Détail de la réforme territoriale : les bons et les mauvais points<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement a adopté le projet de loi sur les compétences des collectivités.
Le gouvernement a adopté le projet de loi sur les compétences des collectivités.
©Reuters

Bien, pas bien, bien...

A l'issue du Conseil des ministres du mercredi 18 juin, le gouvernement a adopté le projet de loi sur les compétences des collectivités, ainsi que celui sur la nouvelle carte régionale, et également le report des élections régionales à décembre 2015. Analyse.

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Bœuf est administrateur général. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier livre : les très riches heures des territoires (2019), aux éditions Population et avenir. Il est actuellement directeur général des services du conseil départemental de la Drôme (26)

 

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Les bons points de la réforme :

D'une part, l'idée même de la réforme est à saluer. Néanmoins, cette bonne intention est à relativiser au regard du gâchis législatif et du temps perdu depuis cinq ans qui semble régner. En effet la gauche s'est opposée massivement aux réformes du quinquennat précédent et a fait de l'abrogation des mesures phares de la loi du 16 décembre 2010 le point fort de son programme. Or, une fois au pouvoir, la gauche revient aux mesures adoptées, après les avoir abolies. Et l'on songe ici naturellement à la clause générale de compétence.

D'autre part, la limitation du nombre maximal de conseillers régionaux est une initiative positive. Malheureusement, elle se trouve polluée en quelque sorte par le fait que l'on traite de la même façon l'Ile-de-France et d'autres régions regroupées qui ont une taille démographique bien moindre. Le juge constitutionnel sera certainement amené à se prononcer.

Par ailleurs, la modification de la taille des intercommunalités peut entraîner un mouvement salutaire de regroupement et de fusion pour permettre une plus grande rationalité... au niveau du département ! C'est là que la bât blesse puisque le département est appelé à disparaitre. 

Les mauvais points :

Trois mauvais points sont à décerner pour ces deux projets de loi : le flou de la réforme, le fait de défaire et refaire, et le calendrier.

Premièrement, le flou de la réforme elle-même et l'incapacité des pouvoirs publics au plus haut sommet de l'Etat, Président de la république et Premier ministre, à imposer leur vision. Mais d'ailleurs y a-t-il vraiment une vision ? En effet, les lignes bougent tout le temps ! Un jour, il est annoncé que les départements ne pourront demander à être rattaché à une autre région. Le lendemain, un message de fermeté absolue est porté. Le surlendemain, on se dit que "peut-être". Et, quelques jours plus tard, on ne l'exclue plus.

Deuxièmement, le sentiment de défaire et de faire pour arriver au même point que la loi dite "réforme de collectivités territoriales" ou RCT de Nicolas Sarkozy et adoptée en décembre 2010. Cette dernière prévoyait déjà la suppression de la clause générale de compétences des départements et des régions. Quant au millefeuille territorial, la loi prévoyait de faire siéger les mêmes conseillers au département et à la région. Cela aurait permis de traiter en douceur la question du département et, surtout, de prévoir à moyen terme la subsistance des départements dans les territoires fragiles et leur disparition dans les départements situés dans le ressort des métropoles.

Troisièmement, le calendrier électoral. Le chef de l'Etat en est désormais à fixer les élections locales à décembre 2015. Cela montre un optimisme certain, pour employer un euphémisme, quand on songe aux futurs débats parlementaires, aux élections sénatoriales à venir et surtout le fait que le sujet dépasse largement les clivages traditionnels. La supposée réussite de la réforme repose donc sur la capacité du gouvernement à franchir les obstacles de sa majorité, de l'opposition, des élus locaux dans les territoires. Et ce avant décembre 2014.

Les points qui dépendent de la mise en place de la réforme sur le long terme :

Tout d'abord, la situation des finances locales et nationales. En quelques années, les collectivités locales sont passées d'une culture de la dépense à une culture de la recette. Trois éléments représentent les recettes des collectivités : l'emprunt (10%), les dotations (40%) et a fiscalité (45%). Or, la crise de 2008 est passée par là pour l'accès à l'emprunt. Le quarteron de la décentralisation - c'est-à-dire chacune et chacun d'entre nous dans les territoires selon qu'il est contribuable, usager, citoyen ou électeur - n'accepte plus les hausses d'impôt. Quant aux dotations des collectivités, elles sont en baisse depuis quelques années.

Ensuite, la capacité des collectivités à se réformer. La fonction publique territoriale est au coeur du problème. En effet, en raison d'emplois garantis à vie, les collectivités auront les plus grandes peines du monde à mettre en place de vraies réformes qui se traduiront par un gain de productivité. La comparaison avec le secteur privé mérite d'être faite. Dans l'entreprise classique, une fusion s'accompagne par une baisse globale des effectifs parce que les deux anciennes entités remplissaient chacune des fonctions dites "support" qui se trouvent être mutualisées. Rien de tel n'est malheureusement à attendre dans le secteur public à court terme. 

Enfin, la volonté même de l'Etat de vouloir - enfin - laisser de la respiration aux territoires. Or la construction même de notre Etat-nation sur plus d'un millénaire s'accommode mal d'un quelconque pouvoir régional. La question se pose à chaque étape de la décentralisation où l'Etat cherche à reprendre d'une main ce qu'il a donné avec l'autre. Comme l'Etat est en manque de finances, il régule désormais par la norme ! Même fin 2012, la mise en place de la banque publique d'investissement s'est traduite par des miettes (en terme de pouvoir) pour les régions.

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