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"Ces stress tests risquent 
de se retourner contre nous..."
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Crise de l'euro

Les tests de résistance ont sanctionné vendredi huit banques européennes. Aucune française. Mais de tels tests sont-ils vraiment utiles en pleine période de crise ?

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Atlantico : A quoi servent les "stress tests", ces test de résistance auxquels ont été soumis les banques européennes ce vendredi ?

Jean-Marc Daniel : Normalement, il existe deux objectifs à ces stress test. Le premier c'est d’essayer d’évaluer les menaces qui pèsent sur certaines institutions financières, afin d’éventuellement mettre en place des plans de sauvetage qui n’agiront pas dans l’urgence et dans la crise, mais qui permettraient une certaine capacité d’anticipation.

Le second objectif est de rassurer un certain nombre d’opérateurs financiers, et en particulier le public sur la réalité de la santé des banques. La grande crainte qui commence à apparaitre aujourd’hui c’est ce qu’on appelle le « banque run », comme on en a connu en Angleterre, lors de la crise de Lehman Brothers. C’est-à-dire que les gens vont se précipiter dans leurs banques pour retirer leur argent. Et avec le fonctionnement de notre système financier, une banque par nature et par définition, n’a pas en caisse les moyens de rembourser sous forme de billets, l’équivalent des comptes courants dont disposent les clients.

Ces stress tests ont-ils un sens ?

La réponse est effectivement ambigüe. Ces stress test sont effectivement utiles si le message qu’ils doivent faire passer, fonctionne. Ce message explique que derrière ces tests il y a à la fois, la transparence, la volonté de savoir anticiper les événements. Le fait est que les gens interprètent cela de façon beaucoup plus complexe. La plupart des gens pensent que ces stress tests servent seulement à les rassurer et veulent masquer la réalité qui est plus grave que ce qu’on leur annonce. Par conséquent, ou bien on dit que toutes les banques se portent bien et les gens diront : « ils nous mentent », ou bien, si certaines banques sont montrées du doigt, elles risquent de faire l’objet d’un « banque run ».

La chose vraiment utile au départ est de faire un point de la situation, afin de savoir enfin, quelle est la réalité éventuelle des besoins en cas de crise. Le problème est que, depuis, un certain nombre d’éléments qui étaient censés être sûrs dans le bilan des banques est maintenant présenté comme constituant une menace. Tout ce qui a été fait auparavant n’est plus pertinent, mais il existe en plus une ambiguïté permanente sur ce qui est sûr et ce qui ne l’est pas. Si la dette public n’est plus sûre, alors plus rien n’est sûr.

Ces tests ne vont-ils pas créer une panique sur les marchés et mettre certaines banques dans une situation très difficile ?

A court terme, le grand danger de ce genre d’opérations, c’est que, si toutes les banques passaient le test, les gens crieraient au mensonge. Mais celles qui ont été recalées peuvent craindre un « banque run » ou qu’un certain nombre d’actionnaires se mettent à vendre leurs actions et que le cours des banques chutent. Il faut pour ces tests présenter les résultats de manière très habile, mais jusqu’à présent, l’Europe n’a pas fait preuve d’habiliter dans ses décisions.

Ce qui est dramatique dans tout ce qui se passe c’est que chaque jour remet en cause ce qui a été fait la veille. Ces stress tests ne vont que remettre un peu d’huile sur le feu qui gronde en Europe. C’est une opération extrêmement dangereuse et qui risque de se retourner contre nous... Que vont-ils dire ? Que la Grèce est sûre de faire défaut. Personne ne peut dire ça. C’est remettre sur le tapis, des débats qui sont sans fin.

Quel sont les problèmes principaux que connaissent les banques aujourd’hui ?

Le problème majeur est de savoir la réelle qualité de votre actif. Il faut avoir une règle de probabilité sur le risque que représente cet actif, puisque des actifs sont plus ou moins risqués. Autrefois, quand vous faisiez une comptabilité qui était une comptabilité en valeur historique et réelle, comme l’or, vous n’aviez pas de question sur la réalité du bilan d’une banque. Maintenant, quand vous avez des comptabilités qui sont en valeur de marché et sur l’objet qui n’ont pas un marché immédiat, des modèles existent derrière. Donc tout repose sur la fiabilité des modèles. Ces derniers reposent sur l’acceptation de la règle de probabilité. Or, beaucoup d’économistes et de financiers et expliquent que par commodité nous acceptons des règles de probabilité assez simple. La réalité est-elle conforme à ces règles de probabilité ? Rien n’est sûr...

Mais alors, que faire ?

Il faudrait à mon avis changer trois choses. La première serait de rétablir un actif qui soit totalement sûr, c’est-à-dire que la dette publique soit sous forme de monétisation. On peut avoir une situation dans laquelle, elle n’est pas vraiment honorée par le biais de l’inflation. L’inflation c’est une manière de mentir sur les dettes publiques et de dire que de façon nominale la dette publique sera toujours remboursée et que la BCE, Banque centrale européenne, jouera toujours son rôle de préteur d’argent en dernier ressort. C’est ce que la Banque centrale américaine fait aux Etats-Unis, où la crise de la dette publique est une crise politique. Ce n’est pas le cas en Europe puisqu’il existe une confusion dans les prises de position des dirigeants.

La deuxième serait d’afficher clairement les modèles tels qu’ils sont conçus en indiquant leurs limites. Et puis, à moyen terme, de poser de véritables questions sur les règles de probabilité que l’on adopte. Normalement, une crise doit remettre en cause les théories qui ont poussé le système à une crise. Les financiers et les économistes doivent impérativement se remettre à chercher une meilleure représentation de la réalité. N’existe-t-il pas un problème d’homogénéisation des décisions européennes sur les différentes crises que le vieux continent traverse (surtout que les stress test seront soumis aussi à l’approbation et aux décisions des banques centrales nationales) ?

Je pense que nous nous dirigeons de plus en plus vers une évocation des problèmes financiers au niveau européen y compris de façon concurrentielle. C’est-à-dire, une mise en place de règles qui permettraient une plus grande concurrence sur le plan bancaire au niveau de l’Europe. Cela va remettre en cause les situations acquises. Il existe des pays où les banques sont relativement modernes, comme la France, et des pays où les systèmes bancaires sont encore anciens avec des vieux mécanismes. En Allemagne, il existe encore des banques qui dépendant des états (des landerbank). En France, vous avez à la fois un réseau qui est immergé au niveau international, avec un statut d’entreprises privées et de sociétés anonymes ; et puis vous avez tout un réseau mutualiste dont le statut n’est pas encore totalement défini.

C’est la preuve qu’au niveau européen, cette crise va plutôt porter le problème bancaire à ce niveau-là pour homogénéiser les statuts et permettent une plus grande concurrence. D’un autre côté, je pense qu’un des éléments qui va être déterminant, c’est que derrière cette reconstruction, et c’est le travail de Michel Barnier, il va falloir mettre en place une réglementation européenne.

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