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Les politiques ont-ils définitivement abandonné le fond pour la forme ?
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Editorial

Entre le clash Jean-Luc Mélenchon/Pierre Moscovici, et la demande de démission du Préfet de Paris par plusieurs personnalités politiques de droite suite à la manifestation de dimanche, les débats de fond sont éclipsés pour des questions forme.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Les images d’actualités du week-end - visionnées en boucle bien sûr, comme les chaînes « tout info » en banalisent l’habitude - donnent la même désagréable sensation que celle que procure une (forcément) longue soirée devant une mauvaise pièce de théâtre. La vacuité de l’intrigue et la médiocrité des comédiens laissent les spectateurs comme assommés, un peu désabusés.

Les deux premiers actes furent les polémiques déclenchées par les propos du Parti de Gauche à propos de Pierre Moscovici. Dans un discours qui se voulait enflammé, François Delapierre, responsable du « pôle bataille idéologique » du Parti de Gauche (sic) commence par classer le ministre de l’Economie parmi les « dix-sept salopards de l’Europe », en référence à l'attitude des dix-sept gouvernements de la zone euro à l'égard de Chypre.

Cette formule en clin d’œil au navet cinématographique « les 7 salopards » est, au-delà d’une belle illustration de l’inflation (la prochaine fois, nous aurons les « 9 petits nains », les « 12 doigts de la main » ou les « 14 piliers de la sagesse »…), conçue comme un pur outil de communication. Aussitôt le ministre de l’Intérieur Manuel Valls juge le propos « inacceptable ». Les médias sont passionnés. C’est mission accomplie pour qui souhaite éviter de débattre du fond et se cacher derrière des artifices de forme.

C’est ensuite au tour de Jean-Luc Mélenchon de s’en prendre à Pierre Moscovici. Et aussitôt, ce sont les propos prétendument antisémites du dirigeant du Parti de Gauche qui font polémique. Le premier secrétaire du PS Harlem Désir, suivi par une bonne partie des ministres du gouvernement, dénonce « une rhétorique de l'extrême droite des années 30 » lorsqu’il entend Jean-Luc Mélenchon affirmer que Pierre Moscovici « ne pense pas français, il pense finance internationale ». S’en suit un imbroglio politico médiatique. Arnauld Champremier Trigano, ancien responsable de la communication du candidat du Parti de Gauche pendant l'élection présidentielle, rappelle fort justement qu’il n’est pas possible d’accuser systématiquement d’antisémitisme quelqu’un qui attaque politiquement un adversaire sous prétexte que ce dernier « a des origines juives ou qu’il est juif ». Dans la foulée, l’AFP qui avait rapporté les propos de Jean-Luc Mélenchon, fait amende honorable et explique qu’en fait, elle avait mal entendue ! Les termes exacts employés par le patron du Parti de Gauche, bande sonore de son discours à l’appui, reprochaient à Pierre Moscovici "un comportement de quelqu'un qui ne pense plus en français, qui pense dans la langue de la finance internationale". Encore une fois, le débat sur la situation économique de la zone euro, sur les dérives mafieuses des banquiers chypriotes, sur l’inanité des pseudos solutions du Parti de Gauche et sur le risque de voir le prochain remède de cheval administré cette fois à la France, a été occulté.

Dernier acte, les images des militants anti-mariage pour tous bousculés par les forces de l’ordre en marge du grand rassemblement de dimanche. D’un côté, des citoyens probablement peu habitués à défiler qui découvrent que dans une manifestation, le CRS, il vaut mieux s’en méfier et plusieurs responsables politiques qui, à la façon de mauvais acteurs qui surjouent, réclament la démission du Préfet de Paris et voudraient donner le sentiment qu’on vient de vivre un nouveau Charonne. Aux dernières nouvelles, il n’y a pas eu le moindre blessé dimanche dernier. De l’autre côté, des sympathisants de gauche qui  applaudissent quand ils voient la police sortir les matraques (on croit rêver !) et ricanent face à l’expression de centaines de milliers de citoyens qui viennent de réunir coup sur coup les plus importantes manifestations de ces quinze dernière années en France. A l’arrivée, le débat de fond est encore une fois éclipsé.

Preuve que la forme a ce week-end totalement pris le dessus sur le fond : sur les réseaux sociaux, mes « amis » pro et anti-mariage pour tous utilisaient hier la même vidéo pour démontrer à quel point le camp adverse était brutal et manipulateur.

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