Derrière le dépôt de plainte refusée à Blois, l'échec de l'appareil judiciaire <!-- --> | Atlantico.fr
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A Blois, une jeune femme âgée 24 ans a été frappée par son ex-compagnon avant d'être retrouvée inconsciente dans le hall de son immeuble.
A Blois, une jeune femme âgée 24 ans a été frappée par son ex-compagnon avant d'être retrouvée inconsciente dans le hall de son immeuble.
©PATRICK KOVARIK / POOL / AFP

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L’affaire de la jeune femme à qui on a refusé un dépôt de plainte à Blois pour violence conjugale met en lumière un problème beaucoup plus vaste.

Jean-Marc Fedida

Jean-Marc Fedida

Jean-Marc Fedida est avocat au barreau de Paris. Egalement essayiste, il est l'auteur de Impasses de Grenelle : De la perversité écologiste (Editions Ramsay, 2008).

 

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Atlantico : A Blois, une jeune femme âgée 24 ans a été frappée par son ex-compagnon avant d'être retrouvée inconsciente dans le hall de son immeuble. Auparavant, cette même jeune femme s'était présentée au commissariat de Blois pour déposer une plainte contre son ancien compagnon, sans succès. Comment en sommes-nous arrivés là ? A quel point le dépôt de plainte est-il difficile en France ?

Jean-Marc Fedida : Le dépôt d’une plainte n’a à vrai dire rien de compliqué, son processus est encadré par des dispositions claires et précises du code de procédure pénale. Il reste que l’efficacité du dépôt d’une plainte est réellement tributaire de la capacité matérielle d’écoute du service de police ou de gendarmerie qui le reçoit. Et il est vrai que pour parfois de bonnes et parfois pour de mauvaises raisons, les réactions ne sont pas toujours les mêmes et pas toujours à la mesure du besoin exprimé par le ou la plaignante.

En France, certaines plaintes sont-elles plus difficiles à déposer que d’autres? Si oui, lesquelles ?

Les plaintes déposées entre les mains des services d’enquêtes ne peuvent aboutir que si elles portent sur des faits simples avec des auteurs clairement désignés que les officiers de police judiciaires peuvent résoudre avec un minimum de diligence. Les plaintes complexes ou nécessitant des investigations plus longues sont plus généralement réservées aux services du procureur de la République plus à même de discerner l’intérêt d’ouvrir une enquête.

Au gré de la politique pénale, des faits divers, l’attention des services de police et / ou de gendarmerie est alertée sur certains types de plaintes pour lesquels l’opinion attend une réaction plus diligente et énergique. Ce qui paraît incompréhensible dans la procédure – dont j’ignore tout – qui aurait eu lieu à Blois c’est bien qu’elle porte sur des faits de violences conjugales pour lesquels l’attention des pouvoirs publics a été de nombreuses fois attirée. Il faut donc à ce stade faire preuve de prudence et attendre avant de dénoncer un traitement désinvolte ou bâclé d’avoir plus d’information sur les circonstances des faits.

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Au-delà des cas particuliers, quelle est l’origine du problème global ? Manque de formation ? Manque de moyens ? D'autres raisons ? 

Oui tout cela à la fois, mais avant tout et au-delà du cas particulier, il convient de se poser la question de l’efficacité de la chaîne pénale qui conditionne sa réactivité et son efficacité. L’action de la police est encadrée dans des règles très contraignantes et bien souvent le respect nécessaire de la loi leste de façon très significative l’action des forces de l’ordre. Il faut s’interroger sur cela et peut-être envisager une simplification de l’encadrement de l’action de la police. Là où la chose devient complexe, c’est que cette simplification ne peut pas se faire sans prendre garde aux droits des personnes suspectées d’une infraction.

Je fais partie de ceux qui au-delà d’une police de proximité appelle à une justice de proximité par la mise en place d’échelons de magistrats au contact direct des justiciables à même et en mesure de pouvoir intervenir rapidement et d’ordonner les mesures avec célérité, discernement et un souci d’adaptation à la situation de fait. Pourquoi ne pas favoriser ces contacts entre les juges et les justiciables, à rebours de ce que l’on voit de l’éloignement ressenti de l’appareil judiciaire des usagers du service public de la justice.

Y-a-t-il un problème de productivité dans la gestion des effectifs policiers qui pourrait expliquer ces résultats?

Il ne faut pas se masquer les yeux. Les faits tels qu’ils sont rapportés par la presse à Blois ne constituent pas – s’ils sont avérés – l’échec de la police mais bien celui de l’ensemble de l’appareil judiciaire. Celui du procureur de la République, sans oublier ceux du barreau qui n’a pas – non plus – et semble-t-il été en mesure d’apporter des solutions au service de cette personne.

Il paraît trop simple de ne s’en prendre qu’aux services de police, interrogeons tout l’ensemble des professionnels dont c’est le mêtier d’intervenir sur ce type de situation.

Est-il possible qu’il y ait une volonté de masquer les statistiques pour répondre à des consignes officielles ? 

Je n’ai aucune information à cet égard, si ce n’est cette banalité que la gestion des statistiques  - même si elles ne sont pas faites pour cela - peut conduire à de véritables aberrations.

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