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La crise énergétique européenne vient montrer la fragilité des solutions préconisées par l’écologie politique.
La crise énergétique européenne vient montrer la fragilité des solutions préconisées par l’écologie politique.
©GUILLAUME SOUVANT / AFP

Remède pire que le mal ?

La crise énergétique en Europe démontre les failles de mesures préconisées par l’écologie politique.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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La crise énergétique européenne présentée souvent comme une conséquence directe de la guerre en Ukraine vient surtout montrer la fragilité des solutions préconisées par l’écologie politique. En effet si l’économie allemande et d’autres pays européens vacille à ce point avec la hausse du prix du gaz et la fermeture progressive de l’alimentation des gazoducs venant de Russie, c’est bien parce que la présentation par les politiques de la solution éolienne et solaire pour l’approvisionnement énergétique est trompeuse : en fait les énergies renouvelables solaires et éoliennes sont intermittentes , ne fonctionnent au cours du temps qu’à 25 à 30% de la puissance installée et pour servir les consommateurs elles sont « doublées «  par des centrales à gaz …et à charbon ! Ce qui est présenté comme une alternative aux énergies fossiles étant non pilotable, conduit au contraire à les réinstaller comme on le constate aujourd’hui. On veut éradiquer l’utilisation des énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) et comme on ne peut pas stocker des électrons en mouvement, on a recours pour compenser l’intermittence …aux fossiles !

Ce sujet qui agite tous les gouvernements européens est loin d’être le seul à préoccuper les industriels abreuvés de textes de lois et de décrets d’interdits et de sanctions au sujet de la défense de l’environnement tandis que les solutions, les outils pour répondre aux volontés des législateurs n’existent pas ou sont trop chers pour pouvoir être envisagés. Beaucoup de responsables ont indiqué, en leur temps, qu’il n’y avait pas d’alternative à l’utilisation du glyphosate, le législateur a considéré que les textes allaient conduire à la découverte d’un substitut, cela n’a pas été le cas et la plupart des villes et villages sont désormais envahis de mauvaises herbes comme les voies de chemin de fer ! C’est un exemple qui avait été souligné par le Ministre de l’Agriculture de l’époque, mais on peut les multiplier : la loi AGEC interdit certains plastiques jetables mais le carton érigé en substitut ne peut devenir imperméable qu’avec ajout de chimie …ou de plastique : les couverts jetables en bambou ne sont pas la solution non plus. Les textes des dernières lois très belles et généreuses butent sur l’insuffisance de solutions simples, bon marché et efficaces, mais aussi sur les couts de certaines d’entre elles qui conduisent à la fermeture des usines en France et à leur délocalisation dans des pays moins parfaits que le nôtre. C’est ainsi que les principes actifs des produits pharmaceutiques ont émigré à 80% en quelques années !

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Sans doute convaincus de la fragilité de leur position, les militants de l’écologie politique partisans par ailleurs de la décroissance et se satisfaisant pleinement d’un recul massif de l’industrie française ont lancé une offensive de taille lors de la rentrée 2022 contre les entreprises de toute taille , mais surtout les PME. Les contrôles des DREALS, qui se considèrent comme les « gendarmes «  de l’environnement, (Directions Régionales de l’Environnement ,de l’Aménagement et du Logement), se sont multipliés pendant la période électorale et des vacances studieuses ont débouché chez un grand nombre de PME sur des envois de courrier fin Aout début Septembre au moment où les chefs d’entreprise se débattaient dans la crise des prix de l’énergie qui risque de manger la totalité de leurs marges et de les mettre en faillite ! Beaucoup avaient déjà connu ce même phénomène d’excitation administrative les jours qui suivirent la fin du confinement lors de la crise du Covid.

Les courriers viennent des Préfectures, rédigés par les Bureaux des Procédures Environnementales, un rappel des contrôles, des mesures à prendre pour satisfaire aux textes etune mise en demeure d’exécuter les travaux dans des délais brefs, suivie des sanctions préconisées et du projet d’arrêté publiable (pour désigner à la vindicte publique l’entreprise criminelle) et de la menace de la transmission au Procureur de la République. Il semble que ce sont surtout les établissements qui ont un atelier peinture dont la République a soudain la volonté de s’occuper lors de cet automne 2022 ainsi que du mélange sournois en cas d’incendie des eaux de pluie avec celles des eaux amenées par les pompiers en cas d’incendies. Il se trouve que dans ces deux cas les solutions n’existent pas vraiment, c’est-à-dire que les entreprises doivent s’engager dans des investissements lourds, non rentables et qui butent de toute façon sur des difficultés pratiques insolubles. Les entreprises qui n’ont pas droit à l’usage de l’eau en cas d’incendie sont balayées par la force des textes… la loi c’est la loi ! Il ne reste plus qu’à fermer et déménager hors de France.

