Des féministes aux conservateurs : une transition inattendue<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Dora Moutot et Marguerite Stern, interrogées ici par Le Figaro.
Dora Moutot et Marguerite Stern, interrogées ici par Le Figaro.
©Capture d'écran Youtube/ Le Figaro

Transgressif ?

Dora Moutot et Marguerite Stern ont répondu aux sollicitations de The European Conservative non au titre de leurs faits d’armes passés mais en tant qu’auteurs culottés de l’essai Transmania, qui dénonce la progression inexorable et destructrice de l’idéologie transgenre dans nos sociétés occidentales.

Hélène de Lauzun

Hélène de Lauzun

Hélène de Lauzun est correspondante à Paris pour The European Conservative. Elle a étudié à l'École Normale Supérieure de Paris. Elle a enseigné la littérature et la civilisation françaises à Harvard et a obtenu un doctorat en Histoire à la Sorbonne. Elle est l'auteur de L'Histoire de l'Autriche (Perrin, 2021). 

Voir la bio »

« On me traite de plus en plus souvent de féministe conservatrice. Et en fait, ça me va. Si conserver le sens des réalités, dire qu’il y’a bien 2 sexes et que 2 + 2 = 4, c’est conservateur, y’a pas de soucis, je suis conservatrice. Je conserve ! je conserve ! »

Voilà les mots facétieux que Dora Moutot, féministe engagée, postait sur son compte X il y a un peu plus d’un an.

Un « coming-out » assez inattendu de la part d’une jeune femme que rien ne prédisposait à de telles déclarations. Munie d’un diplôme dans les arts et la mode, elle est à l’origine d’un blog initialement hébergé par Le Monde destiné à décomplexer la sexualité féminine, suivi d’un compte instagram à succès se fixant l’objectif de critiquer les rapports sexuels traditionnels, accusés d’être soumis à des règles imposées par la domination masculine. Elle a exercé les fonctions de rédactrice en chef adjointe de Konbini, un web media à destination des jeunes, déversant son lot de publications politiquement correct sur tous les sujets tendance, de l’écologie à la cause des migrants en passant par le devenir des actrices porno – toutes choses qui devraient, normalement, produire une réaction allergique mais saine chez le lecteur moyen de The European Conservative.

Et que dire de Marguerite Stern ? Se confiant à l’hebdomadaire conservateur Valeurs actuelles, elle déclarait il y a quelques jours : « Sur la place de l’Église catholique en France, j’ai un peu changé de position : sans pour autant être croyante, je trouve qu’elle a un rôle structurant pour le pays. »

C’est pourtant la même femme qui, en d’autres temps, s’exhibait dans le presque plus simple appareil devant Notre-Dame de Paris en tant que FEMEN, un collectif féministe qui s’est fait, en France, une spécialité de vomir tout ce qui rattache encore vaguement la société française à ses racines traditionnelles catholiques. Aujourd’hui, elle envisage de prendre son bâton de pèlerin pour faire un bout de chemin vers Saint-Jacques de Compostelle.

Comme dirait Hegel (pour les nuls), la ruse de la raison est partout et comme dirait Voltaire (toujours pour les nuls), l’ouverture d’esprit réserve des surprises inattendues. Un esprit authentiquement libre ne saurait classer définitivement les gens sans prendre le temps de savoir ce qu’ils ont exactement à cacher ; un esprit authentiquement chrétien sait que la brebis même apparemment perdue pour la cause mérite toujours que l’on s’occupe d’elle – et qu’elle vous le rendra bien.

Partant de ce constat, il faut savoir voir plus loin que le bout de son nez et écouter ce que ces deux charmantes dames ont à nous dire. Nous les avons rencontrées, et force est de constater que nous avons passé un excellent moment en leur compagnie.  

