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De nouvelles études révèlent une clé toute simple pour faire reculer l'échec scolaire
©Reuters

Tous fliqués ?

L'économiste Peter Bergman a essayé un nouveau système de contrôle de la scolarité dans une école de Los Angeles. Basé sur les SMS et les emails, ils permettent aux parent de savoir en temps réel ce que font vos enfants à l'école.

Richard Etienne

Richard Etienne

Richard Etienne est professeur en sciences de l'éducation. Il travaille notamment sur le changement en éducation, sur l'éducation du citoyen, ainsi que sur la pédagogie du voyage scolaire.

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Atlantico : Peter Bergman, enseignant à l'Université de Columbia a réalisé une étude sur ce que pouvait apporter le fait qu'un établissement scolaire tienne informé les parents sur la scolarité des enfants.  Pourquoi des établissements scolaires devraient avoir recours à cette technique pour informer les parents ? Quel peut être l'effet recherché par l'établissement ?

Richard EtienneLe problème des établissements scolaires devient l’obligation de résultats vers laquelle les "consommateurs d’école" (livre prémonitoire de Robert Ballion en 1982) sont invités à les pousser dans un environnement dominé par les évaluations et les classements en tout genre (de PISA à l’international aux résultats du bac et du brevet en France). Le lien avec les parents et/ou les responsables légaux (la famille bi-parentale n’est plus le modèle dominant dans la France du début du vingtième siècle) est une des pistes fréquemment explorées par les responsables mais aussi les équipes pédagogiques. On sait depuis longtemps qu’il existe un "effet-établissement", une plus ou moins value apportée par l’établissement, et la cohérence entre les interventions scolaires et l’éducation familiale y contribue grandement. Dans certains milieux, l’enfant est suivi par ses parents qui lui demandent chaque jour ce qu’il a appris à l’école, son cartable et ses livres ou cahiers sont manipulés dans le cadre d’un dialogue qui entretient un haut degré d’information sur ce qu’il apprend mais aussi sur son investissement dans son parcours d’études. Mais d’autres familles font confiance à l’école et attendent l’arrivée du premier bulletin pour manifester satisfaction ou colère envers l’enfant ou l’école. D’un point de vue statistique, la première attitude est celle qui facilite le plus ce qu’on appelle la réussite scolaire. Ainsi, la manière dont les parents s’intéressent à ce que fait et apprend l’enfant à l’école est un facteur déterminant dans son engagement dans "son métier d’élève". Si l’ensemble des familles fait cette démarche quotidienne d’information sur ce travail et ses résultats, voire ses difficultés, alors les résultats globaux aux tests et aux examens des élèves de l’établissement s’en trouveront améliorés. C’est ce que prouve, après bien d’autres (Lorcerie, 1998 ; Maulini, 2001 ; etc.), cette recherche sur une information quotidienne des parents, même si elle a bien des limites car elle ne porte que sur les parents et responsables de 262 élèves de niveau collège, sur un seul établissement et sur une période de six mois. De plus, les effets à moyen et long termes n’ont pu être mesurés en raison d’un biais dans l’application des consignes.

Tenir les parents informés de la scolarité des enfants de manière aussi intensive peut-il être une bonne solution pour permettre aux enfants d'améliorer leurs résultats scolaires ? Comment est-ce que l'enfant concerné peut supporter cette pression que ce système doit engendrer ? 

