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La régulation de l’Intelligence Artificielle est à l’ordre du jour.
La régulation de l’Intelligence Artificielle est à l’ordre du jour.
©LIONEL BONAVENTURE AFP

Régulation

En France, l’Autorité de la concurrence a lancé le 8 février une enquête afin de s’assurer que « l’IA ne sera pas dominée par trois ou quatre acteurs dans le monde ».

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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La régulation de l’Intelligence Artificielle est à l’ordre du jour. Aux Etats-Unis, la Federal Trade Commission a lancé des enquêtes portant sur les partenariats qui se nouent entre acteurs. Dans l’Union européenne (UE), alors que le Digital Market Act (DMA) entrera en vigueur le 6 mars, la Commission s’interroge pour savoir si l’investissement de Microsoft dans OpenAI ne devrait pas être requalifié en concentration et en conséquence soumis à son autorisation. En France, l’Autorité de la concurrence a lancé le 8 février une enquête afin de s’assurer que « l’IA ne sera pas dominée par trois ou quatre acteurs dans le monde ».

Remarquons que cette offensive réglementaire, notamment de ce côté-ci de l’Atlantique, n’est pas sans susciter des réserves. La France a fini par ratifier le 2 février l’AI Act. Pourtant, à la surprise de beaucoup, elle l’a aussi l’avoir fortement critiqué en ce qu’il créerait un désavantage concurrentiel pour les entreprises européennes. Une telle critique interroge pour au moins deux raisons : la France a été, de tous les États membres de l’UE, celui qui a le plus poussé l’UE à renforcer son arsenal réglementaire et son action concurrentielle ; surtout, le secteur de l’IA en France est peut-être le plus dynamique de toute l’UE.

Soyons-clair : l’IA, domaine naissant potentiellement porteur de très grands progrès au point que certains y voient une révolution économique, doit évidemment être régulé. Par la loi (ou la directive) pour l’encadrer. Par le droit de la concurrence quand des comportements anti concurrentiels sont détectés. 

Dans ce contexte, la sempiternelle question du droit de la concurrence reste valide : où placer le curseur de l’intervention publique afin de ne pas brider l’innovation, celle des acteurs déjà établis comme celle des entrants ou des entreprises de petite taille mais en grande croissance. A cette aune se forger une idée préconçue de la structure idéale de marché, c’est-à-dire d’un nombre précis d’acteurs d’ici à quelques années, soulève des interrogations. 

D'abord, c’est suggérer qu'il existe une structure de marché parfaite, un nombre d'or de concurrents. Une telle approche est dangereuse. Car l'un des enseignements les plus robustes de la régulation concurrentielle dit le contraire : il n'y a pas de nombre "magique" de concurrents. Certains marchés fonctionnent très bien, avec une forte concurrence entre les entreprises concernées, avec un nombre réduit d’acteurs. C’est la raison pour laquelle l’essentiel (plus de 95%) des concentrations qui sont soumises aux autorités de concurrence européennes sont autorisées : la réduction du nombre de concurrents qu’elles entrainent n’affecte pas la concurrence. Elles sont même parfois bénéfiques pour la concurrence. Dans le domaine des télécommunications la question se pose ainsi et constitue le fil rouge d’une oppositions entre opérateurs et autorités de concurrence : il n’y a pas de nombre parfait. En résumé, l’adage en matière de régulation concurrentiel s’impose : « la régulation n’est pas là pour protéger les concurrents, elle est là pour protéger la concurrence ».

Ensuite, suggérer que parce que l’IA – comme tout autre secteur – verrait quelques acteurs représenter à eux seuls l’essentiel des parts de marché, c’est, comme certains commentateurs l’ont fait, faire peser sur ces acteurs une présomption d’entente illicite voire de cartel. Il faut rappeler que les cartels constituent sans doute la plus grave des infractions au droit de la concurrence, relevant d’ailleurs du droit pénal aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. La réalité des faits, heureusement, pointe plutôt vers l’exact opposé : les grands acteurs de l’IA se livrent une concurrence acharnée et à une course à l’innovation très forte. 

En définitive, l’IA a besoin d’être régulée. L’UE a raison de s’y atteler. Tout est question de mesure. A cet égard, il faut bien constater l’écart maintenu entre l’Europe et les Etats-Unis en dépit de l’arsenal réglementaire européen adopté depuis près de 5 ans. L’ampleur inégalée de l’innovation outre-Atlantique l’explique.

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