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Gérald Darmanin, le 15 septembre 2021.
Gérald Darmanin, le 15 septembre 2021.
©Thomas COEX / AFP

Dormez, braves gens

Gérald Darmanin a décidé de sortir de la puissante léthargie qui le clouait dans le néant depuis des mois en dissolvant la « Ligue de défense noire africaine » (LDNA).

Hash H16

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H16 tient le blog Hashtable.

Il tient à son anonymat. Tout juste sait-on, qu'à 37 ans, cet informaticien à l'humour acerbe habite en Belgique et travaille pour "une grosse boutique qui produit, gère et manipule beaucoup, beaucoup de documents".

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Attention mes petits amis, qu’on se le dise : il y a, dans notre République française résolument en marche, des limites qu’on ne franchit sous aucun prétexte. L’une d’elle consiste par exemple à enfariner un maire. Trop c’est trop et dans ce cas, le ministre de l’Intérieur intervient.

C’est en effet suite à un étrange fait divers que Gérald Darmanin a décidé de sortir de la puissante léthargie qui le clouait dans le néant depuis des mois : découvrant qu’une association revendiquait le récent enfarinage du maire de Val-de-Reuil en Normandie, le ministre de l’Intérieur a décidé, devant les actes racistes appelant à la haine et à la discrimination de cette association, de la dissoudre purement et simplement.

Le 12 septembre dernier, on apprenait en effet qu’en pleine cérémonie de mariage, des militants de l’association « Ligue de défense noire africaine » (LDNA) déboulaient bruyamment et, après avoir brisé une porte, jetaient un paquet de farine sur le maire qui officiait à ce moment.

Ici, on pourra se réjouir que le représentant gouvernemental des forces de l’ordre se soit emparé d’un si brûlant dossier. Il faut dire que cette association n’en était pas à son coup d’essai et, plus à propos encore, faisait irruption dans la cérémonie municipale alors que les tensions s’étaient accumulées à Val-de-Reuil depuis plusieurs jours. Il apparaît en effet que le 5 septembre dernier, une simple dispute entre deux mineurs – l’un d’origine kurde, l’autre d’origine sénégalaise – aurait conduit à une violente échauffourée impliquant plusieurs douzaines de personnes (on évoque une centaines d’individus) faisant finalement plusieurs blessés graves. La presse locale évoque ainsi des affrontements entre individus armés de bâtons, barres de fer, hachettes et couteaux, de hachettes et de battes de baseball pour le quotidien Paris-Normandie.

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Ces affrontements ont été suivis, le 7 septembre, de nouvelles tensions avec jets de projectiles divers sur la police ainsi que des manifestations de la part de la communauté kurde dont les participants auront été dispersés à coups de lacrymogènes. On goûtera d’ailleurs au caractère particulièrement étudié de la dépêche relayée par les papiers locaux et qui fait un usage industriel de l’euphémisme ainsi qu’un remarquable travail d’édulcoration en reprenant la parole politique qui a accompagné les exactions des communautés locales.

Ainsi, pour le maire, circulez, il n’y a rien à voir de communautaire dans ces petites dissensions ; tout juste s’agit-il là de l’expression pétulante des différences de caractères chez ces Rolivalois pittoresques ! Comme veut le croire l’édile,

« La solidarité est le vrai visage de Val-de-Reuil. Je souhaite redire ma croyance et ma confiance dans la communauté, une et indivisible, que forment les Rolivalois. Elle est forte. »

Moyennant quoi, tout ceci se terminera – soyons-en sûrs – par des subventions chansons et un grand banquet de sangliers moutons sous une lune clémente et avec la bienveillance républicaine qui sied au décor.

Mais bon, en attendant et par mesure d’apaisement et de prudence, Gérald le ministre réveillé a donc décidé de dissoudre l’association dont des militants se sont comportés de façon indigne. La LDNA va disparaître et, avec elle, tous les problèmes pas du tout communautaires sur lesquels elle mettait un nom.

L’ironie du sort veut que les Kurdes effervescents qui manifestèrent et furent dispersés à coups de lacrymogènes étaient issus du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, célèbre troupe de joyeux drilles quelque peu mouillés dans le terrorisme, le trafic d’armes et les manifestations pacifiques (biffez la mention fausse).

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Or, le PKK n’a pas d’existence légale en France (l’organisation étant reconnue comme terroriste en France) et est donc dans la même situation juridique que le sera l’association LDNA une fois dissoute.

On comprend dès lors toute la puissance et l’ampleur de la décision du brave Gérald qui assure ainsi une efficacité retentissante à cette dissolution très médiatisée. Au moins pourra-t-on écrire, à la prochaine controverse épistémologique entre Sénégalais et Kurdes de la région, qu’aucune association ou organisation n’est directement mêlée à ces ennuyeux pugilats qui froissent ce vivrensemble si doux qu’on observe de plus en plus dans le reste du pays.

Car, pendant que le ministre Darmanin fait de la paperasserie en dissolvant de l’association à grands coups de moulinets oratoires, le pays continue de chanter et de danser dans la bonne humeur d’une France apaisée, comme à St Fons où des policiers se sont retrouvés pris à partie lors d’une intervention pour des dégradations… sur le commissariat local.

Las, le petit chenapan responsable de ces altérations inesthétiques, aidé par une vingtaine d’individus qui ont bombardé le poste de police de projectiles divers, a fini par s’enfuir, dans une redite d’un incident survenu la semaine précédente à Marseille.

Darmanin agira donc pour dissoudre LDNA (et c’est une bonne chose qui aurait probablement dû être faite plus tôt), mais on se demande ce que le ministre va nous trouver dans sa grande besace pour résoudre les petits soucis de Grigny où des policiers sont tombés dans un guet-apens, ou ce qu’il va nous dégotter pour calmer les problèmes de Corbeil-Essonnes où les Tarterêts sont régulièrement l’objet de nuits agitées et d’échanges de mots durs entre les différentes populations locales et leurs aimables forces de l’ordre.

Gageons que Gérald, qui a plus d’un tour dans son grand sac de ministre macronien, trouvera l’une ou l’autre marotte juridique à réformer, l’un ou l’autre gadget républicain à mettre en place et qu’enfin, le calme reviendra dans ces nombreux endroits où l’on sent poindre comme une envie de violence et un sentiment de moins en moins diffus d’insécurité républicaine.

Et grâce à l’action décisive de Gérald, croyez-moi, ce pays n’est pas foutu.

Cet article a été publié initialement sur le blog d'H16

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