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Morale et Politique : « La mauvaise information chasse la bonne »
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Ethique

Les moyens de communication se sont considérablement développés ces dernières années, et la désinformation a compris tout le parti qu’il y avait à retirer de cette mutation. François Géré, historien et auteur du "Dictionnaire de la désinformation", nous livre son analyse.

François Géré

François Géré

François Géré est historien.

Spécialiste en géostratégie, il est président fondateur de l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) et chargé de mission auprès de l’Institut des Hautes études de défense nationale (IHEDN) et directeur de recherches à l’Université de Paris 3. Il a publié en 2011, le Dictionnaire de la désinformation.

 

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La mutation des moyens de communication annoncée vers 1970 a rarement été prise en compte au niveau des États, tandis que les entreprises ont été infiniment plus réactives parce qu’elles constituaient le moteur et le support de la mutation intellectuelle.

Bref tout change et les schémas traditionnels qui restent pertinents sont soumis à une sorte de loi darwinienne d’adaptation. La désinformation a compris tout le parti qu’il y avait à retirer de cette mutation.

Et la morale dans tout cela ?

Posons tout d’abord que les nouveaux vecteurs de la communication ne sont en soi ni bons, ni mauvais, tout comme le furent en leur temps le téléphone ou la photocopieuse. Seraient-ils à eux seuls cause de libération parce que, ouvrant la voie à la liberté, ils permettraient de franchir les barrières matérielles des dictatures ?  Les insurrections arabes auraient été causées par les nouveaux vecteurs. C’est aller un peu vite.  Un mouvement social tire parti des vecteurs mais ceux-ci ne peuvent créer le mouvement social. Twitter a favorisé la protestation de l’été 2009 en Iran mais n’a pu empêcher la répression efficace. Ces mêmes technologies donnent plus de souplesse et d’efficacité aux mouvements terroristes et aux guérillas. Un outil reste un outil pour le meilleur comme pour le pire !

Certes, les dictatures manifestent évidemment un rejet spontané de la circulation de l’information mais elles trouvent dans les vecteurs nouveaux des ressources nouvelles au service d’un instrument rénové de désinformation qui peut servir leurs objectifs. La transparence totale prônée par Wikileaks constitue un nouveau mythe. Big Brother avait créé la transparence totalitaire ! Le secret qui n’est pas la tromperie mais souvent une précaution conserve et son utilité et ses mérites. De son côté la désinformation pourra tirer parti de cette supposée transparence en injectant toujours plus de fausses nouvelles.

Du bien fondé de la désinformation

Quant aux démocraties médiatiques, on les trouve aujourd’hui plutôt désemparées, leurs gouvernements étant placés devant des défis considérables. Il existe des principes : on ne saurait tromper son propre peuple. Mais si c’est pour son bien ? 

Constatons à ce jour deux tendances. En premier une forte tentation à user de la désinformation : l’invasion de l’Irak en 2003 au prétexte de la menace d’armes de destruction massive restera comme un emblème qui durablement a discrédité les gouvernements anglo-saxons (Etats-Unis de Bush, Royaume-Uni de Blair). En second lieu, il est devenu courant de crier haut et fort à la désinformation dès lors que l’on est l’objet d’une critique ou que sont révélées de mauvaises pratiques de gouvernance. Dans les deux cas les producteurs d’information en appellent à l’opinion publique, corps improbable que l’on s’emploie à « sonder » à outrance afin de peser sur l’esprit des décideurs. Ainsi se sont créés et développés des cercles vicieux, des pratiques retorses qui fragilisent gravement la démocratie fondée sur la liberté d’expression et de circulation de l’information. Accablés par les déclarations de porte-paroles, les yeux dans les yeux, le « croyez-moi puisque je vous le dis » des présentateurs, le citoyen-spectateur saisi par le soupçon sombre dans une mécréance généralisée. A qui se fier ? Par là même, l’information véritable est a priori dévaluée des esprits tout comme le financier Gresham disait au XVIe siècle que « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». Monnaie et information ont un point commun : la confiance. Aussi l’ampleur du phénomène exige une refonte complète de la relation et de l’équilibre entre les pouvoirs. 

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