Dora Moutot et Marguerite Stern ont répondu aux sollicitations de The European Conservative non au titre de leurs faits d’armes passés mais en tant qu’auteurs culottés de l’essai Transmania, qui dénonce la progression inexorable et destructrice de l’idéologie transgenre dans nos sociétés occidentales.

C’est la défense originelle de la cause des femmes qui les a conduites à mener une nouvelle bataille, celle contre les méfaits du « transgenrisme », qui n’est pas tant l’existence de personnes transgenres – il y en a toujours eu, et il y en aura toujours – que leur constitution en un lobby ultra-puissant s’assignant pour objectif de déconstruire avec violence le réel et les corps, avec comme premières victimes, les femmes. De féministes, Stern et Moutot sont devenues « femellistes. » Ce néologisme leur permet de souligner cette vérité éternelle qui tend à s’effacer de l’espace médiatique, à savoir que la femme est la femelle de l’homme dans l’espèce homo sapiens à laquelle nous sommes censés appartenir—même si notre côté « sapiens », très franchement, laisse de plus en plus à désirer.

Stern et Moutot soutiennent des arguments de bon sens, mais qui n’ont plus droit de cité. Une femme n’est pas un homme, son corps est configuré pour porter la vie, car elle est dotée d’un vagin et d’un utérus, et cela quels que soient ses choix et pratiques en matière sexuelle. Un « pénis de femme », cela n’existe pas. Prétendre que l’on peut changer de sexe est biologiquement un leurre car toutes les cellules du corps humain sont sexuées. Pratiquer des opérations chirurgicales ou des traitements hormonaux sur des enfants relève de l’expérimentation médicale dangereuse. Voilà quelques exemples de paroles désormais interdites. L’offensive transgenriste progresse grâce à une entreprise de manipulation du langage, louvoyant dans la contradiction logique choisie comme méthode, le relativisme et la confusion mentale, propice à tous les embrigadements. « Les inversions sont symptomatiques de l’idéologie transgenre. Le brouillard mental sciemment entretenu dépossède de leur cerveau les populations fragiles, victimes de choix de cette idéologie », explique Marguerite Stern. 

Leur passé de militantes féministes a laissé quelques traces, et il offre prise au débat. Au fil de leur enquête ces deux femmes, profondément libres et honnêtes intellectuellement, ont été amenées à questionner certaines fondamentaux de leur engagement. Quid de cette icône du féminisme qu’est Simone de Beauvoir, la compagne de Jean-Paul Sartre qui posa comme mantra « qu’on ne naît pas femme, mais qu’on le devient » ? Quid de la contraception, quid de l’avortement ? Ce sont des sujets sensibles. Pour Marguerite Stern, l’avortement reste un acquis non-négociable de la cause des femmes : nous sentons dans nos échanges que nous ne la convertirons pas sur ce point ! Pour Dora Moutot, la question de la contraception chimique mérite d’être posée, car elle est une forme d’altération des processus naturels, qui d’une certaine manière a des accointances avec la transition des trans en détruisant l’extraordinaire et fluctuant équilibre hormonal propre au corps féminin. La jeune femme, de manière cohérente, nous explique ainsi s’être intéressée et formée sur la question des méthodes naturelles d’observation du cycle.

