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Démission d'Emmanuel Macron : le jeune homme qui plaisait aux vieux
©RTL

Opération séduction

Souhaitant vraisemblablement se lancer dans la course à la présidentielle pour 2017, Emmanuel Macron s'apprête à remettre sa lettre de démission cet après-midi à François Hollande. Outre les qualités que les Français lui reconnaissent, la sociologie électorale du ministre de l'Economie, parangon du renouveau en politique (ou du moins présenté comme tel) traduit un fait : son argumentaire fait davantage mouche chez les seniors que chez les jeunes.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : 77% des plus de 65 ans jugent qu'Emmanuel Macron est "compétent" quand 51% des 18-24 ans estiment qu'il ne l'est pas. Comment expliquer que le désormais "ex" ministre de l'Economie, présenté comme le chantre d'un renouveau politique, remporte paradoxalement une telle adhésion chez les plus âgés ?

Jérôme Fourquet : Il est intéressant de noter que les résultats relatifs aux qualités du ministre de l'Economie ne varient pas énormément (quelques points seulement) selon les CSP, ce qui est assez surprenant. Le clivage partisan ne se retrouve pas tout à fait. En revanche, il y a clairement une divergence au travers du prisme générationnel. Plus on avance en âge, plus on a un jugement positif sur Emmanuel Macron. C'est évident sur la compétence – et cela se traduit de façon linéaire – bien que ce soit légèrement moins accentué sur sa potentielle sympathie. Les moins de 35 ans ne sont que 43% à estimer qu'il est différent des autres responsables politiques quand 74% des 65 ans et plus en sont convaincus. La capacité à rassembler se voit également davantage chez les seniors que chez les autres et il est jugé plus proche des préoccupations des Français par cette même catégorie de population (38% chez les moins de 35 ans contre 49% chez les plus de 65 ans). 

De la même façon qu'il est soutenu massivement par les centristes, il l'est aussi par les générations les plus âgées… alors même que l'image qu'il véhicule – de même que la stratégie qu'il poursuit – insiste fortement sur sa jeunesse. Il est logique de penser qu'Emmanuel Macron correspond donc à une personne jeune qui rassure les seniors, sans pour autant que les jeunes ne s'identifient massivement à lui. Son image n'est pas non plus mauvaise auprès des populations les plus jeunes, mais elle fonctionne clairement mieux auprès des plus âgés. Le style qui est le sien, ses valeurs, tout cela est de nature à parler d'abord à l'électorat le plus âgé, en attente d'une certaine transformation économique ; progressive et consensuelle. C'est probablement en réponse à ce genre d'attente que vient l'idée d'un rassemblement trans-partisan, mis en avant dans la présentation de son collectif "En marche !". Ce genre d'idée ; l'image qu'il dégage, tout cela parle bien plus aux personnes âgées qu'aux jeunes générations.

>>> A lire aussi : 63% des Français jugent qu’Emmanuel Macron est compétent mais seulement 40% qu’il est proche de leurs préoccupations et 53% adhèrent à l’idée qu’Alain Juppé le nomme Premier ministre s’il était élu

A l'inverse, les plus jeunes lui préfèrent une personnalité comme Manuel Valls. En évoquant la suppression de l'impôt sur les grandes fortunes (Isf) au profit d'une augmentation des droits de succession, Emmanuel Macron ne donne-t-il pas en effet des gages à l'électorat le plus âgé et aisé au détriment des jeunes ?

Il rêve que tous les jeunes espèrent devenir millionnaire, mais la pyramide des âges assujettis à l'ISF n'est effectivement pas très jeune. Je ne suis pas convaincu que vouloir supprimer l'ISF se fasse au détriment des jeunes. En outre, toute génération confondue, il y a un rejet viscéral de l'augmentation des droits de succession dans la société française. Ils sont perçus comme fondamentalement injustes, en dépit du fait que la grande majorité des successions ne sont pas assujetties à cette taxe. Revenir là-dessus lui permettrait de tenir une position potentiellement perçue comme iconoclaste et courageuse. Au regard des chiffres des sondages dont nous disposons, cette position me semble risquée tant vis-à-vis des jeunes que des seniors.

En affirmant que Mme Merkel a raison de promouvoir l'accueil des réfugiés en provenance du Moyen-Orient, la qualifiant de "héros", Emmanuel Macron n'utilise-t-il pas les codes d'un monde aujourd'hui dépassé ? 

J'ignore si c'est proprement dépassé. La société française, sur les questions relatives à l'immigration comme sur d'autres, est divisée. Revenons aux débuts de la campagne présidentielle de 2012, fin 2011 donc, quand Jean-Louis Borloo avait fait un tour de piste avant de se présenter. Il avait rappelé l'état de la France – coupée en deux. Selon lui, un pan de celle-ci avait peur de l'Europe, de l'immigration, se dressait contre ce genre de possibilités. Il a expliqué vouloir parler à l'autre moitié, dont on trouvait selon lui des pans à gauche comme à droite. Nous sommes dans une situation similaire, à ceci près que le rapport de force est moins clair. Il est déséquilibré, certes, mais cela ne signifie pas pour autant être dépassée, surtout quand il s'agit de parler à une France réformiste et modérée, qui continue d'exister même si son influence diminue et qu'elle n'est plus totalement majoritaire.

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