Diabète : la recherche scientifique fait un grand pas en avant<!-- --> | Atlantico.fr
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Un patient diabétique surveille sa glycémie avec un glucomètre dans un hôpital public, le 22 septembre 2011.
Un patient diabétique surveille sa glycémie avec un glucomètre dans un hôpital public, le 22 septembre 2011.
©ELMER MARTINEZ / AFP

Espoir pour les patients

Des chercheurs de l'Université de l'Arizona estiment que le foie pourrait détenir la clé de nouveaux traitements préventifs du diabète de type 2.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Benjamin Renquist

Benjamin Renquist

Benjamin Renquist est professeur agrégé à l'Université d'Arizona et membre de l'Institut BIO5.

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Atlantico : 100 ans après la découverte de l’insuline, des chercheurs de l’Université d’Arizona, dont vous faites partie M. Renquist, expliquent avoir fait une découverte majeure dans le traitement du diabète de type 2. Selon vous, la clé se trouverait dans le foie des patients. Sur quoi se baserait ce nouveau traitement ?

Benjamin Renquist : L'augmentation de l'incidence de l'obésité dans le monde s'accompagne d'une augmentation de la résistance à l'insuline et du diabète de type 2. L'obésité augmente l'incidence et la gravité de l'accumulation de graisse dans le foie. Notre travail s'appuie sur un domaine de recherche qui a établi que la stéatose hépatique est associée à la résistance à l'insuline et au diabète de type 2. Lorsque la graisse s'accumule dans le foie, les personnes deviennent résistantes à l'insuline. La question à laquelle nous avons voulu répondre était de savoir comment le foie communiquait avec le reste de l'organisme pour entraîner une résistance à l'insuline et un taux d'insuline sérique élevé. Avec d'autres, nous avons montré que les nerfs entre le foie et le cerveau étaient essentiels pour modifier la sensibilité à l'insuline et l'insuline sérique. Nous avons donc entrepris d'identifier comment le foie communique avec ces nerfs. Nous avons montré que l'accumulation de graisse dans le foie entraîne la libération par le foie d'un neurotransmetteur, le GABA. Nous avons ensuite identifié comment ce GABA était fabriqué et avons empêché le foie de fabriquer du GABA. Le fait d'empêcher la synthèse du GABA par le foie a permis de rétablir une sensibilité normale à l'insuline chez des souris obèses ayant suivi un régime alimentaire. Pour commencer à faire le lien avec la santé humaine, nous avons montré que les gènes impliqués dans la production et la libération de GABA dans le foie sont associés à la sensibilité à l'insuline chez les humains obèses. Nous lançons un essai clinique avec des collaborateurs de l'université de Washington à St. Louis, aux Etats-Unis, qui testera l'effet de la prévention de la production hépatique de GABA chez les personnes présentant une résistance à l'insuline. 

Quels sont les spécificités de ce nouveau traitement et les perspectives qu'offrent ces travaux inédits sur la question du diabète ? 

Dr Stéphane Gayet : Le diabète sucré correspond à un groupe de maladies métaboliques caractérisées par une hyperglycémie chronique (élévation de la concentration du sang en glucose) due à un défaut de sécrétiond’insuline (diabète de type 1 ou DT1 : maladie du pancréas) ou d’actiondel’insuline (diabète de type 2 ou DT2 : maladie du métabolisme du glucose comportant une diminution de l’efficacité de l’insuline).

Le développement d’un diabète de type 2 (DT2) est clairement associé à l’âge mûr (après 40 ans) et au surpoids de type androïde.

Au cours du diabète de type 2 (DT2), il existe une accumulation de graisses dans le foie (stéatose), ainsi qu’une augmentation de sécrétion d’insuline (hyper-insulinémie), une diminution de l’efficacité de l’insuline (insulino-résistance) et une augmentation de la ration alimentaire (hyperphagie). L’insulino-résistance entraîne une intolérance au glucose et une hyperglycémie (augmentation de la concentration du sang en glucose).

