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Développer l'éducation numérique dès le primaire, c'est former les Zuckerberg français de demain !
©Reuters

Ecole 2.0

Le retard pris par l'Education Nationale en matière de numérisation de l'enseignement doit être rattrapé, car il s'agit de lutter non seulement pour une éducation plus moderne, mais aussi d'endiguer les problèmes de décrochages et d'inégalités que l'école génère aujourd'hui.. Pour cela, l'Institut Montaigne publie un rapport sur l'importance d'intégrer le numérique dès le primaire.

Nicolas Harlé

Nicolas Harlé

Ancien élève de l'Ecole Centrale, MBA de l'INSEAD. Senior partner au BCG, Nicolas Harlé s'est spécialisé dans le secteur financier. Il intervient notamment sur les problématiques digitales pour les banques et assureurs.

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Atlantico : Votre rapport fait ce constat amer : la France est à la traîne en matière d'éducation numérique. Sur les 65 milliards d'euros du budget 2016 alloués à l’Éducation nationale, seulement 192 millions d'euros sont réservés à la numérisation, soit environ 0,5% de la totalité des investissements par élève, c’est-à-dire 6 fois moins que la moyenne mondiale : est-ce suffisant ? 

Nicolas Harlé : C'est insuffisant bien sûr d’autant que comme vous le soulignez, on constate un grand décalage par rapport aux autres pays. Mais la question n'est pas tant celle de l'équipement, ou des moyens budgétaires consacrés à celui-ci, que celle de sa finalité. Ce rapport ne promeut pas une campagne d'équipement massif : il essaye plutôt de mettre le doigt sur ce qu'on peut faire d'utile et de simple pour aider les enfants à lire, écrire, compter, afin d’optimiser leurs chances dans la vie. 

Notre parti pris est de réfléchir à des investissements intelligents, mieux ciblés. Pour nous, la priorité se situe au primaire. Or le grand nombre d’acteurs concernés en fait également le niveau le plus difficile à transformer.

Vous évoquez des résistances tenaces contre ce processus de modernisation. S'agit-il de raideurs institutionnelles, idéologiques ou politiques ? 

On observe les mêmes résistances que celles que l’on peut retrouver dans la société ou dans les entreprises : on a d'un côté de fervents partisans qui expérimentent, et ce à tout âge et dans tous les groupes consultés. De la même façon, il y a des personnes qui ont peur parce que cela suppose de changer, de faire évoluer les schémas classiques. Cependant, la très grande majorité des acteurs que nous avons rencontrés a une vraie envie d’agir et n'est pas résignée. En revanche, on ne les convaincra pas par des arguments tels que « ces changements sont dans l’air du temps ou vont dans le sens des évolutions de la société ». Un seul argument pourra venir à bout de ces résistances : ces nouveaux outils peuvent assurer une meilleure réussite des élèves.  Au terme de plusieurs mois de travail et de consultation, nous pensons que le numérique peut donner davantage de chance aux élèves en difficultés. C’est le meilleur argument à opposer aux réticences qui subsistent.

Considérons par exemple les débats sur l'utilisation précoce de l'écran. En France, un enfant passe déjà trois heures par jour devant un écran. C’est une réalité ! Alors comment concilier notre envie de ne pas voir la France reculer et d’assurer la maîtrise des savoirs fondamentaux par tous les  enfants ? 20% des élèves entrent en 6ème avec des difficultés en  face à l’écriture, à la  lecture et au  calcul. La très grande majorité de ces enfants-là ne rattraperont pas leur retard. Nous risquons ainsi de laisser se développer le chômage de longue durée si nous n’agissons pas. C'est pour cela que nous pensons qu'une intervention précoce et ciblée sur les défaillances de notre système est nécessaire, malgré ces réticences.

Pourtant vous insistez sur le fait que la numérisation ne se fera jamais aux dépens de l'éducateur. Quelle place doit trouver l'outil numérique dans le rapport élève-enseignant? 

Des expériences ont été conduites pour apprendre à des enfants à écrire, lire et compter sans enseignant. Cela ne fonctionne pas ! Notre certitude est que le rôle de l'enseignant est essentiel et irremplaçable : les neurosciences ont montré que l'enfant a besoin d'interactions, ce qu'on appelle le temps d'engagement, entre un être humain adulte (l’enseignant) et un enfant. Là où le numérique peut aider, c'est qu'il peut permettre de personnaliser l'apprentissage selon les besoins de chaque enfant. Comme on ferait nos gammes, faire B-A égal BA jusqu'à que cela marche est facilité par la structuration et l’explicitation du processus pour l'enfant et l'absence de perte de confiance en soi parce que les erreurs ne sont plus faites devant toute la classe.

Les enfants sont habitués : quand, dans un jeu vidéo, leur bolide sort du parcours, ils ne trouvent pas cela grave et recommencent. Ici c'est la même chose. On constate que l'outil numérique peut aider. Quand il est utilisé avec le bon écosystème, avec le bon déploiement et le bon mode opératoire, il peut démultiplier l’intervention de l'enseignant. Le soutien devient alors personnalisé. Certaines expériences démontrent qu'avec six tablettes pour trois classes et 20 minutes par jour, les enfants qui décrochent font de grands progrès dans l'apprentissage de la lecture. On ne parle donc pas de mettre des enfants devant l’écran de manière structurelle. Si l’enseignant reste et restera la clé de l’apprentissage et de la lutte contre l’échec scolaire, nous estimons que le numérique lui permettra d’aider de façon plus optimisée les élèves en difficulté qu’il rencontre chaque année. 

D'autre part, le nombre d'heures de cours a très fortement diminué. Un enfant passe 864 heures de par an à l’école, dont seulement 20 heures d’interactions individuelles consacrées à la maîtrise de la lecture, quand il en faudrait 35 heures pour apprendre à lire. L'outil numérique peut compenser cela, s’il s’insère dans des programmes de soutien scolaire personnalisé en ligne. Il s'agit de transformer le temps d'écran passif à la maison par du ludo-éducatif personnalisé.

Quelles sont, selon vous, les premières initiatives indispensables pour lancer cette école 2.0? 

La première mesure est pratico-pratique : il y a tellement de parties prenantes dans l'utilisation du numérique, qu'un mode d'emploi partagé est indispensable. Du professeur en passant par le recteur d'académie ou l’élu local, il faut trouver quelques règles communes pour un déploiement efficace des outils. 

Ensuite, nous pensons qu’un second levier, que nous imaginons comme une « Fondation pour l’Education », est nécessaire pour  éclairer l’ensemble des acteurs sur les bonnes recettes, celles qui fonctionnent aujourd'hui. Il s'agit de promouvoir la recherche et la Ed-Tech française (start-up de l’e-éducation et l’e-learning) qui, à nos yeux, dispose d’un bel avenir en France et dans le monde francophone plus largement.

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