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Dans l’entreprise, les femmes ne sont toujours pas des hommes comme les autres
©REUTERS/Ralph Orlowski

Atlantico Business

La Women’s Forum, qui se tient jeudi et vendredi à Paris, réunit des femmes de pouvoir et d’influence venues du monde entier, mais curieusement assez peu de l’entreprise.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Clara Gaymard, qui préside le Women’s Forum qui se tient désormais à Paris, ce jeudi et vendredi sous la pyramide du Louvre, fait sans doute figure d’exception. Alors que la France a fait campagne pour la parité homme/femme, on s’aperçoit que c’est dans les entreprises françaises où les femmes ont le plus de difficultés à accéder aux plus hautes fonctions.

Alors, il y a quand même des femmes qui tiennent le pouvoir économique et financier en France. On les connaît, on ne parle que d’elles. Clara Gaymard en tête, ancienne présidente de General Electric en France, administratrice de Danone et de LVMH, ou Isabel Kocher, la coqueluche des milieux d’affaires première patronne du CAC 40, qui a pris la succession de Gérard Mestrallet chez Engie, ancienne Compagnie de Suez/Gaz de France. Mais ce sont des exceptions et on croit savoir que leur accession n’a pas été facile et qu’elles doivent en permanence défendre leur légitimité.

En fait, la parité en France est désormais à peu près respectée dans l’administration française, à l’Assemblée nationale, dans les collectivités locales, au gouvernement. La loi s’est imposée. Seule exception dans la sphère politique, le Sénat qui reste une assemblée d’hommes. Et pourtant l’espérance de vie est plus longue chez les femmes que chez les hommes, on aurait pu penser que dans une assemblée où la moyenne d’âge est plus élevée qu’à l'Assemblée nationale, les femmes avaient plus de chance de pouvoir y entrer. Mais passons.

Dans l’entreprise, la parité a fait d’énorme progrès dans les conseils d’administration qui en cinq ans ont pour la plupart réussi à respecter la loi en imposant 40% de femmes. Pendant 10 ans, il faut savoir que les nominations ont été quasiment interdites aux hommes. Il n’y a pas un homme neuf qui ait pu entré dans un conseil d’administration d’une grande entreprise. Tous ceux qui sont partis à cause de la limite d’âge ont été remplacés systématiquement par des femmes. Les chasseurs de tête sont formels. Maintenant que la parité est atteinte, les hommes qui sont candidats ont plus de chance. Enfin !

Mais la parité dans les conseils et assemblées ne signifie pas que les femmes soient choisies sur des postes uniques à responsabilité. On  avait promis aux femmes qu’une femme serait présidente d’une Assemblée nationale, bien féminisée, et cela ne s’est pas produit. Dans l’entreprise aussi, il y a des fonctions d’où les femmes restent écartées, ce sont les postes de directions opérationnelles. Les Comex sont très masculins, et les CEO sont rarement des femmes.

Le cabinet de recrutement Headrick and Struggle affirme qu’aujourd’hui, moins de 2% des dirigeants des grandes entreprises cotées au SBF 120 (le Cac 40 élargi à 120) sont des dirigeantes.

Elles sont plus nombreuses aux Etats-Unis, près de 10% et 6% en Grande-Bretagne comme en Allemagne compte tenu du nombre des ETI d’origine familiale où les héritières accèdent au pouvoir.

Ce phénomène est intéressant. Alors, la question est de savoir, pourquoi les directions générales françaises sont encore fermées aux femmes ? Et selon toute vraisemblance, elles ne s’ouvriront pas de sitôt. Pour au moins trois raisons intéressantes à analyser.

1ère raison, le management français a eu pour habitude (formation aussi) de mettre en place des process internes pour dénicher les potentiels à haute valeur ajoutée dans la classe d’âge des millénials des 25-35 ans. C’est à dire dans la génération qui démarre son premier ou deuxième job. Or, biologie et rythme de la vie obligent, c’est entre 28 et 35 ans que les femmes françaises sont préoccupées par leur maternité. Et même si l’âge de faire des enfants a beaucoup reculé depuis une génération. Or, le DRH qui analyse le potentiel d’une femme au travail qui a trente ans tombe assez plus fréquemment sur une femme qui cherche à protéger et organiser sa petite famille plus qu’à imaginer qu’un jour, elle gèrera le groupe qui l’emploie. Elle peut avoir un fort potentiel, mais les écrans radars s’en apercevront lorsqu’elle aura 40 ans, à un âge ou les profils de carrière sont déjà sur le logiciel. Il suffirait de changer de logiciel.

2e raison, les femmes qui sont à la tête de l’entreprise sont très souvent celles qui ont crée l’entreprise. C’est vrai aux USA, c’est vrai aussi en Grande-Bretagne. Or, qu’on le veuille ou non, il y a moins de créatrices d’entreprise en France qu’ailleurs. Personne ne sait pourquoi. Le goût du risque qu’on apprend moins peut-être, mais que l’on retrouve dans beaucoup de civilisations. En Afrique par exemple, les spécialistes du micro-crédit préfèrent prêter à des femmes plutôt qu’à des hommes parce que les femmes sont plus rigoureuses et prudentes. Ce faisant, elles prennent aussi moins de risque. Le taux de réussite est mécaniquement plus faible.

3e raison, les femmes sont plus nombreuses à la tête des moyennes et grosses entreprises en Allemagne et aux USA, d’abord parce qu’il y a beaucoup plus de ETI en Allemagne que chez nous et ensuite parce que les femmes héritent du pouvoir plus souvent qu’en France. En Allemagne, Angela Merkel, depuis douze ans au pouvoir, a surement contribué à donner l’exemple et à démystifier le pouvoir au féminin. Mais dans les familles d’entrepreneurs, en France, il y a encore une hésitation à confier l’entreprise à des filles s’il y a des garçons dans la famille, même si les mentalités commencent à changer, les diplômes venant légitimer les femmes qui y aspirent.

4ème raison, enfin, la révolution digitale est plus souvent portée par les hommes que par les femmes. La Silicon Valley est un pays « de geeks machos ». Et Marc Zuckerberg a beau raconter qu’il a crée Facebook pour draguer ses petits amis de Harvard, il a promu peu de femmes à des postes opérationnels. Bill Gates et les autres n’ont jamais eu un sens de la parité très affuté. En France, le digital n’est pas particulièrement féminin non plus. On retombe dans l’éternel débat de secteurs de l’économie plus propices aux femmes que d’autres, n’empêche que certains chiffres donnent raison à ce débat. 91% des start-ups françaises sont aujourd'hui dirigées par des hommes. En Europe, moins de 7% des métiers technologiques sont occupés par des femmes. De l'autre côté de l'Atlantique, aux États-Unis, il y a moins de femmes qui occupent des postes dans la technologie en 2015 qu'en 1991 (26 % contre 37 %).

Moins repérées par le management, moins promues par leurs pairs, plus prudentes donc plus averses au risque et moins passionnées par la technologie, ce sont peut-être des clichés à la dent dure, mais il serait temps pour les femmes de s’emparer du sujet. En France, en 2015, selon une étude CSA-KPMG, 61% des salariés préféraient être dirigés par un homme.

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