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Ce zèle soudain au sortir d’un été chaud mérite d’interroger la composition de certaines administrations et leurs motivations, les chefs d’entreprise ont, eux, le sentiment d’un a priori négatif surleur existence même : les entreprises impies doivent disparaitre. Mais si l’on va demander aux pouvoirs publics de modérer leur volonté purificatrice il faut aussi s’interroger sur la fabrication des lois et décrets qui permettent à certaines administrations de tenter de tuer une grande partie de l’industrie française déjà fort handicapée par des taxes diverses qui n’existent en Europe que dans notre pays : la rentabilité de notre industrie est d’une manière générale plus faible que celle de nos voisins.

Dans la fabrication des lois, et on l’a vu avec la loi AGEC (anti gaspillage et économie circulaire) comme Climat et Résilience, les industriels concernés ne sont pas sollicités et les outils ou solutions pour répondre aux préconisations sont supposés exister : il suffit souvent d’un article dans la presse évoquant une invention géniale pour en faire foi . Les intentions généreuses des textes butent sur les réalités et les dérogations dans les décrets prennent alors plusieurs pages …en attendant beaucoup d’autres comme on l’a vu avec le plastique à usage unique : on avait oublié le secteur médical sauvé par le plastique jetable depuis des décennies ! Si on interdit il faut s’assurer que l’on peut rendre le même service à un prix comparable avec quelque chose de correct pour l’objectif visé. La voiture électrique est plus chère que la voiture à moteur thermique, elle pollue moins les villes, mais son empreinte carbone dépend de beaucoup de facteurs qui ne conduit pas universellement à la préférer. Il faut en être conscient lors de la discussion des textes, pour cela il faut poser des questions et étudier les réponses !

Mais après avoir rédigé les lois, les administrations préparent les décrets d’application, elles sont là pour s’assurer de la pertinence des outils pour les professionnels touchés. Ce travail n’est plus fait de manière neutre, il est dans les mains de militants qui veulent forcer la réalité et qui considèrent que la science et la technique vont évoluer rapidement dans le sens de leur idéologie . Cela peut arriver effectivement, mais ce n’est pas garanti : c’est ce que nous sommes en train de vivre en ce moment dans un grand nombre de nos entreprises ! Nous n’avons pas les réponses aux questions posées, nous ne pouvons pas rester en vie tout en satisfaisant la loi et ses décrets. Il nous faut donc revenir à une administration bienveillante qui accepte les réalités, qui discute de solutions pas forcément optimalesmais qui vont dans le bon sens de la protection de l’environnement. Avant tout il faut respecter le patron de PME, ce n’est pas un ennemi du progrès, ni de l’environnement, il ne veut pas le malheur de son personnel , ni de ses voisins, il ne cherche pas à polluer ni à faire du bruit, il n’est pas le « méchant » des westerns, il cherche à développer son entreprise en respectant les lois et règlements mais si on ne lui propose pas les outils dans des conditions financières acceptables et des délais corrects, il ne peut rien faire d’autre que se préparer à l’exil ! Il n’a pas à sa disposition un spécialiste lecteur de tous les textes, il n’a personne pour se mettre au courant jour après jour des modifications règlementaires d’un code de l’environnement devenu en quelques années complètement indigeste. Recevoir une lettre lui disant qu’il ne satisfait pas à l’article L. 511-1 du Code de l’Environnement le 18 Aout 2022 avec une mise en demeure et un projet d’arrêté préfectoralest inadapté à son mode de fonctionnement. Son entreprise est au service de l’économie française, elle ne s’oppose pas au fonctionnement du pays, elle en fait partie et si elle contrevient aux lois un travail d’explication et de discussion est impératif. L’administration n’est pas là pour faire disparaitre les entreprises mais pour leur créer un environnement favorable pour qu’elles se multiplient. Les chefs d’entreprises ne sont pas des gêneurs mais, au contraire ceux qui permettent l’essor économique et, accessoirement, ceux qui paient des impôts pour disposer d’administrations.

Certaines grandes entreprises n’ont pas hésité à déménager, la plupart des petites et moyennes n’ont ni cette volonté, ni ce désir, ni les moyens de le faire, respectons les, elles forment l’essentiel du tissu économique et social du pays, ce sont elles qui créent de l’emploi dans tout notre territoire.

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