L’ensemble des recherches en éducation confirme le rôle essentiel de l’environnement familial et/ou social dans le parcours scolaire. Dès lors, cette information intensive peut avoir pour effet de briser très rapidement le double jeu de certains enfants qui peuvent très bien dériver vers l’échec dès les premières semaines de fréquentation du collège (les élèves concernés par l’étude ont entre 11 et 16 ans) et affirmer "chez eux" que "tout va bien" jusqu’à l’arrivée du premier bulletin trimestriel (pratiquement la moitié des jours que compte l’année scolaire) ! Un des problèmes de cette étude est que l’auteur ne s’intéresse visiblement pas au rapport des parents à l’école. Or, on est dans un quartier populaire de Los Angeles et, si une information quotidienne en provenance de l’école peut avoir des effets positifs dans certaines familles, elle risque aussi de déboucher sur un fatalisme, voire une opposition ferme à une école qui ne ferait que "surveiller et punir" pour reprendre Michel Foucault. Sur un plan psychologique aussi, vous avez vu juste et l’auteur le reconnaît lui-même dans sa conclusion : "Les informations négatives sur le travail et les résultats scolaires pourraient créer des tensions à la maison et avoir à long terme des effets inverses à ceux désirés, ce qui rend difficile une comparaison directe avec d'autres interventions à plus long terme" (traduction personnelle). Nous retrouvons là les défauts habituels de toutes les recherches qui s’appuient sur des hypothèses trop simplistes et sur une approche de conditionnement des comportements. Une attention plus marquée à chaque situation et une plus grande différenciation dans la communication avec la, le ou les responsables de l’enfant sont des recommandations que l’on doit émettre avant toute entreprise de ce genre qui risque de tourner au harcèlement dont on connaît les conséquences néfastes et tragiques dans certains cas.

Comment est-ce que ce problème est abordé dans les établissements français ? Quels sont les moyens retenus pour impliquer les parents dans le suivi de l'éducation de leurs enfants ? Ce système testé aux Etats-Unis pourrait-il arriver en France ? 

Il devient de plus en plus difficile d’écrire des généralités sur les établissements français tant il y a de différences entre eux. C’est pour cela qu’on a repris la notion d’"effet-établissement" aux chercheurs anglo-saxons. Toutefois, les trois grands modèles qui ont inspiré notre "code génétique" en la matière (l’abbaye ou le couvent, la caserne et, aujourd’hui, l’entreprise commerciale) partent du principe que "l’éducation est une chose trop sérieuse pour la confier aux parents". En revanche, la démocratisation, ou massification, de l’enseignement secondaire a eu pour conséquence une prise de conscience de l’insuffisance de l’information et de la communication avec les parents et ce à commencer par les zones d’éducation prioritaire où il fallait, en quelque sorte, enseigner l’école (secondaire) aux parents qui n’y étaient pas allés ou qui y avaient souffert. François Dubet dit qu’il y a, en matière scolaire, un véritable "marché noir" de l’information. Bien des équipes ont pris conscience de cette insuffisance dans la communication et, dès les dernières années du vingtième siècle, se sont multipliées les initiatives en la matière : pré-visite de l’établissement, journée d’accueil des parents, stages d’inclusion des élèves dans l’établissement, réunions rapides avec les équipes pédagogiques sans attendre les résultats du premier trimestre, participation de tous les parents qui le souhaitent aux conseils de classe, invitation pour remise en mains propres des bulletins, etc. Tous ces systèmes sont sans doute perfectibles et doivent être à la main des équipes qui ne vont pas communiquer de la même manière avec les "parents" au lycée Henri IV à Paris et dans un collège classé en réseau d’éducation prioritaire. Même dans ce dernier cas, les caractéristiques socioprofessionnelles et culturelles sont à prendre en considération. Enfin, il faut répéter inlassablement que l’éducation est une émancipation dans laquelle les parents et les enseignants savent progressivement s’effacer pour permettre l’accès à l’autonomie. Bien des établissements en France n’ont pas attendu l’arrivée de telles études pour se préoccuper de communiquer avec les familles. Le juste équilibre facilitant une co-éducation n’est pas encore atteint et c’est le mérite de telles recherches de mettre le doigt sur une préoccupation insuffisamment actualisée chez nous comme chez bien d’autres : la communication avec ce que nous continuons d’appeler la famille dont les évolutions et différenciations doivent aussi être prises en considération.

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