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Emmanuel Macron lors de la présentation ses objectifs pour la protection de l'environnement à l'horizon 2030.
Emmanuel Macron lors de la présentation ses objectifs pour la protection de l'environnement à l'horizon 2030.
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

PENSEURS D’HIER, POLITIQUES D’AUJOURD’HUI : LA CHRONIQUE D’ISABELLE LARMAT

La sobriété énergétique est à ce prix.

Isabelle Larmat

Isabelle Larmat est professeur de lettres modernes. 

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Pour le troisième épisode de la série de l’hiver : « Sobriété énergétique », c’est Molière qui a donné un coup de main aux scénaristes. Nos gouvernants ont su associer au cynisme de « Dom Juan », la bouffonnerie du Scapin des « Fourberies ». Chapeau, les artistes ! 

Tout est parti de la circulaire envoyée aux préfets par Élisabeth Borne, la semaine dernière. Elle leur demandait de préparer « dès à présent » un « plan départemental pour anticiperd’éventuelles coupures et promouvoir les mesures de sobriété » (C’est allé très vite : j’ai immédiatement trouvé porte close chez mon caviste ; j’y allais chercher un peu de réconfort.) Il fut alors question des « délestages »« mesures exceptionnelles, mises en œuvre en dernier recours par les gestionnaires du réseau électrique ». Qu’on se rassure sur un point : avec toute cette histoire, nos futurs bacheliers auront, nonobstant leur propension naturelle à se délester de tout vocabulaire, appris le sens d’un mot. 

Olivier Véran souffla alors sur les braises pour attiser l’angoisse des Français à défaut « d’allumer le feu ».« Il se pourrait que cette année, et je veille ici à l’usage duconditionnel, la production et la demande en électricité ne soient pas totalement alignées certains jours de grand froid ». Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites ! Les probables victimes de ce que tout le monde n’appela plus que « délestages » furent alors listées comme naguère on le fit des « produits non essentiels ».

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Lundi soir, le porte-parole d’Enedis, invité de BFMTV et visiblement délesté et de sa sensibilité comme de son cerveau, précisa la situation. Selon les consignes reçues, les personnes placées sous respirateur artificiel à domicile étaient : « nonprioritaires » et par conséquent « éventuellement délestables ». Comme chacun sait que nul n’est prophète en son pays, souhaitons alors que ce triste sire ait été convié à porter sa parole ailleurs et qu’Enedis a pu s’essayer, avant l’heure, au « délestage. »

Nous autres Français, nous nous sentons ici semblables au seigneur Géronte, affolés par la situation. Comme lui, dupés par Scapin (Le gouvernement agit vis- à -vis de nous comme le fait le rusé valet avec son maître), nous avons la tête dans le sac et nous nous en remettons à un pouvoir qui nous affole sciemment pour mieux nous contrôler. Nous voici, entre ses mains, ballotés dans un sac qui nous contient, tel celui que le valet a chargé sur ses épaules et qui dérobe Géronte aux regards. Les Fourberies deScapin »,Acte III scène 2)

Comme on l’a vu avec le Covid, la peur rend le peuple docile, ductile et malléable. 

Scapin (le gouvernement)

(…)Je vous chargerai sur mon dos comme un paquet de quelque chose et vous porterai ainsi au travers de vos ennemis, jusque dans votre maison, où, quand nous serons une fois, nous pourrons nous barricader (…)Cachez- vous voici un spadassin qui vous cherche.

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Et nous autres, si on claque des dents comme autant de chevaux hongrés, on connaît pourtant l’air de ce qui se trame, tout comme la chanson. Tout sonne bel et bien comme dans la récente série : « Nous sommes en guerre ». Il ne faudrait pas, non plus, nous prendre pour des buses. D’autant plus que, pour le coup, les experts, las de l’incompétence du gouvernement (notamment) en matière d’énergie, sortent du bois et se relaient pour la dénoncer. Ainsi, Yves Bréchet, ancien Haut- commissaire à l’énergie atomique n’a pas hésité à déclarer, lors de sa récente audition devant les députés et sans mâcher ses mots : « la politiqueénergétique du gouvernement a été décidée par un canard sans tête ».Loïk Le Floch-Prigent, lui, s’est exprimé dans une longue interview donnée à Atlantico, dimanche 4 décembre : « En tant qu’ancien patron de GDF, je peux vous dire, que le plan du gouvernement face aux coupures d’électricité n’en est pas un ». Il a du reste précisé : « On rejoue un peu le Coviddans cette histoire. Le consommateur individuel est très marginal et a déjà beaucoup pris de mesures d’économies dans sa vie quotidienne ». Pour Loïk Le Floch-Prigent : « Il n’y a pas deplan, il y a des paroles sans action véritable. »

C’est alors que notre Intermittent de la République (Dont on évitera de commenter l’empreinte carbone et dont on a du mal à suivre les pérégrinations à l’international.) est entré en scène. Lors d’une escale à Tirana, notre théâtreux a donné sèchement la réplique à son gouvernement. Était-il fâché par la parole alarmiste de ses troupes (dont on peut penser qu’il a eu connaissance et qu’il l’a orchestrée) ? Se voulait il apaisant de peur que la situation ne lui échappe ? Les deux interprétations se tiennent. 

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On a quand même la fâcheuse impression qu’on navigue à vue, et ce, depuis un bon moment. Le verbe haut, donc, et la parole creuse, semblant débarquer, le Président a recadré ses troupes. « Ce débat est absurde. Le rôle des autorités publiques ce n’est pas de transférer la peur ni de gouverner par la peur. Le rôle du gouvernement, des ministres, des opérateurs, c’est de faire leur travail pour fournir de l’énergie, c’est tout. Ce n’est pas de commencer à faire peur aux gens avec des scénarios absurdes et des choses comme celles que j’ai entendues ces dernières heures. N’oubliez pas, précisa -t-il, de « déroulez la sobriétéénergétique. »  Si, au passage, on peut m’explique ce que « dérouler la sobriétéénergétique » signifie, je veux bien. 

On aura bien sûr reconnu notre Déclamant de la République dans le rôle de Dom Juan (Acte V, scène2).

« Que si je viens à être découvert (…) Je m’érigerai en censeur des actions d’autrui, je jugerai mal de tout le monde, et n’aurait bonne opinion que de moi. (…) C’est ainsi qu’il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu’un sage esprit s’accommode aux vices de son siècle. »

Le bougre aura- t-il convaincu alors que le parlement gronde ? « Nous accusons le Présidentet songouvernement d’irresponsabilité énergétique » a déclaré Sébastien Jumel du Parti communiste. Marine Le Pen, elle, dénonce « une extraordinaire régression de notre pays ».

Quoi qu’il en soit, le gouvernement a aussitôt empanné comme un vieux loup de mer et s’efforce d’édulcorer son précédent propos. Notre Variant de la République, à savoir son porte-parole, a déclaré mardi sur France 2 : « Nous avons la pleine capacité collectivement d’éviter tout risque de coupure, quelles que soient les conditions hivernales (…) Le principe numéro un, c’est qu’il n’y a rien d’inéluctable. »

Toutefois, dès lundi 16 décembre, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) prévoit un pic de consommation dépassant les 80 00 MW.). C’est pourquoi : « Je donne à mon espoirtout l’avenir qui tremble comme une petite lueur au coin de la forêt. »GuillaumeApollinaire, « Poèmes à Lou ».

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