Derrière la découverte d’Homo Naledi : les 41 années qui ont tout changé de ce que nous savons de l’origine de l’homme<!-- --> | Atlantico.fr
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Une nouvelle espèce du genre Homo a été trouvée dans une grotte d'Afrique du Sud, celle d’Homo Naledi.
Une nouvelle espèce du genre Homo a été trouvée dans une grotte d'Afrique du Sud, celle d’Homo Naledi.
©Reuters

Berceau de l'humanité

Une nouvelle espèce du genre Homo a été trouvée dans une grotte d'Afrique du Sud. Une découverte qui s'inscrit dans une succession de trouvailles sur l'Homme, qui, chacune, ont remis l’état de nos connaissances en question.

Atlantico : Découverte en 1974 par une équipe de chercheurs américains, français et éthiopiens, Lucy a été fondamentale à notre compréhension du processus ayant amené l'homme à se mouvoir debout. Depuis cette année, quelles ont été les principales découvertes en paléontologie humaine ? Qu'est-ce qui a changé dans notre connaissance de nos ancêtres depuis 1974 ?

La découverte de Lucy (Australopithecus afarensis) est surtout marquante parce que son squelette était presque complet. Auparavant, en Afrique orientale et australe, on connaissait déjà plusieurs espèces d’australopithèques (A. africanus, Paranthropus boisei, P.  robustus,P. aethiopicus) dans le créneau de 2 à 4 millions d’années (le premier découvert en 1924). Mais récemment, notre arbre généalogique, un buisson touffu en fait, s’est enrichi énormément. D’abord, grâce au Pr Brunet, la découverte d’un autre australopithèque (A. bahrelghazali)  dans une région inattendue, le Tchad, puis toujours au Tchad, celle du témoin le plus ancien de la lignée humaine, le Sahelanthropus (Toumai), vieux de 7 millions d’années. Il y a aussi un autre fossile bipède un peu plus jeune, Orrorin, trouvé par Brigitte Sénut, du Muséum, au Kenya, et un autre genre,  l’Ardipithecus,  (A. kadabba et ramidus) daté entre 5,5 et 4 millions d’années, en Ethiopie.

On compte aussi des fossiles plus récents, comme le Kenyanthropus et de nouveaux australopithèques (A. anamensis, garhi,  deyiremeda) dont l’un, sediba, autour de 2 millions d’années, découvert, tout comme le nouvel Homo naledi, par Lee Berger en Afrique du Sud, présente un mélange de caractères archaïques et évolués caractéristiques de ce qu’on appelle une évolution en mosaïque. Il s’en dégage donc un tableau beaucoup plus complexe qu’une simple évolution linéaire, mais qui ne doit pas faire perdre de vue que ces espèces, toutes africaines, ont pu être interfécondes et témoigner du glissement progressif du genre Australopithecus vers le genre Homo, notre famille (nombreuse ! Homo habilis, H. rudolfensis, H. gautengensis, H. ergaster, H. erectus), avec cependant des fossiles disparus sans descendance, tels les australopithèques robustes. D’autres surprises récentes ont marqué la paléoanthropologie, notamment les crânes vieux de près de 2 millions d’années trouvés à Dmanisi, en Georgie, qui représentent une des premières migrations des Homo erectus hors d’Afrique et gardent quelques caractères australopithécoïdes, et l’Homme de Florès, en Indonésie, contemporain de notre Homme de Cro-Magnon, donc daté d’une vingtaine de milliers d’années seulement, mais qui présente lui aussi des caractères extrêmement archaïques et apparaît comme le reliquat d’une évolution ancienne séparée du reste de l’humanité. 

Dominique Grimaud-Hervé : La succession des découvertes est le fruit du hasard.. en fonction des terrains de chacun. Chaque découverte apporte des informations, pose des questions, ou chamboule nos connaissances sur la compréhension de l'évolution de l'Homme. 

Celle de l'Homme de Flores nous a appris qu'il y avait une évolution sur place de l'Homo erectus, que celui-ci s'était adapté en fonction de son environnement sur cette île de Flores, c'est ce que l'on appelle l'évolution endémique insulaire dont on connaissait les effets sur la faune mais que l'on a découvert ici sur l'Homme. 