Les travaux des chercheurs de l’Université d’Arizona portent sur le métabolisme d’une substance appelée GABA. Le GABA ou acide gamma-aminobutyrique est un dérivé d’acide aminé qui joue un rôle de neurotransmetteur, particulièrement dans le cerveau. Il est synthétisé par l’organisme à partir de l’acide glutamique, un acide aminé. Les neurotransmetteurs peuvent schématiquement se comporter en activateurs de la transmission d’influx nerveux, ou au contraire en inhibiteurs. Alors que chez le très jeune enfant, le GABA jouerait le rôle d’un activateur, chez l’adulte il se comporte en neurotransmetteur inhibiteur.

Le GABA est synthétisé, en particulier dans le foie, grâce à une enzyme, la GABA-transaminase (GABA-T). Les chercheurs ont constaté que chez les souris obèses, il existait une augmentation de l’activité de la GABA-T. Ils ont réussi à inhiber chez ces souris l’activité de la GABA-T hépatique, ce qui a réduit l’insulino-résistance, l’hyper-insulinémie, l’intolérance au glucose et l’hyperglycémie. Cela a également entraîné une réduction de la ration alimentaire et une perte de poids sans réduction de la dépense énergétique. Les données biologiques provenant cette fois de personnes obèses confirment que la synthèse hépatique du GABA est liée à l’insuline circulante. Ainsi, la production hépatique (par les hépatocytes, les principales cellules du foie) de GABA jouerait un rôle clef, en cas d’obésité, dans la régulation du métabolisme du glucose et le comportement alimentaire. Le nouveau traitement en question consisterait donc en l’inhibition de la GABA-T hépatique. Le lien entre le rôle du GABA comme neurotransmetteur inhibiteur et l’obésité est le suivant : le GABA inhibe la sensation de satiété, ce qui conduit à l’hyperphagie ; la diminution de la production de GABA conduit à l’inverse.

Peut-on parler d’un tournant alors que les précédents traitements ciblaient principalement les symptômes et non la cause même de la maladie ?

Benjamin Renquist : Vous avez raison, la plupart des traitements du diabète de type 2 sont axés sur l'élimination du symptôme, à savoir l'élévation de la glycémie. C'est un peu comme si on donnait de l'ibuprofène pour faire baisser la fièvre à une personne qui a la grippe. Cela fonctionne et est utile mais ne s'attaque pas à la cause. Les médicaments précédents pour traiter le diabète de type 2 se sont appuyés sur le traitement du symptôme parce que nous ne connaissions pas la cause. Nous espérons que nos recherches identifiant le GABA hépatique comme un médiateur clé constituent un tournant. Néanmoins, nous voulons procéder avec prudence. Nous ne voulons pas surestimer notre situation actuelle. Nous avons fait des découvertes prometteuses chez la souris et nous disposons de quelques données de soutien chez l'homme. Nous savons qu'il existe des tonnes d'études prometteuses chez la souris qui ne se traduisent pas par une amélioration de la santé humaine. Cette volonté de s'assurer que le GABA hépatique joue un rôle clé dans la résistance à l'insuline chez l'homme est la raison pour laquelle nous lançons si rapidement un essai clinique.

Dr Stéphane Gayet : On ne peut pas dire que, jusqu’à présent, l’on soignait surtout les symptômes du diabète de type 2 (DT2), mais il est vrai que l’on s’occupait principalement des conséquences de l’insulino-résistance, de l’intolérance au glucose et l’hyperglycémie.

Avec la découverte du rôle clef de la synthèse hépatique de ce neurotransmetteur inhibiteur qu’est le GABA, l’on va pouvoir agir plus en amont de la physiopathogénie (ensemble des processus biologiques de la maladie) du diabète. C’est donc une approche thérapeutique plus rationnelle et satisfaisante, qui devrait être plus performante et en même temps plus simple.

Cette avancée est donc porteuse de réels espoirs pour les diabétiques de type 2.

Quelle est la prévalence du diabète de type 2 aujourd’hui ? Pourquoi inquiète-t-il plus que le type 1 ?