Evidemment, de pareilles prises de position leur ouvrent des portes et des colonnes – les nôtres, par exemple – mais leur en ont fermé combien plus. Depuis quelques temps déjà, leurs prises de position « femellistes » leur ont valu d’être rangé dans la catégorie soumise à la vindicte publique des TERFs (Trans Excluding Radical Feminists). La publication de Transmania a accéléré le processus. Quotidiennement, elles font l’objet d’insultes, de menaces, parfois de menaces de mort. Leurs boîtes aux lettres, physiques et virtuelles, débordent de témoignages de haine et d’immondices, dont elles rendent parfois compte sur leur compte X. Leurs conférences sont annulées, leurs contrats commerciaux sont dénoncés, leurs collaborations professionnelles prennent fin, leurs comptes sur les réseaux sociaux sont bloqués. Les « amis » s’éloignent. La famille, même, parfois, se détourne. Il ne faut pas sous-estimer l’intensité de l’épreuve de mise à mort sociale à laquelle elles sont soumises et qui ne vient que prouver, en acte, l’effectivité de ce qu’elles dénoncent : l’existence d’une tyrannie d’une poignée d’activistes trans qui ont juré de les faire taire. Ces lobbyistes ont des alliés objectifs, parfois très haut placés, comme elles l’analysent dans Transmania en mettant en lumière les soutiens qui sont les leurs, par exemple, aux Etats-Unis, au sein de l’appareil du parti démocrate. En France, la mairie de Paris, sans surprise, fait cause commune avec les trans et a obtenu le retrait des affiches promotionnelles de leur livre des rues de la capitale.

« E pur, si muove », aurait dit en d’autres temps Galilée. Les progressistes n’apprécieront peut-être pas cette analogie osée, mais il y a quelque chose de Galilée chez ces deux femmes. Les obscurantistes ne sont pas ceux que l’on croit. Elles ont largué les amarres avec la gauche dont elles sont issues et gardent le cap de la vérité. Elles savent d’autant mieux comment cibler leurs arguments qu’elles connaissent par cœur le milieu qui les attaque aujourd’hui. Elles découvrent qu’elles ont finalement en commun un certain nombre de valeurs et d’idées avec un système qu’elles ont combattu dans le passé. Pour Marguerite Stern, il s’agit d’une forme de « libération intellectuelle », et elle n’hésite pas à considérer que, d’une certaine manière, ces conservateurs qui ont ouvert la porte les ont aidées à devenir « meilleures » - ce sont ses propres mots. Etiquetées « transphobes » et TERFs, elles ont appris à se rire des étiquettes qu’elles ont pu, elles-mêmes, coller autrefois. Obsédées autrefois par une « tolérance » de façade, elles estiment, de fait, être devenues réellement tolérantes, et reconnaissent qu’il est en revanche strictement impossible de dialoguer avec une frange de la gauche de la gauche, qui ne connaît pas d’autre langage que celui de l’invective. Dora Moutot réalise a posteriori avoir, en fait, toujours été « un peu conservatrice » dans le fond – en fait, authentiquement libre. Elle n’a jamais cru aux injonctions faites aux femmes d’avoir une sexualité débridée, selon un pseudo-modèle masculin, et comprend avec le recul qu’il y a une vraie question de vision du monde derrière tout cela. La véritable révolution qui s’est produite chez elles deux est celle de l’abandon de la peur – peur d’être mal vues, peur d’être cataloguées d’extrême-droite, peur d’être ostracisées. « Avant j’avais peur d’être assimilée à la droite. Aujourd’hui, je n’ai plus peur », explique Dora Moutot.

Elles ne regrettent pas grand-chose de leur ancienne vie… et se disent fières de leur parcours, dans lequel elles lisent avant tout la continuité d’un engagement, qui s’exprime différemment. Marguerite Stern communique aujourd’hui plus volontiers sur les ravages de l’immigration incontrôlée et de l’islam militant en ce qu’elle menace les femmes occidentales, mais n’y voit pas de contradiction avec sa volonté farouche de défendre les femmes. C’est même, en quelque sorte, l’aboutissement logique de son combat pour la laïcité, contre les violences conjugales ou contre les violences sexuelles.

Depuis plusieurs semaines, le livre de Dora Moutot et de Marguerite Stern caracole en tête des ventes sur Amazon. Le commerce en ligne permet de contourner la censure opiniâtre des libraires qui cachent les livres ou refusent de les commander, et l’éditeur vient de lancer un deuxième tirage : un véritable message d’espoir. Empruntons à saint Jean le mot de la fin : la Vérité vous rendra libres (Jn, 8, 32).

L'article a été initialement publié sur The European Conservative.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !