Covid-19 : la redistribution planétaire des cartes<!-- --> | Atlantico.fr
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yuen dollar économie Etats-Unis Chine impact de la crise sanitaire coronavirus covid-19
yuen dollar économie Etats-Unis Chine impact de la crise sanitaire coronavirus covid-19
©NICOLAS ASFOURI / AFP

Le point de vue de Dov Zerah

Alors que la liste des morts de la pandémie de Covid-19 ne cesse de s’allonger, il en est de même de la liste des effets collatéraux. Dov Zerah décrypte l'impact de la crise sanitaire sur l'économie mondiale et notamment pour la Chine et les Etats-Unis.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Il y a un peu moins d’un an, le 4 février 2020, j’écrivais : « Les économistes ont déjà estimé que la croissance baisserait de 0,5 à 1,2 %, mais ces premières estimations paraissent en deçà de la réalité, ne serait-ce que parce que l’épidémie de SRAS de 2003 avait entrainé une baisse de 2 % du PIB chinois. Il faudrait actualiser l’estimation faite par la Banque mondiale en 2008 selon laquelle une épidémie grave pourrait amputer jusqu’à 5 % du PIB mondial.

Les événements de la dernière année ont montré que nous faisons face

  • À une grave crise sanitaire dont nous ne voyons pas encore l’issue, quels que soient les mérites des vaccins

  • Ainsi qu’à une crise économique d’une grande intensité qui va profondément modifier les processus de production, les comportements des agents économiques, les situations des secteurs d’activités les positions des États.

Cette crise économique va également entrainer une redistribution des situations :

  • Certaines activités ou secteurs sont sinistrés : aviation civile, transport aérien, hôtellerie, restauration, cinémas, parcs d’attraction, musées, théâtres… Même si, à un moment plus ou moins proche, on finira par retrouver une vie normale, il n’est pas sûr que nos comportements ne soient pas durablement affectés par les confinements ou autres restrictions.

  • La pandémie a d’ores et déjà causé un lourd bilan humain, décès, contaminés ayant conservé des séquelles ; elle a plongé des millions de personnes dans la pauvreté et pourrait affecter leurs métiers, leurs activités et revenus pendant une longue période. Les conséquences de la pandémie seront lourdes et profondes, notamment pour les jeunes ; le fonctionnement du système éducatif entre fermeture et accueil a fragilisé de nombreux jeunes et a augmenté les sorties du système.

  • Le classement des États avec une Chine qui semble être vite sortie de l’ornière.

À la différence de ses principaux concurrents, la croissance de l’économie chinoise a été positive en 2020 avec 1,9 %, même si c’est en retrait des 5,8 % attendus. Après avoir été la seule grande économie avec une croissance positive en 2020, la Chine semble renouer avec des niveaux de croissance oubliés depuis de nombreuses années. Elle s’en tire mieux que les autres pays.

Selon les deux institutions de Bretton Woods, Banque mondiale et Fonds monétaire international (FMI), l'économie chinoise devrait croître de 7,9 % en 2021, soit près du double des 4 % du taux de croissance mondiale, après un recul de 4,3 % en 2020. Mais cette performance mondiale est subordonnée à la maitrise de la pandémie ; la reprise mondiale risque d’être longue à venir, et serait incertaine et inégale.

Cette robuste reprise chinoise devrait permettre d’amortir le choc de la pandémie sur l’économie mondiale, mais surtout à l’Empire du milieu de creuser l’écart avec ses principaux concurrents, à l’exception probable de l’Inde.

Selon le FMI, les pays émergents ont été fortement affectés en 2020 : -8 % pour l'Afrique du Sud, -5,8 % pour le Brésil, -4,1 % pour la Russie. -10,3 % pour l’Inde, le pire résultat depuis son indépendance en 1947, la plus forte chute parmi les grandes économies, hormis l’Espagne et l’Italie ; mais l’Inde devrait fortement rebondir avec une croissance de 8,8 %.

Le poids de l’économie chinoise dans celle mondiale a quadruplé depuis 2003 et le SRAS. En une quinzaine d’années, la Chine est devenue la seconde économie au Monde, voire la première en s’appuyant sur le PIB en termes de parité de pouvoir d’achat. Le PIB chinois est passé de 4 à 16 % du PIB mondial ; ce poids devrait s’accroître avec la pandémie.

Pour les États-Unis, son PIB devrait croître de 3,5% en 2021, après une diminution de 3,6% en 2020, selon la Banque mondiale. Pour rétablir son leadership, la nouvelle administration devrait être conduite à prendre des décisions radicales :

  • Elle devrait s’attaquer aux déficits des finances publiqueset des comptes extérieurs, sauf à accepter une progressive mais inéluctable perte d’indépendance

  • Cela passerait notamment par une réduction des dépenses militaires d’autant plus inéluctable que les Etats-Unis se replient et que leur capacité de conduire une nouvelle guerre est plus qu’écornée. En 1919, sur 1 917 Md$ de dépenses militaires de par le monde, 732 Md$ ont été assurés par les Américains, 261 par la Chine, 71 par l’Inde, 65 par la Russie… Les États-Unis disposent d’une grande marge de manœuvre d’économies sauf si le complexe militaro-industriel se mettait en travers.

Enfin, l’économie européenne a connu un rebond au troisième trimestre qui a été cassé par les nouvelles mesures de confinement prises à partir de l’automne. Cette situation se constate au moins à trois niveaux :

  • Au cours du troisième trimestre 2020, le PIB s’est accru de 12,5 % dans la zone euro et de 11,5 % dans l’UE par rapport au second trimestre au cours duquel le PIB avait diminué de 11,7 % dans la zone euro et de 11,3 % dans l'UE.

  • Le taux de chômage était ainsi en novembre à 8,3 % dans la zone euro, en retrait de 0,3 % par rapport à août, mais supérieur de 0,9 % par rapport à l’année précédente.

  • La récession européenne s’accompagne d’une baisse annuelle des prix de 0,3 % en décembre, alors qu’il y a un an, la tendance était à une augmentation de 1,3 %.

Malgré les délais de sa mise en place, le plan de relance européen est conséquent. Il reste maintenant à espérer que les sommes soient rapidement utilisées et qu’elles permettent une véritable relance des économies européennes, une réduction de la fracture entre pays du Sud et ceux du Nord et que l’UE ne se retrouve pas confrontée, comme en 2009-2010 à une crise des dettes souveraines. Ce plan devrait permettre un renouveau économique, absolument nécessaire pour une affirmation européenne.

La liste des morts de la pandémie ne cesse de s’allonger. Il en est de même de la liste des effets collatéraux.

Combien de temps encore pourra durer la perfusion des économies ? Combien de temps pourra-t-on s’endetter ?

Tant notre modèle économique que notre modèle social est en pleine métamorphose.

Par la propagation du virus et la globalisation des effets, cette pandémie est une des nombreuses manifestations de la mondialisation. Elle semble être annonciatrice d’une crise d’une intensité inégalée, tant dans sa dimension sanitaire qu’économique. Pour l’enrayer, une coordination internationale s’impose. À défaut, l’Europe devra faire cavalier seul pour une éviter une inéluctable redistribution des cartes qui lui soit défavorable.

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