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Cyberharcèlement, le nouveau fléau des écoles
©Reuters

Bonnes feuilles

Le phénomène prend des proportions inquiétantes : de plus en plus d'enfants sont touchés par le cyberharcèlement. Quels en sont les codes? Extrait de "Te laisse pas faire" de Emmanuel Piquet, aux Editions Payot, 2014 (2/2).

Emmanuelle Piquet

Emmanuelle Piquet

Psychopraticienne, formatrice, et auteure, Emmanuelle Piquet est diplômée en thérapie systémique et stratégique. Elle consulte à Lyon et à Mâcon, notamment pour traiter les souffrances des enfants.
Elle a publié "À quoi ça sert de vivre si on meurt à la fin ?" et "Sous l'escalier". Le 1er octobre 2014 sort son nouveau livre à destination des parents d'enfants harcelés : "Te laisse pas faire".

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Selon le ministère de l’Éducation nationale, « le cyberharcèlement est le fait d’utiliser les technologies d’information et de communica- tion pour porter délibérément atteinte à un individu, de manière répétée dans le temps. Cette définition nous semble pertinente dans la mesure où elle pointe le fait que c’est ce qui est utilisé pour harceler qui change, pas le harcèlement lui- même. Et le « Guide pratique pour lutter contre le cyberharcèlement entre élèves », édité par le ministère, met en avant que cette forme moderne de harcèlement recèle, et c’est parfaitement exact, un certain nombre de spécificités qui sont (entre autres) les suivantes :

1. Le cyberharcèlement peut se produire 24h/24 et 7j/7 et aucun espace de la vie de la victime n’est protégé : à l’intérieur, à l’extérieur de l’établissement scolaire et jusqu’à son domicile.

2. Sa diffusion en est massive et instantanée et touche un très large public.

3. Les contenus diffusés peuvent rester en ligne, même si le harcèlement cesse.

4. Les moyens modernes de communication créent une distance avec la victime qui peut libérer une certaine agressivité et encou- rager la banalisation de la violence.

5. 60 % des jeunes victimes du cyberharcèlement le sont également sur le mode classique.

6. 60 % des jeunes harceleurs disent être également victimes du harcèlement sur les réseaux sociaux

À partir de certaines de ces spécificités, mais visiblement pas les deux dernières qui sont pour- tant fort intéressantes, un mode d’emploi pour régler le problème est préconisé qui fait, selon nous, la part belle à la dénonciation, à la moralisation et éventuellement à la sanction. Encore une fois, rien n’est prévu pour outiller l’enfant vulnérable au niveau relationnel. »

Une perte de contrôle terrifiante pour les enfants ou adolescents... et pour leurs parents

Je me souviens au lycée d’une de mes cama- rades qui entretenait une liaison avec un prof d’espagnol. Mues par une haine que j’avais du mal à comprendre, mais peut-être était-ce des amoureux éconduits, certaines personnes avaient tagué le lycée, à une multitude d’endroits stratégiques, de messages explicitement sexuels et dégradants la concernant. On l’apercevait parfois au début du massacre social dont elle était l’objet, en train d’essayer d’effacer les graffitis, en vain, en tentant de se dissimuler en vain également.

Puis elle a visiblement renoncé et cette très jolie blonde est arrivée, tous les jours qui ont suivi, en rasant les murs, sans l’ombre d’un sourire, amaigrie et les yeux tournés vers l’intérieur. Je me souviens d’avoir eu mal au cœur pour elle tant sa souffrance était visible. Ses parents l’ont changée de lycée l’année suivante.

C’est ce souvenir qui me revient en mémoire chaque fois qu’un adolescent me fait part du cyberharcèlement dont il est la victime.

Cette sensation de perte de contrôle absolue tout d’abord, comme dans le cas de Bastien, et qui vient ajouter une angoisse terrible à la souffrance initiale liée au rejet et à l’humiliation.

Le fait que la blessure est réactivée en effet chaque fois que le portable ou l’ordinateur est allumé, mais qu’il est quasi impossible de ne pas aller voir ce qui se dit sous peine d’aggraver encore la sensation de perte de contrôle.

Les images diffusées qui font que même quelqu’un qui ne me connaît pas peut tout à coup me reconnaître dans la cour et participer au harcèlement (ne serait-ce qu’en souriant moqueusement lorsqu’il me regarde) alors qu’il ne sait pas qui je suis et que je ne sais pas qui il est.

L’idée que ces mots abjects, ces photos dégradantes vont être potentiellement consultables par n’importe qui tout au long de ma vie, comme si la salissure était indélébile.

Autant d’éléments qui aggravent la souffrance, l’angoisse parentale et institutionnelle et malheureusement en conséquence les solutions inopérantes.

Extrait de "Te laisse pas faire" de Emmanuel Piquet, aux Editions Payot, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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