple motif que c'était un rapport... du Medef.

Lire également : Conférence sociale ou dîner de cons ? Les armes juridiques et politiques qui nous permettraient de balayer des syndicats qui ne représentent (presque) plus personne

Décidément, le Conseil Economique et Social (CESE)  porte une sacrée  poisse au dialogue social à la française en général et à Thierry Lepaon en particulier.

Ce haut lieu supposé de l’échange courtois et du consensus  vient coup sur coup d’enregistrer  deux échecs retentissants. Faute d’une coordination suffisante avec Matignon, la conférence sociale de François Hollande, les 7 et 8 juillet 2014 a tourné à la débandade.

Moins visible en termes médiatiques, l’explosion en vol, le 10  juin dernier au CESE, du rapport "dialogue social" rédigé par Jean-Luc Placet, l’ex-négociateur Medef de Laurence Parisot, n’en est pas moins spectaculaire au plan symbolique.

Et dans les deux cas, le fossoyeur des dossiers s’appelle Thierry Lepaon, le numéro 1 de la CGT. Si Hollande lui réserve, paraît-il, un chien de sa chienne pour avoir planté "sa" conférence sociale, Lepaon, de son côté, commence à se mordre les doigts d’avoir fait enterrer le rapport "dialogue social" du CESE.

La preuve ? Comme Atlantico le révèle, Lepaon vient ni plus ni moins d’appeler le dirigeant patronal dont il a pourtant activement contribué à lui faire tordre le cou, pour l’inviter à manger. Selon nos informations, rendez-vous a été pris pour le 17 juillet…

C’est que dans cette affaire, le patron de la CGT a beaucoup à se faire pardonner. Rédigé par la plume Medef mais sous la houlette de la présidente CGT de la Section du Travail et de l’Emploi du CESE, le rapport "dialogue social" ne présentait sur le fond rien de révolutionnaire ou de fondamentalement contraire à la ligne de la centrale syndicale et avait a priori tout lieu d’être approuvé par le Conseil Economique. C’était sans compter l’aile dure de la CGT, pour laquelle il était hors de question d’apposer la signature du syndicat sur "un rapport du Medef", qui est parvenue à convaincre Lepaon de le torpiller, uniquement donc pour des raisons de forme et en rien sur le fond. Et si ce dernier a été incapable de faire stopper la grève des cheminots, force est de constater qu’au CESE, il a parfaitement réussi son coup.

Premier acte lors des commémorations du soixante-dixième anniversaire du débarquement Allié en Normandie, le dirigeant cégétiste prévient  assez sèchement le président du CESE : "ce rapport ne doit pas en aucun cas être voté". Ambiance, puisque Thierry Lepaon a lui-même pantouflé pendant des années au Conseil économique et y a même fait voter un rapport ouvrant la porte à l’expérimentation à la concurrence dans le transport régional. Une des causes de la dernière grève à la SNCF…

Dans un deuxième temps, le jour du vote au CESE, Thierry Lepaon, via  son homme de confiance au Conseil, Lionel Mary,  fait basculer la décision du groupe CGT du vote favorable vers l’abstention. Tant pis si les principaux  syndicats réformistes sont par ailleurs favorables à l’avis "dialogue social", tant pis si le vote négatif risque de déstabiliser la présidence CGT de la Section du Travail et de l’Emploi, Lepaon demande et obtient le rejet  pur et simple du texte par le groupe CGT. C’est cela qui plombera le texte au moment du vote.  

Problème : ce que le patron de la CGT a considéré d’abord comme une victoire tactique s’est progressivement transformé en boulet. Car en interne, les réactions négatives – et argumentées – ont rapidement fait boule de neige.

Ainsi, dans un courrier en date du 26 juin, dont Atlantico révèle des extraits, Maurad Rabhi, conseiller au CESE et patron de la fédération du Textile, assène au secrétaire général de la CGT  une  belle volée de bois vert : "Je veux t’informer de ma déception profonde à propos de la saisine récente du CESE sur le dialogue social, saisine qui, au final, n’a pas été votée" écrit Rabhi. "La CGT s’est abstenue en dernier ressort alors qu’il semblait que le groupe avait pris position clairement pour la voter".

"En effet, poursuit-il, ce texte contient plusieurs avancées non négligeables sur le sujet et je n’ai pas compris cette volte-face du groupe… Au moment où le dialogue social au niveau interprofessionnel et au niveau des branches se réduit à "pas grand-chose", c’est difficilement compréhensible. Ce texte aurait pu être un levier sur lequel nous aurions pu nous appuyer pour la négociation interprofessionnelle sur le dialogue social qui va s’ouvrir à la rentrée". "C’est d’autant plus vrai, insiste Rabhi, que le Medef avait, de son côté, vite compris les dangers de cette saisine… Je rappelle au passage que le syndicat SUD, de son côté, a souligné les avancées notables de l’avis et a voté le texte. Comment ne pas comprendre l’intérêt que la CGT pouvait tirer de cet avis du CESE…  Ce qui s’est passé et les méthodes employées ne sont pas de nature à renforcer la sérénité et la crédibilité du groupe CGT ainsi que celle de la section du travail [NDLR : section à laquelle appartenait Thierry Lepaon]."

Conclusion du patron de la branche Textile : "nous avons loupé une belle occasion d’enfoncer un clou supplémentaire sur la nécessité de conforter le sens du dialogue social que nous souhaitons défendre à tous les niveaux".

Quelques jours plus tard, le 4 juillet dernier, c’est  Christian Dellacherie, ancienne plume de Bernard Thibault qui prend la sienne. Et là aussi ça fait mal. "Quelle (grosse ?) mouche a pu bien vous piquer pour que ce vote positif annoncé un jour se transforme en abstention le lendemain ?... Mais que sommes-nous allés faire dans cette galère pour nous imposer comme les responsables en dernier ressort de l’avis ?Je ne vois pas ce que nous avons pu y gagner, mais je vois bien ce que la CGT y a certainement perdu : dans l’immédiat une atteinte sévère à sa crédibilité, à son image, à lavaleur de sa parole ; dans un deuxième temps, sans doute pouvons-nous faire une croix sur la prochaine présidence de la section du travail. Mesurons-nous le poids réel et le poids symbolique de cette perte prévisible pour la Confédération générale du Travail ?"

Et Dellacherie de marteler : "Peut-on encore conjurer ce sort et renverser la vapeur ? Il vaudrait mieux à l’avenir se mettre du plomb dans la tête plutôt que de se tirer une balle dans le pied".  

Emanant d’un des dirigeants les plus influents de la CGT, cette dernière attaque sonne comme une implacable condamnation contre les choix et les méthodes de Thierry Lepaon. Vu l’ambiance générale, ce dernier ferait bien de se méfier…

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