La découverte de Dmanissi en Géorgie est importante parce que ce sont les plus anciens hominines trouvés hors d’Afrique, datés de 1.8 million d’années, jusque-là on pensait que c’était l’Homo ergaster (= Homo erectus africain) qui était sorti d’Afrique le premier, mais avec la grande variabilité morphologique du crâne et de la mandibule de ces 5 individus, on s’est aperçu que finalement, ça devait être l’Homo habilis qui était l’auteur de cette première sortie ! Ce gisement est important car il se trouve au carrefour entre l’Afrique et l’Asie et on a pu observer que les hommes de Dmanissi montrent pour certains des caractères morphologiques qui seront retrouvés sur les Homo erectus asiatiques. Donc, peut-être qu’ils en sont les descendants ? ou peut être viennent-ils d’Afrique et sont-ils passés par un autre chemin le long duquel encore aucun site n’a été découvert ?  En bref, il n’y a pas eu quelques sorties d’Afrique, mais de très nombreuses, certaines ayant laissé des témoins archéologiques (outils taillés en pierre, os de faune avec des traces de découpe, restes humains) et d’autres certainement pas. En fait, on ne raisonne que sur ce que l’on trouve, mais il faut replacer ces découvertes dans un contexte plus large et ne négliger aucune hypothèse.

La région d’Atapuerca en Espagne : Plus ancien fossile en Europe (1.2 million d’années, site de Elefante). Un fragment de mandibule sans menton mais qui n’est pas oblique vers l’arrière comme les Homo erectus. Donc, peut être un ancêtre des Hommes modernes et des néandertaliens ? Toujours à Atrapuerca, à 800 000 ans (gisement de Gran Dolina), des restes avec des traces de découpe qui démontrent un cannibalisme. Encore à Atapuerca, le site de la Sima de los Huesos, découverte de squelettes de 28 individus au fond d’un gouffre, sans industrie ni faune avec juste un magnifique biface en quartzite rose non utilisé, donc une offrande. Rituel funéraire à 430 000 ans.

Comment nos connaissances ont-elle évoluées ?

Les découvertes depuis 20 ans sont très nombreuses et ont bousculé l’état de nos connaissances en question à chaque fois !

Plusieurs découvertes d’espèces d’Australopithèques.. (sediba, deyiremeda ..), contemporaines d’espèces du genre Homo,  qui confirment que l’évolution n’est pas linéaire mais buissonnante, que donc plusieurs espèces sont présentes en même temps !

La découverte du gisement de Dmanissi en Géorgie avec 5 individus qui montre que c’est certainement l’Homo habilis qui est sorti d’Afrique et non pas l’Homo ergaster comme on le pensait !

Un autre exemple avec la découverte de l’Homme de Florès en Indonésie dont les datations sont comprises entre 90 et 18 000 ans, contemporain du néandertalien en Europe, de l’Homme moderne en Afrique et au Proche-Orient ou encore des derniers Homo erectus en Indonésie sur l’île de Java en Asie insulaire. Là encore, un petit bonhomme de 1m de stature, avec un cerveau gros comme celui d’un chimpanzé, découvert avec des traces de foyers et une industrie élaborée.. qui vivait en même temps que ces autres espèces dans d’autres continents !

Qu'est-ce que cette découverte apporte comme nouvelles informations ? En quoi cette découverte est-elle surprenante ?

Plus de 1500 ossements ont été découverts dans la grotte de Rising star en Afrique du Sud par l’équipe du Pr Lee Berger. Ils correspondant à environ une quinzaine d’individus et ont été trouvés au fond d’une grotte qui n’est pas un lieu d’habitat et est inaccessible. Pourquoi se trouvent-ils là ? Comment cela peut-il être interprété ?

La très bonne préservation des os, qui représente l’ensemble du squelette met en évidence que les corps étaient entiers et que la désarticulation a eu lieu sur place ; que certainement les cadavres ont été déposé ? ou jeté ? peu de temps après leur mort..  (Cela fait penser au gisement espagnol de la Sima de los Huesos à Atapuerca où un rituel funéraire a été mis en évidence avec les restes de nombreux individus associé à un magnifique biface en quartzite rose non utilisé et donc interprété comme une offrande.) A Rising star en Afrique du sud, il n’y a aucune offrande, juste quelques rares ossements d’oiseaux et de souris, certainement de passage. Aucune trace de morsures de carnivores qui auraient tué ces hommes, ni de charognage d’animaux qui les auraient transporté à cet endroit? pas de piège naturel non plus, ni de transport par l’eau.. La seule hypothèse reste donc un geste funéraire.. mais qui serait très surprenant puisque ces ossements seraient très anciens, il a été suggéré entre 2 et 3 million d’années par les découvreurs..

Sommes-nous susceptibles de réaliser d'autres découvertes qui formuleraient de nouvelles hypothèses sur nos origines ?

Tout à fait. Des découvertes sur l’ancêtre commun des singes et de l’Homme nous apprendraient beaucoup sur l’origine du buisson évolutif de l’Homme.

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