Benjamin Renquist : Le diabète de type 1 et le diabète de type 2 sont tous deux des maladies importantes, surtout pour ceux qui ont des proches qui en sont atteints. La recherche sur le diabète de type 1 est très prometteuse et j'attends avec impatience la prochaine percée du Fiel. Nous avons choisi de concentrer nos efforts sur le diabète de type 2 en raison de l'intérêt de notre laboratoire pour l'obésité et les maladies associées à l'obésité. Avec la forte prévalence de l'obésité, la prévalence du diabète de type 2 a dépassé celle du diabète de type 1. En 2014, l'OMS a estimé que 422 millions de personnes dans le monde étaient atteintes de diabète, soit une prévalence de près de 5,9 %. La prévalence mondiale du diabète de type 1 ne représente qu'une fraction de ce chiffre, soit 0,059 %. En France, la prévalence estimée du diabète de type 1 est de 0,019%. L'enquête nationale française, ESTEBAN, a établi une prévalence du diabète en France de 7,4% chez les personnes âgées de 18 à 74 ans. Cette prévalence augmente avec l'âge. L'incidence du pré-diabète est de 9,9%. Par ailleurs, près de 17,3% des Français sont touchés par le diabète associé à l'obésité.

Dr Stéphane Gayet : Il y a bien une épidémie de diabète de type 2 dans le monde, y compris en France, favorisée par la croissance galopante de l’obésité et le vieillissement de la population. Dans 15 ans, il y aura ainsi (prévalence : nombre de cas présents à un moment donné) 300 millions de diabétiques dans le monde (contre 135 millions il y a 15 ans), dont 75 % résideront dans les pays en développement.

Le diabète de type 2 inquiète plus que le diabète de type 1 parce qu’il est beaucoup plus fréquent que lui (90 % des cas de diabète sont de type 2) et qu’il est une maladie de civilisation, beaucoup plus que l’autre.

Du fait de l’écrasante proportion du diabète de type 2 qui représente plus de 90 % de l’ensemble des diabètes, à l’échelle de la planète, la prévalence du diabète de type 2 peut être assimilée en première approximation à la prévalence du diabète tous types confondus ; chez les sujets d’âge supérieur ou égal à 20 ans, cette prévalence était de 4,0 % en 1995, avec une prévision d’augmentation à 5,4 % en 2025, sensiblement identique dans les pays industrialisés et ceux en développement.

En nombre de diabétiques, le chiffre devrait donc passer de 135 à 300 millions entre 1995 et 2025. Il faut souligner que ces projections de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont sans doute très sous-estimées, car elles ne tiennent compte que de l’évolution démographique attendue, sans prendre en considération l’évolution de l’obésité. La prévalence est plus élevée actuellement dans les pays industrialisés et elle le restera, mais l’accroissement du nombre des diabétiques proviendra surtout des pays en développement où une augmentation de 171 % est prévue (de 84 à 228 millions), alors que les pays industrialisés devraient connaître une augmentation de 41 % seulement (de 51 à 72 millions).

Source : La Revue du Praticien

En 2025, plus de 75 % des diabétiques résideront dans les pays en développement, contre 62 % en 1995. Dans les pays en développement, la plupart des diabétiques sont âgés de 45 à 64 ans, alors que dans les pays développés la majorité des diabétiques ont plus de 65 ans. Les pays comprenant le plus grand nombre de diabétiques sont dans l’ordre : l’Inde, la Chine et les États-Unis. La situation en Asie est particulièrement préoccupante et la notion de « diabète épidémique » y correspond à une réalité, avec un diabète de type 2 qui débute à un âge relativement jeune, chez des sujets ayant un indice de corpulence (ou indice de masse corporelle, IMC) plutôt bas, mais avec une répartition abdominale de la graisse plus prononcée que chez les Caucasiens (Européens « blancs ») à indice de corpulence égal. Les données de prévalence du diabète de type 2 à travers le monde indiquent d’énormes différences entre groupes ethniques et, à l’intérieur d’une même ethnie, suivant le lieu d’implantation géographique. Ces comparaisons soulignent le rôle des facteurs génétiques et des facteurs d’environnement dans la prédisposition au diabète de type 2, et montrent qu’il y a dans toutes les ethnies moins de diabétiques à la campagne qu’à la ville.

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