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De NDDL à la Syrie en passant par la SNCF, quel espace politique Emmanuel Macron laisse-t-il à la droite ?
©wikipédia

Exigu

Même si le chef de l'Etat parvenait à calmer la grogne sociale qui agite actuellement le pays, les grands sujets de fond seront toujours là : la dette publique, la crise de l’éducation nationale et de l’université, le chômage de masse, la pauvreté, le poids des prélèvements obligatoires, la violence quotidienne et la menace terroriste.

Maxime  Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est un haut fonctionnaire français, qui a été conseiller de Nicolas Sarkozy sur les questions relatives à l'immigration, l'intégration des populations d'origine étrangère, ainsi que les sujets relatifs au ministère de l'intérieur.

Il commente l'actualité sur son blog  personnel

 

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Atlantico : Après être intervenu le jeudi 12 avril au 13:00 de TF1, Emmanuel Macron poursuivait sa semaine médiatique ce 15 avril sur BFMtv-RMC-Mediapart. Dans un contexte marqué par différents mouvements; NDDL, les cheminots, ou le blocage des Universités, comment imaginer l’avenir de la droite dans le cas où le chef d’Etat parvenait à passer cette étape avec succès? Que pourrait-il rester à la droite si le président réussissait là ou différents gouvernements, également de droite, ont pu échouer?

Maxime Tandonnet : Il est indispensable de distinguer l’écume des choses et le fond des sujets. Imaginons en effet que le chef de l’Etat et son gouvernement parviennent, à la faveur de la trêve estivale, à régler avec succès les troubles liés à NDDL, les grèves des transports, les blocages des universités. Ils auront marqué des points dans l’opinion. Ces succès feront des belles images aux journaux télévisés et dans la presse officielle. Pour autant, les grands sujets de fond seront toujours là : la dette publique, la crise de l’éducation nationale et de l’université, le chômage de masse qui touche environ 5 millions de personnes, la pauvreté (8 à 9 millions), le poids des prélèvements obligatoires, records en Europe, la violence quotidienne et la menace terroriste. La vraie question, la grande inconnue, concerne le niveau de réflexion de la population française. Si l’on pense que l’intelligence populaire ou la culture politique du pays s’arrête aux belles images du 20 heures, alors, en effet, l’apaisement apparent de ces tensions, combiné à une surmédiatisation, suffira à sublimer l’image du pouvoir en place. Mais si les Français, dans leur ensemble, conservent une forme de bon sens populaire et d’esprit critique, les choses deviennent infiniment plus complexes et la réussite gouvernementale passe alors par le règlement au fond des sujets, bien loin d'être acquis. C’est une toute autre affaire.

Un tel cas de figure aurait-il pour conséquence de voir la droite contrainte d’évoluer sur certains thèmes pour pouvoir se différencier? L’occupation par Emmanuel Macron de certains thèmes traditionnels de la droite conduit elle automatiquement à un jeu de chaises musicales sur d’autres thèmes?

Le pouvoir en place, en position centrale, n’a pas de véritable idéologie, mais compense cette absence par une personnalisation extrême du pouvoir et une logique de pure séduction. La vie politique se réduit de plus en plus au grand spectacle narcissique, show médiatique permanent qui recouvre la disparition de l'autorité de l'Etat et de la politique comme choix de société et mode d'action sur la réalité. L'équipe dirigeante fait semblant de pencher à droite par des signes, des symboles, la surface des choses, mais au fond, demeure plutôt dans la continuité du quinquennat socialiste précédent (fiscalité, sujets régaliens, international). Il me semble que la droite LR doit refuser d'aller sur le terrain du grand spectacle narcissique, de la communication à outrance et de la logique de séduction. Elle n'a rien à gagner à une bataille de titans, ou affrontement de postures et de nombrilismes. M. Wauquiez ne choisit pas le meilleur terrain en s'en prenant à M. Macron personnellement et en déclarant qu'il est « déconnecté de la France ». Car on reste alors dans la logique de la personnalisation outrancière du pouvoir. Ce sont deux personnages, deux ambitions personnelles qui s'affrontent et non des idées, des projets. Or, les Français seront de plus en plus dégoûtés par cette tendance de la politique à devenir une sublimation d'ego narcissiques au détriment du bien commun, de l'intérêt général. La droite LR doit bien au contraire rompre avec cette logique, refuser le terrain où l’on veut l’entraîner, celui de la posture, des polémiques et provocations stériles, du culte de la personnalité, de la culture des apparences, et se placer sur un tout autre créneau : celui de la vérité, du débats d'idées, des sujets concrets, du monde réel, contre le naufrage de la société politico-médiatique dans le culte de l’image et de la frime.

Quels sont les risques pour la droite? A l’inverse, quelles pourraient être les opportunités offertes par une telle situation?

Deux risques guettent la droite LR. Le premier est celui de la « troisième force ». Une scission de la droite LR en deux, l'une rejoignant le FN et l'autre LREM, achèverait de dynamiter le système politique. Nous aurions un surpuissant LREM, en position centrale autour de deux extrêmes, droite et gauche. Tel est le rêve absolu du pouvoir médiatique avec la certitude de deux décennies au pouvoir de l’équipe actuelle. L’autre danger pour la droite LR est celui du mimétisme avec le pouvoir en place, copier le même modèle pour se substituer à lui. Cela reviendrait à entrer dans la logique de la sublimation d’un chef, de la posture et de la séduction. Choix lui aussi suicidaire, car les Français préféreront toujours l’original à la copie. La véritable chance à saisir, pour LR, est bien au contraire de repenser en profondeur les fondations de la politique française. Il faut l’arracher au culte de l’image individuelle et de la vanité stérile. Il faut reconstruire la politique française sur le sens du bien commun, la démocratie, la modestie, l’action collective, la vérité. La droite LR doit se focaliser uniquement sur les idées, se donner quelques priorités fondamentales : lutte contre l’exclusion, la fragmentation de la société et le communautarisme, une baisse drastique des prélèvements obligatoires, le redressement scolaire du pays, la maîtrise de l’immigration dans le respect des personnes. Simplicité et modestie pour une grande ambition : en finir avec l'extrême personnalisation du pouvoir et fuite dans l'image ; refonder le modèle républicain sur le seul intérêt général et impersonnel, le débat d'idées et de projet. Mais aujourd’hui, cette prise de conscience est loin d’être évidente.

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