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Jean Castex Bruno Le Maire
Jean Castex Bruno Le Maire
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Crise sanitaire et économique

Jean-Paul Betbeze décrypte et analyse les conséquences économiques de la crise du coronavirus, notamment sur le dossier de l'inflation. L'hyper-fragilité des services et la désinflation en cours sont-ils des indicateurs pour l'exécutif dans le cadre du plan de relance ?

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Enfin, les prix arrêtent de décélérer

La désinflation n’est pas un bon signe : elle vient d’une moindre demande, qui entraîne moins d’activité, d’emploi, de marges d’entreprises et de commerces, moins d’investissement, de compétitivité et d’emploi. Le cercle vicieux par excellence. Mais cette dynamique semble se calmer. En effet, avec 0,4% d’inflation entre juin et juillet en France, 0,8% sur un an : l’inflation semble avoir atteint son point bas. Le seul point qui avait inquiété le mois dernier, avec le confinement, avait été l’augmentation des produits alimentaires. Ils décélèrent pour le troisième mois consécutif : +1,1% sur un an après 2,6% en juin. Ce sont les prix des produits frais que l’on retrouve ici : 2,2% sur un an en juillet, après +11,8% en juin. Pas de dislocation des prix, pas de déflation donc.

Les modes de consommation se normalisent, avec les réouvertures des hypers et surtout des supermarchés : acheter à proximité devient possible, à des prix qui ne transcrivent pas les hausses coûts : espacement, mesures de protections. Cette modération des prix montre la pression sur les marges des distributeurs. Pas le choix dira-t-on, mais ceci laissera des traces dans un secteur très employeur : c’est la conséquence d’une contraction de la demande des ménages bien plus forte encore que celle de l’offre. C’est d’ailleurs pourquoi l’épargne explose dans les banques : +6,7% sur un an dans les livrets, +23,6% dans les comptes courants ! Moins de demande de consommation, plus d’épargne, les prix sont sous pression, les marges aussi, l’emploi ensuite.

Les ménages français révisent leurs craintes sur les prix

En effet, pendant le confinement, les ménages ont craint comme jamais, à partir de mars, une accélération de l’inflation, alors qu’elle décélérait ! En avril l’inquiétude était ainsi à son plus haut, 40% des ménages contre 30% anticipant une accélération au moment même où l’inflation passait de 0,8 à 0,4% l’an. La correction des perceptions se met en place : en avril, l’accélération des prix est vue comme très forte et devant continuer sinon s’accélérer, mais en août tout se normalise : inflation passée et inflation anticipée rejoignent leurs tendances de moyenne période.

Derrière ces chocs d’inflation en sens inverse, il y a des mouvements très importants de la demande. Ainsi, selon  la Banque de France, les demandes de transports, d’hébergements et de restauration auraient baissé de 80% du début du confinement à fin mars, celles des services aux ménages de 60%, alors que leur poids est de 50% dans la consommation des ménages. La stabilisation de la consommation, puis des prix, est décisive pour la reprise.

L’hyper-fragilité des services est manifeste

La dépendance de l’économie des services est la révélation de ces derniers mois, où on ne parlait que de désindustrialisation. On retrouve en effet ces mêmes résultats de fragilité économique, avec en plus leurs effets sur les prix, dans des travaux américains (FRBSF Economic Letter, August 24, 2020, Federal Reserve Bank of San Francisco : Monitoring the Inflationary Effects of COVID-19, Adam Hale Shapiro). Une nette différence y apparaît en effet entre biens et services. Pour les premiers, les consommations ont baissé de 0 à 25% entre février et avril 2020, avec, pour les plus fortes baisses de demande, des baisses de prix allant jusqu’à 5%. Pour les services, les baisses ont été terribles : jusqu’à 60% dans les hôtels avec des réductions de 10% et de 75% dans les transports par avion, avec des baisses de tarifs de 15% - donc des pertes massives. En revanche, la demande de prestations dans les activités à but non lucratif a été en hausse de 70%, évidemment avec la montée des problèmes sociaux liée à la crise. Au total, en février 2020, sur les 1,9% d’inflation américaine, 1% venait d’activités qui se sont révélées sensibles au COVID-19 et 0,9% d’activités insensibles à lui. En juin, l’inflation des premières était de 0,4% et celle des activités sensibles de 0,4%. La désinflation en cours vient donc, compte tenu des poids des deux types d’activité, pour deux tiers des activités sensibles au COVID-19, les services.

La désinflation en cours : trois leçons pour le Plan français de relance ?

La première est, à court terme, qu’il faut lutter contre la déflation en soutenant les entreprises et l’emploi, donc les services. Plus de dette et des prix en baisse est le poison de la déflation. Mais ceci ne veut pas dire soutenir tous les services, en particulier les plus fragiles. Derrière le virus, il y a les achats par Internet : ils ne pourront pas survivre s’ils ne peuvent s’étendre, se moderniser et former. Donc, deuxième leçon, il faut industrialiser et renforcer les services. Enfin, troisième leçon, par la digitalisation et le traitement amélioré des données, il faut renforcer les liens entre les entreprises, industrielles et de services. Lutter contre la déflation par les services, industrialiser les services, digitaliser le système offre-demande français : nous aurons alors 1% d’inflation, ce qui implique de voir ensuite comment avancer par l’innovation, la formation et l’actionnariat.

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