Crise énergétique : l’incroyable aveu en creux d’Emmanuel Macron sur le fiasco généré par l’Etat<!-- --> | Atlantico.fr
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Cette photographie prise à Toulouse le 17 septembre 2022 montre un réchaud au gaz sous une courbe ascendante.
Cette photographie prise à Toulouse le 17 septembre 2022 montre un réchaud au gaz sous une courbe ascendante.
©Lionel BONAVENTURE / AFP

Manque de vision

Emmanuel Macron a demandé aux petites entreprises, collectivités locales et bailleurs sociaux qui devaient renégocier leurs contrats d'énergie, de ne pas les signer "à des prix fous" car il fait tout pour "renégocier les prix du gaz et de l'électricité" et "refaire fonctionner nos marchés". Un aveu d'échec criant.

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Atlantico : Lors d’une interview accordée à BFMTV, dans l’avion qui le ramenait de New York, Emmanuel Macron a demandé aux petites entreprises, aux collectivités locales ou encore aux bailleurs sociaux qui devaient renégocier leurs contrats d’électricité, de ne pas les signer "à des prix fous". "Nous sommes en train de renégocier les prix du gaz et de l'électricité, de refaire fonctionner les marchés", a-t-il ajouté. Est-ce un aveu d’échec de la part du président ?

Damien Ernst :Il faut bien voir ce que cela représente. La majorité des contrats se négocient à prix variable. Il y a une partie Arenh à prix fixe, mais pour le reste, les contrats sont soumis au prix du marché. Les contrats à prix fixe sont rares, donc si le président arrive à bien négocier et à faire baisser les prix, les contrats en cours suivront car ils profiteront de la baisse des prix. Je ne vois pas en quoi renégocier plus tard les contrats aura un impact sur la facture des entreprises.  Si les entreprises ne négocient pas avant la fin du contrat, le gestionnaire de réseau de distribution leur envoie la facture, mais uniquement fondée sur le prix spot, donc elles ne bénéficient pas du tarif Arenh pour une partie de leur consommation qui est largement inférieur au prix spot. Elles seraient donc perdantes.

Cet aveu d’échec du président est d’autant plus surprenant que la crise est là depuis un an. Il y a avait un problème structurel bien avant le début de la guerre en Ukraine. Il aurait fallu avoir des groupes de travail et pouvoir actionner tous les changements dans les mécanismes des marchés en cas de crise. Pourquoi ne pas avoir négocié plus tôt ? Il y a un manque d’anticipation criant de la part du président. 

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Dans quelle mesure l’État est-il responsable de la situation actuelle ?

L’erreur principale est le manque de consolidation de la filière nucléaire. Cette dernière a été abandonnée pendant le premier mandat d'Emmanuel Macron. Le président aurait dû prolonger la centrale nucléaire de Fessenheim, lancer de nouveaux chantiers pour les EPR et continuer le programme ASTRID mais il ne l’a pas fait. S’ajoute à cela une seconde erreur : la faible exploitation des gisements de gaz en Europe. Cela a accru notre dépendance au gaz étranger. Pour plaire aux ailes radicales européennes, en particulier les écologistes, les politiques se sont volontairement aveuglés. 

A quel point les français et les entreprises paient-ils les conséquences d'un marché de l'énergie absurde que les décideurs français et européens ont laissé prospérer ?

Les structures de marché telles qu’on les connait n’ont pas mal fonctionné quand il n'y avait pas de pénurie de gaz et d’électricité, mais ont tendance à amplifier le problème quand il y a pénurie. Pour le gaz par exemple, nous n’avons pas voulu des contrats à long terme. Le problème n’est pas nécessairement le marché : aux Etats-Unis, les marchés sont complètement libéralisés et cela fonctionne. Qu’ont-ils de plus que nous ? Une vraie politique énergétique, en particulier sur les énergies fossiles et qui a su s'affranchir du dogmatisme anti-nucléaire.

Le marché peut apporter beaucoup, mais il est dérisoire de ne compter que sur lui. Il faut une vision stratégique en matière énergétique, ce qui a manqué aux gouvernements européens. 

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Il a également déclaré : "Dans les prochaines semaines, on va veiller collectivement à retrouver des prix plus raisonnables pour que tout cela soit soutenable. Pas d'emballement, pas d'inquiétude." Doit-on le croire ? Comment cela pourrait se concrétiser ?

On assiste à un effritement du tissu industriel européen. Sans gaz russe, il y aura encore un gros problème pour l’hiver prochain. Les entreprises ont des craintes sur le long terme, les conduisant à délocaliser dès maintenant (aux États-Unis par exemple).

C’est pourquoi Emmanuel Macron est obligé d’avoir un message rassurant auprès des entreprises car ce qu'il se passe actuellement est dangereux pour le futur industriel français et européen. Je ne pense pas qu'il ait encore la solution pour régler le problème, mais son objectif est de rassurer les entreprises et les investisseurs. Il n’y a plus un seul investisseur étranger qui pourrait prendre le risque de se lancer dans une usine de production qui nécessite une quantité significative d'énergie. L’investisseur veut de la stabilité, ce qui n’est pas le cas en Europe. 

En l’état actuel des choses, comment le président de la République peut-il faire en sorte que les entreprises ne décrochent pas ? Et pour les ménages ?

Le bouclier tarifaire pour les ménages est plus facile à mettre en place que pour les entreprises. Il faudrait négocier avec la Commission européenne. Sur l’Arenh, qui est une sorte d’aide d'État pour les entreprises françaises, l’Europe a un peu fermé les yeux là-dessus.

À l’heure actuelle, l’Europe n’a pas de véritable solution au regard de la détresse des entreprises. Même si un accord est trouvé, les prix évoqués en matière de prix maximum (150 euros le mégawattheure pour le gaz) me semblent trop élevés pour éviter le désastre industriel. Il faudrait mettre un prix maximal autour de 50 euros par mégawattheure pour le gaz. Au vu de la complexité de la régulation à mettre en œuvre pour arriver à un tel prix maximal et des intérêts divergents de certaines parties, les négociations s’avèrent difficiles.

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