Défis au béton : ces irréductibles Chinois propriétaires de maisons clous<!-- --> | Atlantico.fr
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Une "maison-clou" de Shenzhen
Une "maison-clou" de Shenzhen
©Reuters

Ils résistent encore et toujours

Depuis plusieurs années, des Chinois expropriés se battent pour maintenir leur maison au milieu de vastes chantiers. Une façon pour eux de lutter face à la pression immobilière et de revendiquer leur propriété privée.

"Si vous ne pouvez pas construire dessus, construisez autour." Voilà un proverbe chinois très répandu parmi les promoteurs du vaste pays asiatique. Ils ont d'ailleurs inventé un autre terme : la "maison-clou," un bâtiment planté au milieu d'un chantier comme un clou fixé au milieu d'une planche de bois. En Chine, les exemples sont légions depuis plusieurs années et pourraient même prêter à sourire, comme lorsqu'on observe ce petit immeuble de 6 étages, esseulé au cœur du quartier d'affaire de Shenzhen, l'une des plus grandes villes de Chine. Seule une petite route de béton abimée et la présence des habitants aux fenêtres permettent de se rendre compte que la vie continue, alors que la mauvaise terre et le sable s'étalent sur des centaines de mètres autour de ce "clou". Après une résistance de plusieurs années, l'immeuble a fini par être rasé.



Dans la province de Zhejiang, la situation était même clairement ubuesque. Une route flambant neuve, construite en 2012 devait passer à travers un quartier d'habitation. Les immeubles ont bien été rasés, sauf celui d'un couple de personnes âgées, bien décidé à ne pas bouger. Résultat, les promoteurs ont simplement contourné le bâtiment pour réaliser un rond-point improvisé autour de l'immeuble défraichi. Le goudron entoure sans soins l'unique poteau électrique qui alimente cette "maison-clou"  en électricité. "Je veux juste qu’ils nous donnent une autre maison," expliquait à l'époque l'habitant à Euronews. "Ils peuvent construire, ailleurs, une maison de la même taille que la nôtre et décorée de la même façon. C’est tout ce que je demande."  Sa maison a finalement été détruite au bout de quelques mois et le couple a été relogé ailleurs.




Au nord du pays, dans la province de Shanxi, un petit îlot de terre, entouré par les échafaudages, est longtemps resté le dernier carré de nature d'un quartier moderne en développement. Cette fois-ci, pas de maison, mais une vieille stèle et le défunt qui repose dessous. Pendant plusieurs mois, le promoteur n'a jamais réussi à déloger la tombe. La famille recevra finalement 120 euros de compensation contre le déménagement de la stèle et du cercueil.

A Nanning, à quelques encablures de Hong-Kong, c'est une vieille maison de briques, sans étages et dont la toiture s'effiloche, qui trône en travers d'une route, coincée entre deux énormes barres. Selon le Telegraph, il s'agit de la dernière "maison-clou" de Chine. Le pavage soigné s'arrête aux bords de la propriété où l'habitant continue de faire pousser ses légumes. Pour lui, comme pour tous les autres "résistants", les dédommagements proposés par les promoteurs sont dérisoires.




Et ces exemples se sont multipliés dans tout le pays, depuis 2007. Auparavant, les promoteurs ne faisaient pas de détails. "Quand les promoteurs immobiliers voulaient une parcelle, les habitants étaient contraints de déménager. S'ils refusaient, les promoteurs avaient recours à la violence," affirme un internaute chinois anonyme, se plaignant de la situation de son pays sur un forum du site Xinhuanet.com. En 2004, un couple chinois charismatique avait décidé de s'opposer à ces pratiques. Pendant trois ans, ils ont réussi à s'y maintenir, coûte que coûte, au milieu d'un vaste chantier. Depuis leur petite maison juchée sur un bloc de terre, dernier vestige du quartier où il vivait, ils avaient obtenu une célébrité internationale et éveillé els consciences sur les problèmes de la propriété privée, inexistante en Chine. Après trois ans de combat, ils obtiennent gain de cause. Non seulement ils sont relogés dans une maison à 400 000 euros, une somme énorme pour des Chinois, mais ils obtiennent surtout une réaction du gouvernement chinois qui décide de consacrer, enfin, le droit à la propriété privée, en 2007.



Et cette protestation a fait tache d'encre. Les "maisons-clous" sont devenues le symbole de la résistance à la pression immobilière. Dans les quatre coins du pays, les habitants refusent les compensations très faibles que les promoteurs le promettent. Ces derniers ne peuvent plus raser les habitations mais n'hésitent plus à construire autour pour maintenir une pression constance contre les récalcitrants. "Pour empêcher la démolition de leur logement, les propriétaires ont parfois recours à la violence" raconte Le Monde. "Certains se sont immolés par le feu en signe de protestation, d'autres embauchent un garde présent vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour empêcher les bulldozers d'intervenir." En 2008, un couple a même envoyé des cocktails Molotov contre les bulldozers qui menaçaient leur résidence. Une par une, les maisons finissent par être détruite mais les retards de constructions obligent souvent les promoteurs à dépenser bien plus que prévu pour obtenir la parcelle de terre covoitée. Restent les images qui témoignent de cette lutte du faible contre le fort et qui a permis à la Chine de se doter finalement d'un sérieux droit de la propriété.









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