Dépendances affectives dès le berceau : le très complexe équilibre parents-enfants <!-- --> | Atlantico.fr
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L’importance de la présence maternelle au côté du bébé ne doit pas pour autant éclipser celle du père.
L’importance de la présence maternelle au côté du bébé ne doit pas pour autant éclipser celle du père.
©Reuters

Bonnes feuilles

Avec des témoignages riches et éclairants, ce livre met au jour les origines familiales et généalogiques des dépendances affectives : accaparement de l'enfant par le parent, emprise, désamour, violence et abus, traumatismes transmis de génération en génération... Surtout il nous invite à mobiliser les ressources dont nous disposons pour accéder à la liberté d'être soi. Extrait du livre "Les dépendances affectives", de Véronique Berger, aux Editions Eyrolles (2/2).

Véronique Berger

Véronique Berger

Véronique Berger est psychanalyste. Après une longue pratique en milieu institutionnel, elle exerce depuis plusieurs années en libéral auprès d'adultes et de couples. Elle est membre de l'Association européenne Nicolas Abraham et Maria Torok.

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Tout petit l'enfant voue un attachement spontané et entier à ses parents dont l’attention et l’affection s’avèrent pour lui essentielles. À cet égard, il mettra en oeuvre tous les moyens dont il dispose pour rendre les parents présents à lui et à son besoin d’amour. Mais si l’attachement filial apparaît comme une constante chez les jeunes enfants, l’affection des parents pour leur progéniture ne relève pas de l’inné et, pour certains d’entre eux, ne parviendra jamais à entrer dans le domaine de l’acquis.

La perte ou l’absence d’amour ressentie par l’enfant de la part de son entourage, et en particulier de ses parents, s’apparente alors à un vécu catastrophique, difficilement acceptable et assimilable. Elle cause des blessures profondes, souvent indélébiles. Abandon, désaveu, désaffection, chagrin, colère, humiliation, exil, repli et désespoir se côtoient en une cohorte fantomatique qui hante le sujet jusque dans sa vie adulte. Le développement de ses sentiments de confiance et d’estime de soi, ainsi que l’accès à son autonomie et son individuation, s’en trouve profondément altéré, compromettant ainsi ses facultés à s’établir dans une relation suffisamment dense et vivante aux autres.

Les formes de désamour sont nombreuses et variées. Il ne s’agit donc pas d’en dresser une liste exhaustive. Je propose d’en présenter quelque facettes à partir de deux principaux axes de réflexion : grandir avec un parent absent et vivre au côté d’un parent violent.

L’absence peut se décliner sur différents registres, de l’absence physique  l’absence "psychique" où le parent, bien que physiquement présent reste déconnecté de la réalité psychique et affective de son enfant.

Quand le parent disparaît

La présence physique des parents est bien entendu essentielle pour l’enfant. La tragédie que représente la perte précoce d’un parent, véritable cataclysme pour l’enfant, en constitue d’ailleurs le témoignage le plus patent et le plus poignant. Si cette forme de présence au fil de notre vi d’enfant, d’adolescent, et même d’adulte recèle son importance, je souhaiterai avant tout insister sur sa part primordiale dans les premiers temps de la petite enfance.

Une présence fondamentale

La présence physique de la mère (ou de son substitut) constitue en effet la première assise fondamentale sur laquelle le bébé va prendre appui pour établir et faire grandir en lui le sentiment de son existence dans la continuité. Cette présence – conjuguée à la disponibilité suffisamment vivante et adaptée de la mère – va ainsi permettre au nourrisson d’intérioriser l’image de sa mère, puis d’intégrer peu à peu le sentiment de l’existence de celle-ci en dehors de sa présence.

Toutefois, comme Winnicott le souligne, cette capacité du tout-petit à intérioriser la présence maternelle n’est que de courte durée, et nécessite le rétablissement de sa présence physique dans un délai raisonnable sans lequel cette image intériorisée "s’efface". À défaut, l’absence prolongée de la mère produit une cassure dans l’édification, encore très fragile chez le nourrisson, du sentiment de la continuité de son existence propre.

L’absence physique de la mère, devenue interminable pour le bébé, le plonge alors dans des vécus de chaos et de discontinuité s’apparentant à des expériences de folie. N’étant pas en mesure d’intérioriser la présence de sa mère, l’enfant ne pourra pas "jouer avec l’absence", selon l’expression de Nicholas Rand. De même, les temps de séparation seront pour lui signe d’insécurité profonde et l’accès à son autonomie compromis.

L’enfant deviendra en quelque sorte accro à la présence physique de sa mère faute d’avoir pu la vivre en suffisance et de l’avoir intériorisée en retour.

Nicholas Rand insiste sur l’importance primordiale, dans les tout premiers mois de la vie, de "la constance de l’entourage familial" et tout particulièrement de la "présence maternelle" permettant au bébé de faire sien l’enveloppe maternelle protectrice et de s’approprier les bases indispensables à la conquête de son autonomie. Mais l’importance de la présence maternelle au côté du bébé ne doit pas pour autant éclipser celle du père. G. Corneau le rappelle dans son travail sur les pères "manquants" et souligne la part primordiale de la présence paternelle (ou d’un substitut paternel) auprès des fils au cours des deux premières années de leur existence.

Citant des études menées aux États-Unis et en Norvège, l’auteur rapporte que tous les garçons en difficulté sur qui portaient lesdites études "avaient en commun d’avoir souffert de l’absence du père pendant les deux premières années de leur vie". D’autre part, il constate chez ces fils précocement en manque de père des carences comparables à celles des "orphelins placés dans des foyers d’accueil inadéquats ou chez les fils de familles monoparentales élevés en vase clos et manquant dès lors de substituts paternels».

Ainsi, bien que la présence physique des parents à elle seule ne suffise pas au bon développement psychique et affectif de l’enfant, elle n’en constitue pas moins la base première sur laquelle pourront se déployer les qualités et compétences parentales (attention, empathie, accompagnement, etc.) qui, à leur tour, serviront d’appui à l’enfant dans son chemin d’apprentissage et de croissance humaine.

L’absence physique du parent n’est donc pas sans conséquence et l’intensité de son impact sera à la mesure de sa durée et de la précocité à laquelle elle est intervenue.

Extrait du livre Les dépendances affectives, de Véronique Berger, publié aux Editions Eyrolles

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