Derrière les livraisons de chars à l’Ukraine, un changement majeur des rapports de force en Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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La Pologne est un pays à part car elle veut se constituer en alternative à l’Allemagne en termes de blindés et de matériel lourd.
La Pologne est un pays à part car elle veut se constituer en alternative à l’Allemagne en termes de blindés et de matériel lourd.
©BARTOSZ SIEDLIK / AFP

Voix au chapitre

Les « petits » États sont parvenus à forcer la main des puissances de l’OTAN.

Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy est enseignant en géopolitique à l'Université Catholique de Lille, à l'Institut Supérieur de gestion de Paris, à l'école des Hautes Études Internationales et Politiques. Il est également président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). 

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Atlantico : Dans quelle mesure les « petits » Etats se sont-ils imposés depuis le début de la guerre en Ukraine ?

Emmanuel Dupuy : Il y a une différence entre les pays qui sont en train de se réarmer de manière considérable et les autres. La Pologne veut devenir la première puissance militaire européenne : ses dépenses militaires vont atteindre 4% du PIB. Dans ce pays qui n’avait pas la culture militaire, on essaye de supplanter les Allemands, même si l’investissement de 100 milliards de la part de l’Allemagne pour renforcer la Bundeswehr reste considérable.

Les petits Etats, à savoir les pays baltes, la Finlande et la Suède ont d’autres raisons. La Finlande et la Suède ont besoin de se renforcer avant d’entrer dans l’Otan, et donc d’américaniser leur système militaire. Ils entrent dans une stratégie visant à convaincre les Etats-Unis qu’ils sont interopérables avec les autres membres de l’Otan. Quant aux Etats baltes, ils ont grandement contribué au renforcement militaire de l’Ukraine. Donc ils ont besoin de reconstituer leurs stocks.

Dans l’ensemble, on constate bien qu’il y a une otanisation des systèmes militaires, qui peut sembler contradictoire avec une européanisation de la défense. L’idée selon laquelle le matériel européen permettra de renforcer les capacités militaires sur le territoire européen disparait. Les F-35 américains sont dorénavant vendus à toutes les forces aériennes européennes. Le système de défense Patriot vient remplacer les S-300, qui ne sont plus exploitables car cela reviendrait à acheter du matériel russe.

La Pologne avait mis une pression importante sur l’Allemagne et plus largement sur les Occidentaux concernant la livraison d’armes à l’Ukraine. Comment l’expliquer ?

La Pologne a déjà livré à l’Ukraine une soixantaine de chars de fabrication soviétique, les PT-91. Elle a passé récemment des contrats de 15 milliards avec la Corée du Sud pour des blindés ou encore 9 milliards d’euros avec les Etats-Unis pour les chars Abrams. En se libérant des Leopard 2 au profit des tanks américains, elle a ainsi mis la pression sur les Etats-Unis et l'Allemagne pour qu’ils s'investissent davantage dans la guerre en Ukraine. 

Tous ces Etats ont-ils la même stratégie ?

La Pologne est un pays à part car elle veut se constituer en alternative à l’Allemagne en termes de blindés et de matériel lourd. Quant aux pays baltes, ils veulent être les meilleurs élèves possibles en matière d’investissements pour la défense. La Lettonie, la Lituanie et l’Estonie sont déjà au-delà des 2% de leur PIB consacrés aux dépenses militaires. Et c’est à mettre en relief avant le prochain sommet de l’Otan à Vilnius en juillet prochain. Se posera alors la question d’une plus forte exigence en matière de dépenses pour la défense, avec un objectif de 3% du PIB.  

A quoi peut-on s’attendre à l’avenir ?

Ces pays auront de plus en plus voix au chapitre. L’Estonie a par exemple soutenu la France en Afrique en envoyant ses soldats dans le cadre de la mission antiterroriste “Takuba”.

De toute évidence, l’Otan va se “baltiquiser” avec une focale autour de la mer Blanche, de la mer du Nord et de la mer Baltique avec l’arrivée de la Finlande et sans doute de la Suède dans l’Otan. Il y aura alors dans ces zones davantage de soldats de l’Otan et d’exercices navals qui impliqueront ces pays en question.

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